Gabriel Guyot De Folleville

Gabriel Guyot De Folleville

Gabriel Guyot de Folleville

Gabriel Guyot de Folleville, né à Saint-Servan-sur-Mer le 11 juillet 1764 et guillotiné à Angers (Maine-et-Loire) le 5 janvier 1794, était un prêtre vendéen, docteur en théologie et en droit civil et canon, avocat à ses débuts, plus connu sous le nom d'"évêque d'Agra".

Sommaire

Contexte

Gabriel Guyot de Folleville se fait nommer curé de Dol en février 1790 et fonde dans cette ville une Société des amis de la Constitution. Il prête serment en avril 1791 et se rétracte six mois plus tard, ce qui le rend indésirable des deux côtés. "Monté" à Paris, il s'inscrit au Club des Jacobins, sollicite un emploi à Cayenne où son père est ordonnateur de la Marine, mais y renonce lorsque ce dernier est rappelé.

Au mois de mai 1793, pendant que l'armée vendéenne occupait la ville de Thouars dont elle venait de s'emparer, quelques paysans trouvèrent dans une maison un homme vêtu en soldat qui leur raconta qu'il était prêtre et qu'on l'avait enrôlé par force dans un bataillon à Poitiers. Il demanda qu'on le conduisît à M. de Villeneuve de Cazeau, un des officiers de l'armée vendéenne. M. de Villeneuve le reconnut en effet pour M. l'abbé de Folleville, son ancien camarade de collège.

Bientôt l'abbé ajouta qu'il était évêque d'Agra, que des évêques réfractaires l'avaient en secret consacré à Saint-Germain, et que le pape venait de l'envoyer dans les diocèses de l'Ouest avec le titre de vicaire apostolique. Un des ecclésiastiques les plus éclairés de l'armée fut appelé : l'abbé de Folleville lui fit le même récit avec assurance et tranquillité ; il citait pour garants un fort respectable curé et la supérieure du couvent des sœurs grises, situé au milieu du pays insurgé, et disait qu'ils avaient connaissance de son caractère et de sa mission.

On lui proposa de suivre l'armée, de s'attacher au parti vendéen ; il n'en montra aucun désir : il alléguait sa mauvaise santé ; enfin l'on parvint à vaincre son hésitation, et M. l'évêque d'Agra fut présenté à l'état-major de l'armée. On n'avait aucune raison de douter de ses récits ; il avait une belle figure, un air de douceur et de componction, des manières distinguées. Les généraux virent avec un grand plaisir un ecclésiastique d'un rang élevé et d'une belle représentation venir contribuer au succès de leur cause par des moyens qui pouvaient avoir beaucoup d'effet.

Imposture

Cependant, tout ce qu'avait raconté l'abbé de Folleville était faux : étant vicaire à Dol, il avait d'abord prêté serment, puis s'était rétracté, était venu à Paris et de là s'était, quelque temps avant la guerre de la Vendée, réfugié à Poitiers chez une de ses parentes. Ses manières, son air religieux et doux, lui avaient valu le meilleur accueil dans la société de Poitiers. Toutes les âmes pieuses, les religieuses chassées de leur couvent, recherchaient avec beaucoup d'empressement cet abbé qui vivait caché. Ce fut alors qu'il imagina, pour se donner plus de considération et d'importance, de dire qu'il était évêque d'Agra : de là venait que le curé et les religieuses de Saint-Laurent avaient appris son existence par leurs dévotes correspondances de Poitiers.

L'engrenage

Arrivé à l'armée sans y avoir songé, il se trouva porté à continuer son roman, dont personne ne pensait à se méfier, C'est ainsi qu'un conte le conduisit à devenir un grand personnage dans l'armée vendéenne. Sa conduite singulière n'admet point une autre explication. Ce n'était ni un traître ni un espion ; jamais ses démarches n'ont eu un caractère équivoque ; il est mort pour la cause vendéenne avec constance et courage : on ne peut pas supposer non plus que cette imposture lui eût été suggérée par le dessein ambitieux de jouer un grand rôle dans la guerre civile.

On eut de la peine à l'y entraîner ; il avait inventé son épiscopat avant de savoir qu'il viendrait en Vendée ; d'ailleurs il ne montra jamais aucun désir de domination : c'était un homme de peu d'esprit, sans énergie, sans ardeur, d'une grande tiédeur de zèle, et dont tout le mérite était quelque usage du monde. On a voulu dire que les généraux étaient complices de cette fraude, et qu'elle avait été inventée par eux pour exercer plus d'influence sur les paysans. C'est mal connaître les chefs de cette armée que de les supposer capables de se jouer ainsi de la religion : si quelqu'un eût proposé un tel projet, quelle n'eût pas été l'indignation de M. de Lescure ou de M. d'Elbée ! D'ailleurs, dans un si nombreux état-major où personne encore n'avait le titre de commandant, où tout se faisait publiquement et volontairement, où il y avait du courage et du dévouement, mais nulle habileté et aucun projet fixe pour l'avenir, comment aurait-on concerté et caché une si importante supercherie ? On crut sans beaucoup de réflexion un récit vraisemblable, et qui une fois admis devait être fort utile à la cause.

