Geo-ingenierie

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Géo-ingénierie

Le concept actuel de géo-ingénierie concerne la manipulation délibérée du climat terrestre pour contrecarrer les effets du réchauffement climatique à l'émission de gaz à effet de serre. Ce concept est basé sur la croyance que les changements climatiques ont tellement augmenté que des effets graves sont dorénavant inévitables, ou que des mécanismes d'émulation pourraient accélerer les changements climatiques même si les émissions sont drastiquement réduites. Il y a également un corps d'opinion qui encourage la géo-ingénierie car elle pourrait éviter ou retarder les difficultés et le prix d'une transition vers une économie à basses émissions de carbone. Cependant, la plupart des scientifiques, des environnementalistes et des ingénieurs qui prennent parti pour la géo-ingénierie le voient comme une mesure additionnelle requise pour stabiliser le climat, et non comme une alternative à une économie à basses émissions de carbone.[1]

Sommaire

Introduction

Alors que le climat et ses dérives font partie de plus en plus de débats et que lon cherche par tous les moyens à lutter contre le réchauffement climatique, des chercheurs envisagent de plus en plus de contrer ce réchauffement par des moyens industriels assez extrêmes. La planète est en train de se réchauffer ? Ils veulent la refroidir. Latmosphère ne renvoie ou ne dévie plus suffisamment de rayons du soleil ? Ils parlent denvoyer des cohortes de miroirs dans lespace pour laider à jouer son rôle. Il ny a plus assez darbres sur terre pour absorber le CO2 que nous rejetons ? Ils envisagent den planter des artificiels plus performantsautant de projets plus fous les uns que les autres. Et pourtant, "Ils" ne sont pas Monsieur tout le monde. Parmi les partisans de la géoingénierie se trouvent dillustres savants, certains mêmes ayant reçu un Prix Nobel.

Cependant, si le but actuel de la géoingénierie est aujourdhui plus que louable, il nen fut pas toujours ainsi. A linstar de la conquête spatiale, cette idée puise ses origines dans un contexte militaire. A lorigine, les projets de modification du climat avaient pour but dêtre des armes de "guerre climatique". Cela remonte à 1945. Au sortir de la seconde guerre mondiale, pendant que les tensions entre Russes et Américains sexacerbaient, les deux camps commencèrent à réfléchir à utiliser le climat comme une arme. Car ils supposaientà raison dailleursquune telle arme pouvait être potentiellement plus dangereuse que larme atomique. Cest ainsi que de chaque côté les savants imaginèrent des procédés allant de laide à la navigation (en dérivant les eaux de fleuves de Sibérie dans lOcéan Arctique pour le rendre plus salé) à la fonte de la banquise pour les Russes, et de la possibilité de faire pleuvoir sur commande ou au contraire de provoquer des sécheresses pour les Américains. Il fallut attendre lan 1976 pour que lONU adopte une convention interdisant "les techniques de modification environnementale à caractère hostile".

Cest à la même époque que plusieurs savants, comme Mihail Budyko (linitiateur du projet de fonte de la banquise) et Edward Teller, un des pères de la bombe thermonucléaire, parlèrent dutiliser des techniques de modifications du climat pour contrer un possible réchauffement climatique. Toutefois, les problèmes climatiques des années 70 nétaient pas ce quils sont aujourdhui, et la réputation des défenseurs de la géoingénierie jouait en sa défaveur. Imaginez un peu le créateur dune bombe 1000 fois plus puissante encore que les bombes dHiroshima qui propose de bidouiller le climat pour protéger la planètecela na rien de très enthousiasmant, nest-ce pas ?

Encore maintenant, la géoingénierie provoque des tensions au sein de la communauté scientifique. En effet, il sagit dune discipline qui nen est quà ses balbutiements. En théorie, les méthodes employées devraient avoir leffet escompté, mais rien nest moins sûr. De plus, la météorologie ne peut déjà pas prévoir avec exactitude laction de tel ou tel facteur mineur (comme un anticyclone) sur le temps quil fera dans une semaine. Alors tenter de prédire ce qui pourrait se passer à long terme si, par exemple, on injecte des tonnes de dioxyde de soufre dans latmosphèrecest totalement impossible. Cest dailleurs lun des arguments principaux des savants qui sont contre la géoingénierie.

Les moyens

Il existe un nombre assez impressionnant de méthodes de géoingénierie. En conséquence, il est impossible de toutes les présenter. Dans cette section, quatre méthodes seront tout de même évoquées.

Du soufre pour refroidir latmosphère

Un évènement qui sest déroulé en 1991 a permis a Paul Crutzen de développer son plan de sauvetage de la Terre du réchauffement global : il sagit de léruption du volcan Pinatubo. Celle-ci a projeté dix millions de tonnes de soufre dans la stratosphère, provoquant ainsi une baisse de la température moyenne de la planète de 1,5 °C lannée qui a suivi. Le Prix Nobel de chimie propose donc dinjecter, en cas durgence, un million de tonne de soufre dans latmosphère chaque année en envoyant des ballons bourrés de soufre ou de sulfate dhydrogène à une vingtaine de kilomètres au dessus du niveau de la mer. Une réaction chimique se produirait alors entre la cargaison des ballons et loxygène pour former du dioxyde de soufre, puis des aérosols sulfatés par réaction avec leau. Ces gouttelettes micrométriques devraient ainsi réduire la quantité dénergie solaire qui parvient jusquau sol en absorbant ou en réfléchissant la lumière du soleil, impliquant ainsi une baisse des températures de surface. Cette idée fut aussi émise en 1997 par Edward Teller.

