Front de la liberté (France)

Front de la liberté (France)

Créé en 1937 à linitiative de Jacques Doriot, président du Parti populaire français, le Front de la liberté est une tentative de rapprochement de partis des droites sur un ciment idéologique fédérateur, lanticommunisme.

Sommaire

La mise sur pied difficile du Front de la liberté

Le contexte politique et les premières tentatives de rassemblement

Suite à la victoire du Front populaire aux législatives de 1936, le début de lannée 1937 témoigne de la recrudescence des meetings, cortèges et rassemblement entre les différentes droites (républicaines et parlementaires ; lextrême droite et les groupements fascistes) qui accentuent les contacts entre elles. Après la débâcle électorale et la recomposition des forces de droites - suite à la dissolution des liguespar la naissance de nouveau partis, les droites sont convaincues de la nécessité dune posture offensivenotamment face à la pause des réformes que décrète Léon Blum en février 1937en prenant modèle sur le rassemblement des gauches qui les ont conduites au succès.

La première réaction à la victoire des gauches fut la décision prise par la Fédération républicaine de lancer un intergroupe de lopposition à la Chambre et au Sénat afin détablir une riposte commune lors de réunions hebdomadaires. La démarche est acceptée par lensemble des groupes ne soutenant pas le Front populaire[1].

La seconde fut linitiative du président de lUnion nationale des combattants, Jean Goy, qui parvient à un accord avec le Parti social français à lautomne 1936 afin de défendre les libertés individuelles, lindépendance nationale, le respect de la propriété privée et la défense des institutions démocratique mise à malselon euxpar le gouvernement Blum. Cependant, le PSF se retire lorsque lUNC soutient lemprunt à la défense nationale lancée en mars 1937.

Lappel de Jacques Doriot et les composantes du Front de la liberté

Élaborée dès lautomne 1936, lidée du Front de la liberté est exposée par Jacques Doriot dans Le Jour du 20 avril 1937. Lobjectif selon le leader du Parti populaire français est de défendre les libertés prétendument bafouées par le Front populaire (liberté de parler, de penser, de travailler, de presse et de commerce) en groupant les partis « nationaux » qui sopposent au collectivisme[2]. Lors du congrès national de son parti à Clichy le 7 mai, Doriot réitère son appel en faisant du Front de la liberté un instrument pour le « respect des règles constitutionnelles de la Troisième République » menacéselon luipar la SFIC dirigée par Moscou[3].

Suite à une réunion de travail fin mai entre diverses composantes des droites, le Front de la liberté est officiellement lancé lors dun meeting au vélodrome dhiver le 22 juin 1937 rassemblant les leaders du PRNS, du PPF, Philippe Henriot et Xavier Vallat représentant la FR.

Au total, le Front de la liberté associe lassociation des amis des Francistes (ex. Parti franciste), le Centre de propagande des républicains nationaux dHenri de Kerillis, la Fédération républicaine, le Parti agraire et paysan français de Gustave Fleurant (dit Fleurant Agricola), le Parti populaire français et le Parti républicain national et social (PRNS) de Pierre Taittinger (regroupant la ligue dissoute des Jeunesses patriotes).

Le refus du Parti social français et le véritable objectif du Front de la liberté

Il est paradoxal de constater que le PPF lance lidée de ce Front de la liberté par la voix de Jacques Doriot et de voir, dans ce cadre, « le leader de la plus importante formation fasciste française défendre avec la plus grande fermeté les libertés dexpression et les institutions républicaines » [4]. Plus quun comportement opportuniste, la stratégie de Jacques Doriot fut damoindrir le PSF en se révélant être le meilleur représentant de lanticommunisme. Il est fortement probable quil pensait faire de cette organisation le moyen de prendre lascendant sur la Fédération républicaine et de prendre appui sur son réseau de militants, de notables, délus et de soutiens financiers pour être le principal représentant de la droite. En ce sens, ce groupement doit permettre la respectabilité du parti[5].

De son côté, la Fédération républicaine entre dans le Front de la liberté car elle a la volonté de se servir des militants divers du Front de la liberté quelle ne peut capter de son propre chef tant pour remporter les élections à venir que pour neutraliser lémergence dune force parlementaire à sa droite (PSF et PPF) et affaiblir le centre-droit (Alliance démocratique, Parti démocrate populaire, etc.) en jouant sur le dualisme anticommunismeantifascisme, nécessitant la prise de position de chacun dans un camp ou dans un autre. Ce choix est largement majoritaire au sein de la FR, même si Jean Guiter exprime ses réserves et que cette association avec le PPF est critiquée sévèrement par certains de ses élus et notables.

