Gros calin

Gros calin

Gros-Câlin

Gros-Câlin est un roman de Romain Gary, publié sous le pseudonyme d'Émile Ajar en 1974.

Ce livre retrace l'histoire de M. Cousin, un statisticien troublé, qui cherche désespérément à combler le vide de son existence auquel fait écho la vacuité des relations. À défaut de trouver lamour chez ses contemporains, il s'éprend d'un python mature capable de lenlacer dans une puissante étreinte. Mais la vie parisienne avec Gros-Câlin, le reptile chéri, ne va pas sans tracas. Objet de curiosité pour certains et repoussoir pour dautres, Gros-câlin représente un obstacle supplémentaire dans la quête affective du héros. De fait, il matérialise linadéquation du personnage. Progressivement, le lecteur comprend que létrangeté du reptile, sa présence incongrue dans Paris, limprobable potentiel de communication que la bête manifeste sont aussi des caractéristiques de Cousin. Déçu par des amitiés chimériques et un projet de mariage qui nexistait que dans sa tête, le personnage se referme sur lui-même, confiant au hasard et à la contingence le soin de lui rappeler sa propre existence.

Romain Gary, avec ce premier titre publié sous le pseudonyme dÉmile Ajar en 1974, présente une fable humoristique étrangement annonciatrice de la société individualiste et technocrate que va grandissante depuis les années 1980.

Sommaire

Étude du roman

Composantes romanesques

Les lieux visités par Cousin

Les lieux décrits dans le roman de Romain Gary sont en lien direct avec létat affectif de M. Cousin. Ce sont pour la plupart des endroits fermés mis à part le centre-ville il est accompagné par Gros-Câlin et se sent totalement libre de sexposer et dattirer les regards. Prenons par exemple, lascenseur qui est l'un des lieux principaux du roman. Lascenseur est un lieu propice il devient fébrile face à son imaginaire. Étant donné quil se trouve face à des gens, son insécurité émotive prend le dessus sur sa raison. Cest alors quil se met à fabuler en donnant des noms de pays à chaque étage de lédifice il travaille (p.77). De plus, il imagine une panoplie de fantasmes amoureux entre lui et Mme Dreyfus. Il croit avec certitude quelle est trop timide pour répondre à ses avances et quelle est follement amoureuse de lui. Mais au fond, elle nest quune simple collègue de travail.

Il y a également la maison des bonnes putes qui est un endroit très significatif. Il va les visiter afin de combler un vide affectif et pour avoir de la compagnie féminine. Il adore se faire serrer dans leurs bras, car ça lui donne un sentiment de sécurité. (p.29)

Il y a aussi le restaurant chinois qui lui procure un sentiment de bien-être, car il se sent entouré, accompagné. La proximité entre les tables, le fait dentendre les conversations des autres, lui donnent limpression quon lui porte attention et quon sadresse à lui.(p.173)

Son milieu de travail est lendroit il se sent le moins à laise, car il se sent jugé par ses collègues. Il est conscient de son côté marginal, et ses pairs ne font qualimenter en lui ce sentiment de différence et de rejet.

Sa demeure est lendroit il se sent le plus à laise et en sécurité. La présence de Gros-Câlin lui apporte la chaleur humaine et laffection dont il a tant besoin. Même s'il vit des états danxiété, il réussit tout de même à se ressaisir grâce à la sécurité et la stabilité des objets qui lentourent, par exemple ses meubles.

Le rapport au temps

Dans un autre ordre didée, dans le roman de Romain Gary, nous pouvons observer que par rapport au temps M. Cousin décrit beaucoup plus ses soirées et ses temps libres que ses journées de travail. Lors de ses temps libres, il passe une bonne partie de ses journées à attendre patiemment devant lappartement de M. Tsourès. Il fait également quelques sorties au restaurant et quelques visites chez les bonnes putes. De plus, il prend le temps décrire des lettres quil nenvoie pas et il se promène dans la grande ville de Paris, avec son serpent qui lentoure chaleureusement. Il passe la majorité de son temps chez lui accompagné de ses animaux. M. Cousin ne parle presque pas de ses journées de travail, mis à part ses moments dans lascenseur et le café il se rend fréquemment. Donc, nous pouvons conclure quil accorde peu dimportance à son milieu de travail.

