- Espace Naturel Sensible
-
Espace naturel sensible
Sommaire
Définition et textes législatifs
Les espaces naturels sensibles des départements (ENS) sont un outil de protection des espaces naturels par leur acquisition foncière ou par la signature de conventions avec les propriétaires privés ou publics mis en place dans le droit français et régis par le code de l'urbanisme :
« Afin de préserver la qualité des sites, des paysages, des milieux naturels et des champs naturels d'expansion des crues et d'assurer la sauvegarde des habitats naturels selon les principes posés à l'article L. 110, le département est compétent pour élaborer et mettre en œuvre une politique de protection, de gestion et d'ouverture au public des espaces naturels sensibles, boisés ou non. (...).Pour mettre en œuvre la politique prévue à l'article L. 142-1, le département peut instituer, par délibération du conseil général, une taxe départementale des espaces naturels sensibles. (...).
Cette taxe est perçue sur la totalité du territoire du département. Elle est établie sur la construction, la reconstruction et l'agrandissement des bâtiments et sur les installations et travaux divers autorisés en application de l'article L. 442-1.
(Articles L.142-1 à L.142-13 du code de l'urbanisme) »Historique
- Cette politique a connu une histoire assez complexe depuis son origine à la fin des années 1950 jusqu'à aujourd'hui. Mais son histoire est riche d'enseignement sur l'évolution de la prise en compte de l'environnement en France dans cette période. Elle provient du droit de l'urbanisme, puis a bénéficié du contexte de la création des parcs nationaux et régionaux, de la loi de protection de la nature de 1976, de la loi sur l'architecture de 1977, des lois de décentralisation en 1985 et de nombreuses adaptations successives pour intégrer les évolutions du droit et des dispositifs français et européens de protection de l'environnement (Natura 2000...). Elle est marquée par cette double origine « urbanisme / environnement » et par la double préoccupation d'offrir des espaces récréatifs et de protéger et gérer la nature.
- Les espaces naturels sensibles ont pris la place des « périmètres sensibles » créés par un décret de 1959. Institués pour tenter de protéger la Provence et la Côte d'Azur des appétits des promoteurs immobiliers, ils constituaient alors l'un des premiers instruments juridiques de protection des espaces menacés d'urbanisation excessive. Le décret instituait des zones de préemption au bénéfice de la collectivité publique. Mais si les zones de préemption ont bien été délimitées, elles ont été peu utilisées, notamment faute de moyens pour acquérir les terrains soumis à une forte pression foncière. La Bretagne a eu plus de succès dans son application sur le littoral mais c'est sans doute à cause d'une pression foncière plus faible. Un ensemble de sites côtiers bretons ont été acquis dans les années 1970-80 par les départements, notamment dans les Côtes-du-Nord (actuelles Côtes-d'Armor), et surtout à partir de 1977 date à laquelle la Loi sur l'Architecture institue un moyen de financement pour cette politique en créant la taxe départementale des espaces naturels sensibles (TDENS) assise sur les permis de construire.
- La loi du 18 juillet 1985 (voir les lois de décentralisation )a confié la politique des ENS à l'assemblée départementale, en lui affectant le produit de la taxe dont elle fixe librement le taux entre 0 et 2 %. La loi stipule qu'outre l'acquisition, elle peut être utilisée pour la restauration, l'aménagement ou la gestion des sites.
- Dans le contexte de la décentralisation, l'application de la politique s'est progressivement étendue à un nombre croissant de départements avec des variations importantes dans les pratiques. Certains départements ont préféré réduire les acquisitions, coûteuses, pour signer des conventions avec les propriétaires. La Loi Littoral de 1992 a rendu moins pressant le besoin de protection des bords de mer grâce au recul de 100 mètres imposé à l'urbanisation.
- Au 10 février 2005, 73 départements français utilisaient cette mesure.
Domaines d'utilisation de la TDENS
De vifs débats ont eu lieu entre les départements et le législateur au sujet des limites de l'utilisation de la taxe départementale des espaces naturels sensibles. Les associations de protection de la nature ont également fait valoir que celle-ci était parfois employée à la limite du cadre défini. La loi a été précisée à plusieurs reprises sur ce point et semble aujourd'hui précise. Le produit de la TDENS peut être employé :
- pour l'acquisition, par voie amiable, par expropriation ou par exercice du droit de préemption de terrains, ainsi que pour l'aménagement et l'entretien de tout espace naturel, boisé ou non, appartenant au département, sous réserve de son ouverture au public dans les conditions prévues à l'article L. 142-10 ;
- pour sa participation à l'acquisition, à l'aménagement et la gestion des terrains du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, pour sa participation à l'acquisition de terrains par une commune ou par un établissement public de coopération intercommunale compétent, ainsi qu'à l'entretien des terrains acquis par l'une et l'autre de ces personnes publiques ou par l'agence des espaces verts de la région d’Île-de-France dans l'exercice du droit de préemption, par délégation ou par substitution, prévu à l'article L. 142-3.