Ainsi, lune des motivations officieuses de participer au Front de la liberté est celle de freiner lascension du Parti social français qui pose problème en termes de cohabitation, de collaboration, dalliance et de confrontation depuis sa fondation tant pour la FR, le PPF ou le PRNS qui espère retrouver la vitalité perdue des Jeunesses patriotes.

Le colonel François de La Rocque soppose à associer son Parti social français dans le Front de la liberté, conscient que la Fédération républicaine et le Parti populaire français ont lancé cette « coalition défensive » dans loptique de disloquer sa formation[6]. Plus profondément, La Rocque critique la logique même du Front de la liberté, celle de sinscrire dans une perspective dunion des droites contre le Front populaire chapeautée par des personnalités et des intérêts financiers[7]. Le PSF sest en effet bâti en réaction aux partis traditionnels de la droite représentant les intérêts bourgeois et défendant lordre établi (notamment par sa logique parlementaire) en prônant le dépassement du clivage droitegauche ainsi que des idéologie du libéralisme et du marxisme par la fusion des classes sociales par des moyens autoritaires qui saffranchissent du régime parlementaire[8]. Ainsi, il souhaite préserver lindépendance de son parti pour quil soit à lui seul lalternative politique.

En ce sens, le conseil national extraordinaire du Parti social français qui se réunit à la mi-juin 1937 soppose à adhérer au Front populaire car cela « risquerait denlever à la masse du parti son caractère de réconciliation française et de le faire apparaître malgré lui comme un instrument de lutte civique » [9].

Lopposition à la logique des Fronts des partis du centre-droit

Au contraire du choix de la Fédération républicaine, les autres droites républicaines et parlementaires, à savoir lAlliance démocratique et le Parti démocrate populaire, refusent catégoriquement dentrer dans le Front de la liberté. Pour lAD, le Front de la liberté accentue la division entre les forces politiques[10]. Ainsi, lors du congrès national du parti à Lyon en mai 1937, tant Léon Baréty que Pierre-Étienne Flandin dénoncent ce regroupement des extrêmes et réitèrent leur appel à la conjonction des centres au Parti radical-socialiste, peu de temps avant la chute effective du premier gouvernement de Léon Blum, le 21 juin 1937.

Les actions du Front de la liberté

La propagande

La structure du Front de la liberté est extrêmement souple et de type confédérale. Il ny a quun comité de liaison sur le plan national qui définit laction de ce rassemblement par une réunion hebdomadaire. Les membres de ce comité de liaison sont Claude Popellin pour le PPF ; René Richard pour le Parti républicain national et social ; Camille Blaisot, Jean Guiter, Jacques Poitou-Duplessy et Xavier Vallat pour la FR [11].

La propagande du Front de la liberté se réalise par de grands meetings départementaux, tels ceux dans la Loire inférieure (juillet), à Annonay (août) ou à Neuilly (novembre), consolidée par de multiples réunions communes notamment à lapproche des cantonales afin de soutenir les véritables « nationaux » dans leurs fiefs respectifs.

Lalliance électorale : la « candidature unique » à lépreuve des cantonales de 1937

La discussion porte sur la « candidature unique » des « nationaux » contre les forces du Front populaire pour les cantonales de 1937 qui va révéler les limites du Front de la liberté entre les intérêts respectifs du PPF et de la FR.

Grâce au soutien du PRNS, cest la Fédération républicaine qui sort victorieuse des pourparlers entre les trois principales composantes du Front de la liberté (FR, PPF, PRNS) puisque la plupart de ses élus sont reconduits, le PPF nayant peu de circonscriptions gagnables, de surcroît soumis à la confrontation avec le PSF[12]. De plus, cest la FR qui rentre en contact avec les partis du centre-droit (Alliance démocratique, Parti démocrate populaire, élus des Radicaux indépendants) afin de finaliser sur le plan national la logique de « candidature unique » [13].

Ainsi, lors des cantonales de 1937, de nombreux cas mettent aux prises candidat du PPF contre celui du PSF ou candidat de la FR contre celui du PSF. Grâce à limplantation de ses élus, la FR parvient à contenir lopposition du PSF tandis que le PPF, soumis à la logique de la « candidature unique », ne réalise pas une percée en termes délus.