Aspects du schéma actantiel

Quête du héros

La quête du héros consiste à trouver lamour et laffection. Il y a plusieurs personnages dans le roman qui jouent le rôle dadjuvants ou dopposants.

Adjuvants

Monsieur Tsourès (soucis en yiddish) est un personnage qui vit au-dessus de Cousin. Cest un professeur, renommé pour ses connaissances et Cousin recherche désespérément son amitié. Du point de vue de Cousin, le professeur peut lui offrir une amitié et de laffection, il joue le rôle dadjuvant; le professeur ne perçoit Cousin que comme un simple voisin.

Gros-Câlin est le personnage qui gravite le plus autour de Cousin. Ce python joue aussi le rôle dadjuvant dans ce roman. Cousin lui parle, le nourrit de cochon-dinde et, à chaque soir, lemmène avec lui dans son lit. Le python est le personnage immédiat à qui Cousin va offrir cet amour et de qui il va en recevoir. À plusieurs reprises, il va senrouler autour de lui, ce dernier va interpréter cette action comme de laffection.

Cousin a aussi une souris qui se nomme Blondine. Elle est le second personnage à qui Cousin va offrir de laffection. Le héros place Blondine dans la paume de sa main lorsquil dort pour ressentir une chaleur. Elle joue alors le rôle dadjuvant.

Les putes, Greta étant sa préférée, chez qui Cousin se présente souvent, sont les personnages de qui Cousin reçoit le plus daffection et damour. Ces filles ont autant besoin de Cousin que Cousin a besoin delles. Elles jouent aussi le rôle dadjuvants.

Mlle Dreyfus est une femme qui travaille au même bureau que Cousin. Étant une guyanaise, Cousin croit quelle va être une des seules femmes qui va approuver la vie avec un python. Ils se voient à tous les jours dans lascenseur pour quelques instants, Cousin se prépare à lui parler de ses sentiments. Cette relation nest que réaliste dans la tête de Cousin, car elle ne le perçoit que comme un collègue de bureau. Elle joue le rôle dadjuvant.

Opposants

Le personnage qui joue le rôle dopposant est le garçon de bureau. Dailleurs, tous les employés qui travaillent avec Cousin le perçoivent comme une personne étrange et nacceptent pas sa façon de penser. Ils insistent quil ne devrait pas vivre avec un python, car il ne va jamais trouver une femme qui voudra vivre avec cet animal.

La femme de ménage portugaise joue le rôle dopposant. Lorsquelle a fait le ménage pour la première fois chez Cousin, elle a crié de peur en voyant Gros-Câlin et elle sest présentée au poste de police. Linsultant de tous les noms, elle naccepte pas une personne qui vit avec un python.

Différences entre le début et la fin

Cousin est très seul et trouve un réconfort transitoire avec son python. Cest perçu comme un réconfort transitoire car il ne restera pas toute sa vie avec lui. De plus, il est amoureux de Mlle Dreyfus, qui est dorigine guyanaise et qui est une collègue de travail. Cousin cherche à lui dire à quel point il l'aime, mais à chaque rencontre dans l`ascenseur, (lieu de travail) il ny arrive pas. Cependant, vers la fin du roman, Mlle Dreyfus ne se présente plus au travail; Cousin, inquiet va à sa recherche et découvre son nouvel emploi : la prostitution. Elle lui explique que ce travail lui offre le sentiment dêtre importante dans la vie des autres. Enfin, Cousin paye pour le travail quelle va lui offrir. Subséquemment, Cousin offre Gros-Câlin au «Jardin d`Acclimatation» car il na plus besoin de lui. Ainsi, peu de temps après, Cousin fait l`acquisition d`une montre qu`il appelle tendrement Francine. «Je désire au contraire une montre qui aurait besoin de moi et qui cesserait de battre si je l`oubliais» (p. 210). Cousin est un garçon troublé du début à la fin du roman. Peu importe comment il essaie de trouver de l`affection humaine ou animale, cela ne lui suffit pas, il se cherche constamment.

