- Gouvernement des juges
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Le gouvernement des juges est une expression d'Édouard Lambert apparue pour la première fois dans son ouvrage Le gouvernement des juges et la lutte contre la législation sociale aux États-Unis, et qui veut dire qu'un juge va privilégier son interprétation personnelle au détriment de la loi. Cela n'a qu'un but politique. L'expression naît avec l'arrêt Marbury v. Madison de la Cour suprême des États-Unis, mais le souci d'éviter un gouvernement des juges était déjà présent sous la Révolution française. En effet, la Révolution a limité grandement le pouvoir des juges : sous l'Ancien Régime, les cours de justice, appelées Parlements, essayaient systématiquement d'accaparer le pouvoir du roi à leurs propres fins, par l'utilisation de la procédure d'enregistrement des lois : alors que l'enregistrement n'était au départ qu'une simple formalité, les parlements refusent d'enregistrer la loi qui leur déplaît, entraînant une crise qui ne se résolvait que par la soumission du roi ou du parlement (lorsque le roi tenait un lit de justice).
Mais l'expression a surtout été répandue dans les années 1930, lorsque Franklin Delano Roosevelt s'est opposé à la Cour suprême afin de faire passer les réformes qu'il estimait nécessaires pour faire face à la crise de 1929.
Depuis lors, l'expression « gouvernement des juges » est un repoussoir absolu.
C'est particulièrement le cas en France, pour les raisons historiques citées. C'est pour cette raison que, jusque dans les années 1970 avec la réforme du Conseil constitutionnel, le contrôle de constitutionnalité des lois a été soit inexistant (sous la IIIe République, par exemple), soit très limité.
Un revirement s'est opéré depuis, puisque le contrôle s'est généralisé de plus en plus. Le recours devant le Conseil constitutionnel est maintenant ouvert aux particuliers avec la mise en place de l'exception d'inconstitutionnalité introduite par la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 (comme dans d'autres pays européens comme l'Allemagne ou l'Italie, ou comme la Cour suprême des États-unis).
Mais on remarque que souvent, lorsqu'une décision déplaît à un commentateur, l'accusation de gouvernement des juges revient. Cela a été le cas par exemple le 13 août 1993, lorsque le Conseil censura une disposition de la loi portant sur l'immigration, prise en application de la convention de Schengen, au motif qu'elle portait atteinte au principe à valeur constitutionnelle du droit d'asile (consacré par le préambule de 1946). Suite à cette censure, la Constitution fut révisée le 25 novembre 1993 en intégrant un nouvel article 53-1 portant sur le droit d'asile.
Hans Kelsen, pour lutter contre cette accusation, a alors développé sa théorie du rôle du juge aiguilleur. Ainsi, selon lui, le juge constitutionnel, lorsqu'il censure une disposition contraire à la Constitution, ne fait qu'indiquer au législateur qu'il lui faut d'abord réviser la Constitution avant de pouvoir faire passer cette loi. Mais la révision constitutionnelle est beaucoup plus dure à obtenir puisqu'elle nécessite une super-majorité (trois cinquièmes des parlementaires en France) ce qui implique qu'une minorité puisque bloquer la mesure. Sans compter le problème politique qu'induit le fait de porter atteinte au marbre de la Constitution.
Voir aussi
Liens internes
- Conseil constitutionnel (France)
- Cour constitutionnelle
- Cour suprême des États-Unis
- Vote de rétention
- Marbury v. Madison
Liens externes
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