Léchec du Front de la liberté ou la victoire des intérêts de partis et des méfiances réciproques

Fondé sur la volonté daffaiblir le Parti social français et des intérêts propres aux diverses composantes, le Front de la liberté entre en déliquescence après les cantonales de 1937 la méfiance entre les partenaires est décuplée par les ressentiment de part et dautre. Il démontre la difficulté de la viabilité de regroupement des partis à la querelle des chefs, à la résistance des appareils et aux ambitions électorales contradictoires.

Cest la Fédération républicaine qui sen démarquera au début de lannée 1938. Son secrétaire général, Jean Guiter dénonce les conférences faîte au nom du Front de la liberté sans lavis du comité local de la FR. Face à la crainte que le Parti populaire français se serve de ce regroupement afin de le transformer en réseau autonome à son service, la Fédération républicaine se retire des manifestations du Front de la liberté tout en laissant le choix au fédérations départementales du parti de sassocier ou non à telle ou telle initiative[14].

Cependant, le comité exécutif de la Fédération républicaine tente de relancer un rassemblement semblable au cours de la fin de lannée 1938, notamment par la proposition de Jean Guiter le 22 novembre 1938 appelant les mouvements « nationaux » à lunité « contre les méfaits mortels du marxisme ». Un appel qui naboutira pas et que refusent lAlliance démocratique et le Parti démocrate populaire, dans le contexte troublé de laprès-Munich.

Bibliographie

Sources

  • Jacques Doriot, Le Front de la liberté face au communisme, Paris, 47p, 1937.

Travaux universitaires

  • Philippe Machefer, « Lunion des droites, le PSF et le Front de la liberté, 1936-1937 », p.112-126, Revue dhistoire moderne et contemporaine, janvier-mars 1970.
  • Jean Vavasseur-Desperriers, « Les tentatives de regroupement des droites dans les années trente », p.61-71, Annales de Bretagne et des pays de lOuest, tome 109, n°3, 2002.

À voir aussi

Liens internes

Liens externes

Notes et références

  1. Seule lAlliance démocratique quittera cet intergroupe à lété 1937.
  2. Ainsi, Jacques Doriot adresse une lettre à lAlliance démocratique, à la Fédération républicaine, au Parti agraire et paysan français, au Parti démocrate populaire, au Parti radical-socialiste, au Parti républicain national et social, au Parti social français et à lUnion socialiste républicaine.
  3. Ce qui permet dexclure lAction française afin de convaincre la Fédération républicaine. À ce jour, seuls le Parti républicain national et social et le Parti agraire et paysan français ont adhéré au Front de la liberté.
  4. Philippe Machefer, « Lunion des droites, le PSF et le Front de la liberté, 1936-1937 ». Extrait p.107.
  5. Jean-Paul Brunet, « Un fascisme français : le Parti populaire français de Doriot (1936-1939) », p.255-280, Revue française de science politique, volume 33, n°2, 1983. Analyse p. 279-180.
  6. Philippe Machefer décrit le Front de la liberté comme « un essai de récupération par lextrême droite des troupes du colonel La Rocque (« Le Parti social français », p.307-326, dans Janine BourdinRené Rémond (dir.), La France et les français en 1938-1939, Paris, Presses de la FNSP, 365p, 1978. Extrait p.306 et suivantes).
  7. François de La Rocque voit dans le Front de la liberté un moyen de « revaloriser les veilles formations et le vieux personnel qui nont su ni prévoir, ni pouvoir » (Gringoire, le 21 mai 1937).
  8. Didier Leschi, « Létrange cas La Rocque », p.53-94, dans Michel Dobry (dir.), Le Mythe de lallergie française au fascisme, 2003.
  9. Philippe Machefer, « Lunion des droites, le PSF et le Front de la liberté, 1936-1937 », p.124-125.
  10. « René Besse précise la position de son parti », Alliance démocratique, 28 février 1936.
  11. Jean Vavasseur-Desperriers, « Les tentatives de regroupement des droites dans les années trente ».
  12. Selon ce même principe de reconduction des élus qui nont pas démérité, est prévu selon le même accord pour les législatures de 1940 le soutien à 59 députés (57 sont membres de la Fédération républicaine, les deux autres sont Jacques Doriot et Jean-Louis Tixier-Vignancour, affilié à lAlliance démocratique).
  13. Si de la plupart des candidats du centre-droit ne se voient pas opposer un candidat du Front de la liberté, ce dernier combat cependant de nombreux centristes, notamment dans le Rhône, la région parisienne ou lOuest.
  14. Ainsi, la Fédération républicaine du Rhône dirigé par Victor Perret continuera avec le Parti populaire français les initiatives au nom du Front de la liberté.

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