Analyse du héros

Aspects psychologiques : de la dépendance à la schizophrénie

Monsieur Cousin est un homme qui éprouve, selon lui, un trop plein damour à partager, ce quon peut constater à la lecture de lextrait suivant : « Je souffre de surplus américain. Je suis atteint dexcédant. » (page 80). Il souffre vraisemblablement de dépendance affective. Il sattache très rapidement à autrui. Par exemple, il achète une souris pour nourrir son serpent, mais il décide den faire sa compagne de vie. Il est donc très malheureux davoir autant damour à partager car il na ni conjointe, ni enfants, ni famille. Ajoutons à cela quil garde des séquelles de son enfance, il a souffert de solitude : « Mes parents mont quitté pour mourir dans un accident de circulation et on ma placé dabord dans une famille, puis une autre, et une autre et jai commencé à mintéresser aux nombres, pour me sentir moins seul » (page 57). Son rêve est de rencontrer lamour. On lentend même fantasmer dépouser sa collègue de bureau et davoir des enfants métissés avec elle, bien quil nentretient que de brèves conversations avec elle lorsquil se rend au bureau. Il est très émotif, il se sent souvent touché ou ému par de petits gestes posés par ses animaux ou par des gens de son entourage.

Toutefois, il est timide et angoissé par les rapports avec autrui. Monsieur Cousin est très tourmenté. Il a peur de beaucoup de situations : « Jétais complètement épouvanté par mon fort intérieur » et « Je me suis fait tellement peur que je métais évanoui » (page 75). Par ailleurs, il éprouve plusieurs symptômes dune personne souffrant de crise dangoisse ou de panique :

  • Il est pris de peurs injustifiées et irrationnelles ;
  • Il sue lorsquil se met à paniquer : « Jétais couvert de sueur froide, mais cétait plus fort que moi » (page 75) ;
  • Il semble étouffer parfois lorsquil est angoissé : « Le tout est de continuer à respirer. Javalais lair ». (page 167) ;
  • Son sommeil est souvent perturbé par des cauchemars et même quil fait souvent de linsomnie la nuit : « Heureusement, lorsque je me suis réveillé, Gros-Câlin et Blondine dormaient paisiblement à leurs places respectives, rien nétait arrivé, cétait seulement moi. » (page 136) ;
  • Il montre aussi certains troubles obsessionnels, par exemple : il se lave toujours le rectum.

Monsieur Cousin présente aussi un trouble didentité. Il se confond avec son serpent. À titre dexemple, lorsquil cherchait son python et se demandait il se trouvait, on peut lire : « La seule explication possible, cétait quil avait faire des heures supplémentaires au bureau. Il était peu probable quil était allé chez les bonnes putes, car il y va en général quentre midi et deux heures, ce sont des heures creuses et il simagine quil y a moins dhommes à lintérieur. » (page 152). Il énumère donc des activités quotidiennes se rapportant à lui-même en tant quhumain et non à un serpent.

En outre, il est à considérer la possibilité de schizophrénie chez notre protagoniste. En effet, il se confond tellement avec son python, quil va même se nourrir de souris vivantes à la fin du récit : « Il y avait six souris et jen ai tout de suite avalé une pour lacceptation et ce comme il faut, pour rassurer la brave personne sur mon caractère humain. » (page 212). Y a-t-il un homme, sain desprit, qui engloutit des souris vivantes ?

Somme toute, il présente plusieurs déséquilibres psychologiques et peut-être même quelques malaises psychiatriques.

Aspects sociaux

Afin détudier les aspects sociaux, trois composantes de la dimension sociale ressortent : le travail, lengagement politique et social ainsi que le rapport à lautorité. Tout dabord, nous allons aborder la question du statut social. Cousin travaille, il est statisticien. Cette profession nous porte à croire quil a complété des études supérieures. Également, le récit est ponctué de références diverses démontrant une culture vaste et variée : « …jajoute que les chutes de Victoria Nyanza se trouvent aujourdhui en Tanzanie. » ( page 28). Cousin est un citoyen français vivant à Paris. Il est orphelin depuis lenfance. Toute sa vie, il a vécu seul, il est célibataire.