En effet, l'arrivée de l'abbé de Folleville à l'armée produisit d'abord une sensation extraordinaire chez les paysans. Le bonheur d'avoir un évêque parmi eux, de recevoir sa bénédiction, d'assister à une messe épiscopale, les enorgueillissait et les enivrait de joie ; leur ardeur était fort augmentée. On plaça ensuite l' évêque d'Agra à la tête d'un conseil supérieur qui devait être chargé de l'administration du pays insurgé, et qui se composait d'ecclésiastiques, de vieux gentilshommes et de quelques hommes de loi. Là parurent entièrement la médiocrité, la nullité même de l'évêque : il avait sous sa présidence un homme qui tarda peu à l'éclipser et à s'emparer du premier rôle où l'appelaient son ambition, son ardeur et son habileté.

La chute

L'abbé Bernier fut bientôt tout autrement connu et important dans l'armée que l' évêque d'Agra. Il paraît que, guidé par l'espèce d'instinct que donne le désir d'abaisser et de détruire son supérieur, ayant d'ailleurs plus d'occasions et de moyens de le pénétrer, il se douta de la supercherie, et qu'il écrivit en cour de Rome pour s'en assurer. Cela n'est, il est vrai, qu'une conjecture ; mais ce qui est certain, c'est qu'immédiatement après le passage de la Loire, au moment où les Vendéens vaincus et désespérés étaient forcés d'abandonner leur pays, un bref du pape fut apporté aux généraux : il était en latin suivant l'usage ; on fit venir l' abbé Bernier pour le lire. Ce bref portait que le soi-disant évêque d'Agra était un imposteur sacrilège.

Les généraux demeurèrent confondus et fort embarrassés du parti qu'ils devaient prendre au milieu d'une telle détresse. Lorsque l'armée entière hâtait sa marche pour se rallier et échapper à l'extermination, on ne voulut point ajouter ce scandale à tous les sujets d'agitation de ce malheureux moment. On se résolut à tenir la chose secrète. Les uns, indignés de ce qu'il avait abusé l'armée catholique sur une chose si sainte et si respectable, ne parlaient pas moins que de le faire périr et de le jeter dans une barque quand on arriverait à la côte. Plusieurs se méfiaient de quelque trahison, et n'étaient pas moins sévères dans leur opinion ; d'autres, se souvenant combien ce pauvre imposteur était doux et bonhomme, combien au fond sa piété était sincère quoique peu fervente, ne trouvaient pas que sa sottise fût un si grand crime et avaient pitié de lui : ils ne pensaient pas qu'au milieu de tant de désastres on dût traiter avec une extrême rigueur un compagnon d'infortune, et ils savaient mauvais gré au curé de Saint-Laud du zèle et de la suite qu'il avait mis à le perdre.

Destin de l'évêque d'Agra

L'évêque s'aperçut bientôt, au ton froid et réservé dont les chefs usaient avec lui, qu'on savait quelque chose, et il en fut encore bien plus sur lorsque passant à Dol, où il avait été vicaire, il fut reconnu : dès lors il devint profondément triste, mais avec calme et courage. À l'attaque de Granville, il passa la journée à parcourir les rangs, encourageant les soldats, relevant les blessés, leur donnant les consolations de la religion sous le feu de l'ennemi, et cherchant une mort que sa position lui faisait désirer. Il continua à suivre l'armée jusqu'au moment où, après la bataille du Mans, elle fut presque détruite ; alors, il se cacha et déroba pendant quelque temps sa vie aux poursuites qu'on faisait contre les Vendéens dispersés et fugitifs.

Après quelques semaines, il fut pris et amené à Angers. Il déclara d'abord qu'il était secrétaire de M. de Lescure ; mais il ne pouvait être méconnu à Angers où peu de mois avant, pendant le triomphe des Vendéens, il était venu en grande pompe officier pontificalement. « Tu es l'évêque d'Agra, lui dit-on ? - Oui, répondit-il, je suis celui qu'on appelait ainsi. » II fut conduit à l'échafaud et y monta avec courage le 5 janvier 1794.

Les journaux républicains et Garat après eux, dans un éloge du général Kléber prononcé publiquement, ont fait de l'évêque d'Agra un prêtre fanatique qui encourageait les Vendéens au combat et au carnage. Il y avait plus d'esprit de parti que de connaissance des faits dans ce jugement et cette peinture d'un homme dont le caractère était absolument le contraire de toute violence.

Source

« Gabriel Guyot de Folleville », dans Louis-Gabriel Michaud, Biographie universelle ancienne et moderne : histoire par ordre alphabétique de la vie publique et privée de tous les hommes avec la collaboration de plus de 300 savants et littérateurs français ou étrangers, 2e édition, 1843-1865 [détail de l’édition]

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