Une étude scientifique menée aux États-Unis a montré quune diminution de 1,8% de la luminosité solaire peut suffire à compenser le réchauffement climatique qui est à un doublement de la quantité de dioxyde de carbone atmosphérique. En revanche, le projet se heurte à un réel obstacle au niveau logistique puisquun ballon stratosphérique gonflé à lhélium peut emporter plus ou moins une tonne de fret. Il faudrait donc envoyer un million de ballons chaque année et ce, pendant dix ans pour atteindre les objectifs. De plus, le coût de cette opération a été estimé par Paul Crutzen à 25 milliards de dollars.

Un autre frein majeur à ce projet est le fait quaucune étude na réellement évalué les conséquences physiques, chimiques ou climatiques qui pourraient découler de ce dopage de la quantité de soufre dans latmosphère. En effet, suite à léruption du Pinatubo, lozone stratosphérique a fortement diminué.

A court terme, il est impensable dinjecter à grande échelle ce soufre dans latmosphère mais il est plutôt conseillé de mettre en place des protocoles de décision permettant deffectuer des tests atmosphériques au besoin.

Du sulfate de fer pour développer le plancton

Vingt pourcents de locéan sont recouverts de déserts planctoniques, principalement autour de lAntarctique, qui constituent des zones pauvres en chlorophylle et riches en nutriments. De est parti Victor Smetacek pour développer son projet de fertilisation de locéan Austral. Selon lui, il suffirait dajouter ces nutrimentsen déversant du sulfate de fer dans le sillage dun tanker- pour permettre le développement dalgues planctoniques capables de stocker dimpressionnantes quantités de carbone provenant de la dissolution du CO2 dissous dans leau de latmosphère. Du nuage de plancton formé à la suite de cet apport nutritif, séchappent des excréments ainsi que des cadavres qui se déposent au fond de locéan, formant ainsi une couche de sédiments. Le carbone de ces organismes est alors piégé pour des millions dannées. Il faudrait plus ou moins un millier de tonnes de sulfate de carbone, composé abondant et bon marché pour réaliser cette fertilisation à grande échelle. Daprès les calculs de M. Smetacek, cette technique permettrait de faire disparaître un milliard de tonnes de carbone par an, dès aujourdhui, ce qui représente 15% des émissions de gaz carbonique actuelles. De plus la fertilisation de locéan ne provoquera pas de catastrophes écologiques, avance le scientifique.

Cependant, le projet ne rencontre pas lunanimité. En effet, ce qui importe, ce nest pas la quantité de plancton en surface qui est générée, mais bien celle du plancton qui coule. On peut aisément comparer le plancton de surface avec lherbe des jardin : elle stocke du carbone au printemps, mais lautomne arrivé, elle meurt et le restitue à latmosphère. Le plancton qui coule vers les grands fonds est capable de continuer à stocker ce carbone durant des siècles... mais après ? Il y a aussi un autre problème : des chiffres indiquent que la proportion de planton qui coule varie de 1 à 50% de la masse produite. De plus, le fait de stimuler la productivité de locéan Austral peut finir par réduire celle de locéan tropical étant donné que les masses deau passent de lun à lautre. On en reviendrait donc au point de départ.

La plupart des chercheurs pensent que le résultat obtenu sera minime étant donné limprévisible perturbation des écosystèmes que ce projet représente. De plus, grâce à certains modèles, on a pu estimer que le fait de fertiliser chaque année les zones favorables, on pourrait extraire 10 à 30ppm (parties par million) de la concentration atmosphérique en dioxyde de carbone dici à 2100. Cependant, il faudrait, à cette date, extraire 200ppm pour se stabiliser à des niveaux acceptables.

Un parasol spatial pour mettre la terre à lombre

Pour contrer le réchauffement climatique, on pourrait envoyer dans lespace, à 1,5 millions de kilomètres de la Terre, 1600 milliards décrans de 60cm de diamètre, pesant chacun 1g. Ceux-ci ne dévieraient alors quune partie des rayons solaires avant quils natteignent la Terre. Linstigateur de ce projet est le professeur Roger Angel, soutenu par la NASA. Ce bouclier spatial permettrait datténuer les rayons du soleil et donc de diminuer la température de la Terre. Pour le professeur, il nest pas question de construire une structure complexe dans lespace ou dutiliser la Lune comme base dassemblage et de lancement. En effet, lidée consiste à déployer dans lespace une multitude de petits écrans indépendants les uns des autres, très légers et munis dun système de positionnement.