Carrière

Cousin occupe un poste de statisticien dans une grosse boîte genre IBM. En raison de laspect impersonnel de son travail, Cousin ne manifeste aucune forme dintérêt ou dambition vis-à-vis celui-ci. Durant les journées de travail, Cousin nous renseigne très peu sur la nature de sa fonction. La citation suivante nous révèle toutefois la perception de celui-ci face à son travail : « Je passe mes journées à compter par milliards […] et lorsque jai fini ma journée, je me sens naturellement très diminué.» (p. 20). Il ajoute plus tard : « Le nombre 1 devient pathétique, absolument paumé et angoissé, comme le comique bien triste Charlie Chaplin.» (p. 56) . Cousin se sent dévalorisé par un travail qui lui rappelle constamment le caractère insignifiant de lindividu par rapport à la masse. Dans ce sens, on peut dire que son travail comporte un aspect impersonnel qui est contraire à ses aspirations. De plus, on ne peut considérer que Cousin se sent à laise dans son milieu de travail comme le suggère la citation suivante : « Il paraît quils vont faire passer régulièrement des tests psychologiques aux employés, pour voir sils se détériorent, se modifient. Cest pour préserver lenvironnement. […] Jen ai eu des sueurs froides.» (p. 14). Les employés sont ici réduits à létat dobjet, de machine sur lequel on peut intervenir pour améliorer la performance. Ceci vient encore souligner le caractère impersonnel et même déshumanisant de son environnement de travail. En excluant Irénée Dreyfus, Cousin ne sintéresse pas aux autres employés de son bureau. En outre, ces collègues semblent sêtre forgé une mauvaise opinion de lui et trouvent sa condition de célibataire vivant seul avec un python assez risible. Le conformisme exprimé au travers de cette opinion vient dailleurs sajouter aux éléments impersonnels du milieu Cousin travaille. On nest pas surpris alors quil préfère garder ses distances en raison du fait quil valorise la marge.

Engagement social

Pour ce qui est de lengagement politique et social, Cousin ne simplique à aucun niveau hors de son individualité. Il ne participe à aucune manifestation politique, groupe ou action communautaire. En fait, il fuit comme la peste tout ce qui se rapporte de près ou de loin à la politique. Un collègue de bureau tentera à plusieurs reprises de le politiser, via manifestations ou pamphlets. Rien ny fait, Cousin ny voit aucun intérêt : «…mais il ny avait rien qui me concernait, cétait de la politique.» (p. 79). Aussi dira-t-il plus tard : « …demandai-je prudemment, car cétait peut-être encore quelque chose de politique. » (p. 127). Autre fait intéressant, Cousin relate sa réaction aux évènements de mai 68 : « …mais en mai 68 jai eu tellement peur que je ne suis même pas sorti de chez moi pour aller au bureau, javais peur dêtre sectionné, coupé en deux ou trois ou quatre…»(p. 32). En somme, Cousin est un être tout à fait individualiste qui, à linvitation à se joindre à une manifestation de deux kilomètres, il préfère prendre soin de son serpent de deux mètres vingt ce qui est amplement suffisant et satisfaisant pour lui : « …alors que moi, je moccupe de deux mètres vingt. » (p. 41).

Rapport à l'autorité

En terminant, nous traiterons brièvement du rapport que Cousin a envers lautorité. On remarque que Cousin développe détranges relations avec les figures dautorité avec qui il sentretient. Étrangement, on peut constater aussi que ces rapports sont parmi ceux Cousin est le plus loquace. Notamment, dans les conversations quil a avec le Commissaire et le Directeur de son bureau, on note une certaine familiarité entre les participants : lautorité tente de se mettre au même niveau que Cousin. On peut voir une certaine contradiction dans le rôle traditionnel de lautorité puisquun rapport autoritaire normal fait de formalités nallouerait pas de place à de telles familiarités. Ici, on extrait une caractéristique de lesthétique postmoderne qui a tendance à rendre les rôles sociaux flous.

Les citations sont tirées du livre :

Gary, Romain (Ajar, Émile), Gros-Câlin, Paris, Folio, 1974, 137pages.

Réseau relationnel

Dans le roman Gros-Câlin, le personnage principal, Cousin, a un réseau relationnel pauvre. Dans sa quête constante damitié, il tente de créer des liens avec les gens quil rencontre, mais ses relations ne seront jamais plus que des simples connaissances. Il a une relation intime avec les animaux. Gros câlin, le python quil a rapporté dAfrique, est probablement son seul et véritable ami suivi de Blondine, la souris, dont-il a changé le destin par compassion. Ces animaux lui apportent le réconfort et comblent les moment il a besoin de tendresse. Tout au long du roman, Cousin côtoie différents personnages rencontrés par hasard. Il semble attiré par les gens qui ont une caractéristique particulière, dont il peut tirer avantage et qui font deux des minorités dans la société. Il est amoureux dune femme noire originaire de Guyane, il veut se lier damitié avec son voisin qui a de grandes connaissances générales sur le monde avec les putes qui font un travail peu commun, etc. Monsieur Cousin a lui-même vécu une enfance difficile sur le plan social. Ayant perdu ses parents à un jeune âge, il a passer de famille en famille. De plus, il semble avoir un trouble de personnalité non spécifié qui ajoute à sa difficulté de conserver ses relations.

Principales thématiques

Amour et amitié

Travail et communication

Travail

A Priori, dans Gros-Câlin, lunivers professionnel de M. Cousin occupe peu de place puisquil est rarement décrit. Cependant, à travers les passages qui évoquent son travail, nous pouvons constater que M. Cousin accorde deux fonctions à son emploi. Lune sert de lieu de rencontre pour fraterniser avec Mlle Dreyfus afin daméliorer sa prétendue histoire damour quil entretient, à sens unique, avec elle. Et lautre est de sassoir, tout simplement, devant son IBM pour compter à coup de millions, car il est statisticien de métier. De plus, il nenvisage point de développer de nouvelles relations interpersonnelles bien que ses collègues, eux, aimeraient bien. Il est aveugle face aux situations externes et il accorde à ses camarades, en échange, peu dattention : « Enfin, ils nétaient pas tous garçons de bureau, mais cest la même chose » ( page 76 ). Pour M. Cousin, aller au bureau semble être une obligation et il sen passerait volontiers sil nétait pas question de Mlle Dreyfus. Alors, pour se faciliter la tâche, il trouve plus passionnant de se réfugier dans ses rêves quil conçoit minutieusement. À ce propos, nous pouvons sous entendre quil occupe sa journée à réfléchir, des heures et des heures, comme si le reste navait plus dimportance : « Je passai une journée sinistre, au cours de laquelle je remis tout en cause » ( page 77 ). Dans le même ordre didées, nous avons limpression que la « STAT » est un lieu de travail impersonnel, car tout le monde soccupe des ses propres affaires et ne démontre aucun intérêt envers autrui. Également, les employés semblent tous se ressembler jusquà un tel point que personne ne remarque la présence ou labsence de lautre : « Le lendemain […] jallai à la STAT et je suis resté à mon IBM sans que personne saperçoive de mon absence » ( page 212 ). Cette citation montre que, bien que physiquement présent, il est mentalement absent, ce qui passe inaperçu. Dailleurs, nous observons que lambiance professionnelle de M. Cousin savère ennuyeuse, répétitive, peu valorisante et parfois même épuisante. Pour exprimer ce point de vue, Mlle Dreyfus fait part à M. Cousin de quelle pense à propos de son emploi : « Le bureau, jen avais ralbol, cest trop ingrat comme travail. Je venais ici le soir claquée, excédée. Ça me gâchait mes soirées. Cest pas humain, le bureau, les machines, toujours le même bouton quon appuie » ( page 201 ). Cette réplique souligne la lenteur que doit prendre une journée à passer. Sans compter que M. Cousin exerce son métier depuis plusieurs années, alors il lui est facile de travailler et de penser en même temps. Réfléchir à quoi ? À Mlle Dreyfus ! Il peut ainsi extrapoler et inventer, à sa guise, le déroulement de sa relation avec elle. Au début du roman, il lappréciait bien, par la suite, il voyait en elle une bonne candidate au mariage et vers la fin, il était devenu son amoureux par le biais de son imagination. Voilà donc ce à quoi M. Cousin travaille. Quoi quil en soit, le travail est un effort individuel ou collectif, physique ou intellectuel, conscient, délibéré et créatif, dont le but tend à la concrétisation dun projet ou dune idée. Tout bien considéré, nous pouvons attribuer à M. Cousin le titre de travailleur puisquil vague à donner une certaine forme à la réalité dont il en fait, lui-même, les transformations. De plus, il occupe son temps à imaginer des situations dans lesquelles il est lacteur principal sans se soucier de son entourage. Cependant, est-ce que tous ces efforts déployés, qui consiste à être un travail selon lui, tendent à la concrétisation ?