Ces écrans devront impérativement se trouver au point de Lagrange L1, situé à 1,5 million de kilomètres de la Terre et à 148 millions de kilomètres du Soleil les forces dattraction de notre planète et du Soleil se compensent. Tout objet placé à cet endroit reste donc fixe par rapport à la Terre et au Soleil si sa position est contrôlée pour éviter que la moindre perturbation ne le fasse dériver. En effet, le Soleil émet des radiations qui exerceraient alors une pression sur les écrans, les poussant ainsi hors de leur orbite idéale. Pour parer à cette éventualité, Roger Angel compte envoyer dans lespace des écrans non pas réfléchissants mais bien transparents. Le principe sur lequel sont basés ceux-ci est la diffraction, cest-à-dire que les rayons solaires sont inclinés de quelques degrés par rapport à leur direction incidente. De cette manière, ils éviteraient notre planète en réduisant ainsi de 1,8% la quantité dénergie solaire reçue par la Terre. Daprès le chercheur, cela permettrait de compenser laugmentation de la température qui est liée au doublement du taux de dioxyde de carbone.

Le seul problème dans ce projet réside dans la mise en orbite de ces milliards décrans (16000 milliards en tout qui correspondent à 20 millions de tonnes de matière). Pour cela, M. Angel utiliserait un lanceur électromagnétique (sorte de canon propulsant une charge grâce à un champ électromagnétique intense) qui permettrait denvoyer des charges de une tonne chacune, soit 800.000 écrans. Ce lancement serait ensuite relayé par une propulsion ionique grâce à un moteur ionique. Ce type de moteur est basé sur laccélération de particules chargées que sont les ions par un champ électrostatique. Ce type de propulsion a déjà fait ses preuves, mais la technologie du canon électromagnétique nest pas encore tout à fait au point. De plus, ce genre de technologie coûte excessivement cher mais pourrait être intéressant pour de telles quantités de lancement. Le montant du projet sélèverait alors à quelques milliers de milliards de dollars (0,5% du PIB mondial) et pourrait être mis en service dici 25 ans.

Relancer le Gulf Stream en créant une banquise artificielle

Avant dexpliquer ce projet, il faut dabord parler de ce quest le Gulf Stream : il sagit dun courant océanique prenant sa source entre les Bahamas et la Floride, à la différence de surface entre les eaux du Golfe du Mexique et celle de lAtlantique. Ce courant circule partout à la surface du globe, et permet notamment chez nous de garder notre statut de pays tempérés. En effet, la circulation thermohaline (due aux différences de densité entre les eaux arctiques et les eaux de lAtlantique) permet de ramener à proximité de nos côtes des courants deau tropicale et dainsi atténuer les basses températures dues à la relative proximité de lArctique.

Cependant, à cause du dérèglement climatique, le Gulf Stream risque de sarrêter. Dans ce cas, plutôt que de devoir faire face à un réchauffement du climat, nous devrions au contraire nous préparer à vivre dans des températures beaucoup plus froides que celles auxquelles nous sommes habitués. Cest quinterviennent Peter Flynn et Songjian Zhou, deux chercheurs canadiens. Leur idée est de donner un coup de pouce au Gulf Stream en créant des banquises artificielles au large du Groenland. En effet, puisquun des moteurs de ce courant est la plongée des eaux froides due à leur densité et leur teneur en sels, pourquoi ne pas créer une armée de stations de pompage qui "largueraient" aussi ce type deau en profondeur ?

Le mécanisme semble assez simple. En plein hiver, les stations de pompage (au nombre dà peu près 8100) extraient de leau dans locéan et la vaporisent en micro gouttelettes à la surface de ce dernier. La température avoisinant les -10°C, ces gouttelettes gèlent très vite et forment un premier tapis neigeux qui se met à durcir. Au fur et à mesure, la station continue de pomper et de déverser de leau de mer sur ce tapis, ce qui a pour effet de lalourdir et daugmenter son épaisseur, jusquà atteindre plus ou moins 7,5 mètres. Ensuite, au printemps, lair ambiant se réchauffe, et la banquise commence à fondre, bien que la station continue à déverser de leau de mer. Leau fraîchement dégelée et par conséquent particulièrement froide descend dans les profondeurs de locéan, vu que sa densité est plus élevée. De plus, elle est aussi plus salée que les eaux aux alentours, ce qui favorise sa descente. Cela crée un courant du même type que le Gulf Stream. Cependant, le but nest pas de remplacer celui-ci : le courant artificiel na pour but que de le renforcer. Coût de lopération : 50 milliards de dollars. Une bagatelle au regard de ceux qui pourraient en profiter. Cependant, rien ne permet de savoir si ce dispositif permettrait vraiment de booster notre pompe océanique. Car on ne peut prévoir lefficacité des mini banquises quen suivant le parcours de leau envoyée dans les profondeurs de locéan. Bémol d'importance : comme la période de circulation océanique se compte en milliers dannées, les effets ne peuvent être escomptés à court terme.

Notes et références

S&V hors série n°240 pages 158 à 162 S&V n° 1071, pages 56 à 67 [1] [2] [3] [4] Géoingénierie [5] [6] [7] [8]

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