Communication

Tout au long de la lecture du roman Gros-Câlin nous pouvons constater que la communication est un thème très présent, cependant, aux yeux de M. Cousin, la communication semble avoir une signification tout à fait hors du commun. Premièrement, dans la plupart des dialogues que M. Cousin entretient avec dautres personnages, Il y a un incroyable manque de cohérence et de logique. La discussion entre M. cousin et le commissaire (p.42) démontre très bien ce manque de cohérence face à des questions des plus banales : « - Il sappelle comment, ce garçon de bureau? .. – Il ma dit que mon python, cétait les consolations de léglise et que je devais ramper hors de mon trou et de me dérouler librement au soleil sur toute ma longueur ». Cette absence de logique que lon retrouve régulièrement dans les dialogues de M. Cousin démontre quil interprète de façon totalement erronée lobjet des discussions auxquelles il prend part, mais surtout, lorsquil a une toute autre idée en tête. Nous en venons donc à un deuxième problème qui vient faire interférence dans les tentatives de communication de M. Cousin; son imagination. Suite au manque de relations interpersonnelles de notre héros, celui-ci en vient à inventer dans sa tête divers scénarios et discussions avec des gens qui ne sont seulement que des connaissances plus ou moins éloignées. Le réel problème dans cette situation est que ces divers scénarios et discussions qui se déroulent continuellement dans la tête de M. cousin lui semblent si réels quil se met à les prendre pour des réalités. Cest ainsi que certains personnages de ce récit comme le professeur Tsourés qui nest en fait quune simple connaissance, un voisin, devient pour M. Cousin un véritable ami. Lun des passages du roman (p.116) démontre très bien cette relation imaginaire entre le professeur Tsourés et notre héros : « Il ne madressait toujours pas la parole mais cétait un peu parce quon se connaissait depuis si longtemps quon navait plus rien à se dire ». Suite à la création de cette amitié imaginaire, M. cousin devient incapable dinitier une discussion avec son voisin car, dune part, il a limpression de lui avoir déjà tout dit et dautre part, le vrai professeur Tsourés ne correspond plus du tout avec celui de son imaginaire. Enfin, ces différents obstacles à la communication rendront donc la quête damitié de notre héros des plus ardue.

Rapport au sens et à l'identité

En ayant lu et étudié le roman, nous pouvons conclure que M. Cousin souffre bel et bien dun trouble ou dun désordre de la personnalité. Cette identité qui est recherchée et qui sexprime à travers son python, lui prévaut quelques difficultés à sintégrer dans la grande ville de Paris, cest-à-dire le monde daujourdhui. Son angoisse ainsi que sa perception personnelle du réel nous poussent à en savoir plus sur ce magnifique et intriguant personnage, en ce qui concerne son rapport au sens et à lidentité.

Rapport à lidentité

Tout comme son python, M. Cousin est un homme seul dans le grand Paris : il est incompris, ignoré, mystérieux pour certains et incohérent pour dautres. Seul et contre tous, il se réfugie avec Gros-Câlin, un python qui comme lui, cherche juste à se faire aimer et à se faire comprendre. Le soir, dans son lit, qui est M. Cousin ? Mis à part un python qui sentrelace et sentremêle damour avec un autre python. Comme Gros-Câlin, il devient calme, tendre, inoffensif dans une cage meublée qui est son appartement. Cette identité de python quil arbore dans ses moments intimes, se reflète aussi dans sa vie quotidienne.

Exemple :

Dans lascenseur quand il veut rapprocher ses relations personnelles avec Mme. Dreyfus, M. Cousin veut se faire apprivoiser par elle comme il a apprivoisé son python : « …procéder lentementme voir tel que je suisma naturemon mode de vieà qui elle avait à faire. » (p21-22)

Son angoisse, son problème de personnalité et son désir de changer et dêtre quelqu'un dautre lui attirent un sentiment de paranoïa. À vrai dire, son comportement nest jamais le même, car il sidentifie, inconsciemment ou non, à plusieurs identités suivant le situation.

Exemple :

Lorsquun de ses collègues de travail lui montre un article concernant une tache mystérieuse qui serait apparue au Texas, M. Cousin pris dangoisse, sidentifie à cette tache et se sent visé par son camarade de travail. «…mystérieuse, spongieuse, poreuse, résistante à tous…»(p. 25-26)

Dans son livre, Romain Gary nous donne aussi plusieurs indices quant au rapport à lidentité du personnage principal. Lauteur nous fait facilement comprendre que Cousin souffre de graves lacunes sur ce point. En effet, Cousin semble parfois avoir besoin de gens autour de lui pour pouvoir se créer une identité propre a lui.

Exemple:

Quand il tente de simaginer le raisonnement de mademoiselle Dreyfus, Cousin pense : «  Elle croirait[…] que je me permets de lui proposer un bout de chemin parce quelle est une Noire et que donc, on peut y aller, on est entre égaux, et que jexploite ainsi notre infériorité et nos origines communes. »(p. 32)

Cousin nest pas noir, pas plus quil ne partage aucune origine avec cette mademoiselle Dreyfus. Il sidentifie simplement à elle, de plus quil partage sa vie avec un animal de compagnie tout ce quil y a de plus africain, le python. Un autre passage intéressant qui prouve les multiples facette de son identité, alors quil prend lascenseur avec mademoiselle Dreyfus.

Exemple:

« Lautre jour, jai même essayé de faire un peu dhumour, cest mon côté anglais. » (p. 46)

Plus tard, dans le roman, en écoutant la discussion entre Cousin et le commissaire, notre personnage principal mélange le mode de vie du python et lidée quil se fait de lidéal humain.

Exemple:

« Les pythons sont à titre définitif. Ils muent, mais ils recommencent toujours.

Ils ont été programmés comme ça. Ils font peau neuve, mais ils reviennent au même, un peu plus frais, cest tout. Il faudrait les perforer autrement les programmer sans aucun rapport, mais le mieux, cest que ce soit quelquun dautre qui programme quelquun dautre, avec effet de surprise, pour que ça réussisse. »(p. 41)

Finalement, Cousin nous indique, à travers les deux derniers paragraphes du livre, quil sait enfin pratiquer lart que lui ont enseigné ses observations du python.

Exemple:

« Je rampe, je me noue, je me tords et me plie dans tous les sens sur la moquette, pour les besoins éventuels de la cause. Il y a des moments de telle exaction que lon a vraiment limpression dexister. […] Et puis, il y a les petits riens. Une lampe qui se dévisse peu à peu sous leffet de la circulation extérieure et qui se met à clignoter. Quelquun qui se trompe détage et vient frapper à ma porte. Un glou-glou amicale et bienveillant dans le radiateur. Le téléphone qui sonne et une voix de femme, très douce, très gaie, qui me dit :Jeannot ? Cest toi, chéri ?” et je reste un long moment à sourire, sans répondre, le temps dêtre Jeannot et chériDans une grande ville comme Paris, on ne risque pas de manquer ».

En conclusion, M. Cousin na pas didentité propre à lui. Confronté à la vie sociale de tous les jours, il doit constamment combattre son angoisse en se prêtant à des identités multiples. Tout comme le python à Paris et la tache au Texas, M. Cousin n'aura jamais sa place en étant lui-même.

Rapport au sens

À mesure que lon progresse dans le roman, on remarque que les mots et les discussions empruntent un sens abstrait. En effet, Cousin a du mal à communiquer avec le monde qui lentoure puisque, dans bien des cas, il ne semble pas parler le même langage. Le non sens des mots, ou leurs utilisations parfois loufoques, nous permettent de mieux comprendre le manque de sens évident chez la personne de Cousin.

Comme lorsque Cousin a une discussion des plus absurdes avec le commissaire. On comprend assez rapidement que Cousin est alors la seule personne non sensée des deux interlocuteurs, les deux hommes ne se suivant tout simplement pas. Il est dailleurs intéressant de noter que pour Cousin, cette discussion avec un autre humain, comme tous ses autres rapports quil entretient, est tout à fait normale.

Exemple:

« Le commissaire paraissait perdre pied.
- Vous avez une façon de circuler très curieuse, dit-il. Pardon, une façon de penser circulaire, je veux dire. […]Le commissaire ny était pas du tout, par habitude.
- Vous êtes sûr que vous ne vous emmêlez pas ? demanda-t-il.
- […] Il sappelle comment, votre garçon de bureau ?
- Je ne sais. On sest pas assez familiarisé. Remarquez, trois kilomètres ou deux mètre vingt, ce nest pas important, ce nest pas une question de dimension dans le malheur. » (pages 39-40)

En conclusion, la réalité nest pas du tout perçue par Cousin comme celle des autres. Lincohérence de son dialogue ainsi que son comportement irrégulier donnent le sens de ses conversations ou de ses actions totalement différent pour une seule et même situation.

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