Le produit de la taxe peut également être utilisé :
- pour l'aménagement et l'entretien d'espaces naturels, boisés ou non, appartenant aux collectivités publiques ou à leurs établissements publics et ouverts au public, ou appartenant à des propriétaires privés à la condition qu'ils aient fait l'objet d'une convention passée en application de l'article L. 130-5 ;
- pour l'aménagement et la gestion des parties naturelles de la zone dite des cinquante pas géométriques, définie par la loi nº 96-1241 du 30 décembre 1996 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur de la zone dite des cinquante pas géométriques dans les départements d'outre-mer ;
- pour l'acquisition, l'aménagement et la gestion des sentiers figurant sur un plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée, établi dans les conditions prévues à l'article 56 de la loi nº 83-663 du 22 juillet 1983 complétant la loi nº 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l’État, ainsi que des chemins et servitudes de halage et de marchepied des voies d'eau domaniales concédées qui ne sont pas ouvertes à la circulation générale et pour l'acquisition, par voie amiable ou par exercice du droit de préemption mentionné à l'article L. 142-3, l'aménagement et la gestion des chemins le long des autres cours d'eau et plans d'eau ;
- pour l'acquisition par un département, une commune, un établissement public de coopération intercommunale ou le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, de bois et forêts sous réserve de leur ouverture au public dans les conditions prévues à l'article L. 142-10 ;
- pour l'acquisition, l'aménagement et la gestion des espaces, sites et itinéraires figurant au plan départemental des espaces, sites et itinéraires relatifs aux sports de nature établi dans les conditions prévues au livre III du code du sport, sous réserve que l'aménagement ou la gestion envisagés maintiennent ou améliorent la qualité des sites, des paysages et des milieux naturels ;
- pour l'acquisition, la gestion et l'entretien des sites Natura 2000 désignés à l'article L. 414-1 du code de l'environnement et des territoires classés en réserve naturelle au sens de l'article L. 332-1 du même code ;
- pour les études et inventaires du patrimoine naturel nécessaires à l'élaboration et à la mise en œuvre de la politique de protection et de gestion des espaces naturels sensibles destinés à être ouverts au public.
Exemples
Intérêt et limites
Les limites sont celles des priorités écologiques que se donnent les départements, ainsi que celles des pressions foncières (coût), mais aussi des choix politiques, qui font que l'utilisation de la TDENS varie fortement d'un département à l'autre.
La maîtrise foncière des territoires a pour objectif prioritaire de contribuer à la conservation du patrimoine naturel ou paysager, mais étant négociée aux échelles locales elle n'est pas toujours le reflet des priorités écologiques. Ce sont souvent les zones délaissées et de moindre valeur foncière qui sont acquises, protégées et mises en valeur, plus qu'un réseau écologique cohérent. Les réseaux des réserves naturelles nationales, Natura 2000 et des réserves naturelles régionales (RNR) peuvent, avec les mêmes limites compléter celui des sites ENS.
Enfin, la loi impose d'ouvrir et d'aménager à la fréquentation du public les sites acquis grâce à la taxe, mais il est admis qu'un site ENS soit fermé au public tout ou partie de l'année si la fragilité du milieu est incompatible avec la fréquentation ou les aménagements d'accueil du public (Exemples : falaises, tourbières de surface réduite, berges fragiles, milieux en cours de renaturation, etc.).
Dans certaines régions, une démarche d'insertion de ces sites dans un réseau écologique régional (trame verte) écologiquement plus cohérent est en cours, en application notamment de la Stratégie paneuropéenne pour la protection de la diversité biologique et paysagère.Notes et références de l'article
Voir aussi
Articles connexes
Liens et documents externes
Bibliographie
- René Hostiou et J.-F. Struillou, « Les droits de préemption des collectivités publiques », dans Études foncières, N°135 (septembre-octobre 2008) (ISSN 0183-5912)
- Le Droit de préemption, La documentation française, coll. « Études du Conseil d’État », 2008, 118 p. (ISBN 978-2-11-007116-3).
Sites internet
- Texte intégral du Code de l'Urbanisme
- Page ministérielle sur l'outil « Espaces Naturels Sensibles » (site consacré aux outils juridiques pour la protection des espaces naturels) (fr)
- Historique de l'urbanisme et de l'aménagement en France (Catherine Bersani)
- Eden 62, gestion et animation des espaces naturels sensibles du Pas de Calais
- Portail de l’environnement et du développement durable
Catégorie : Environnement en France
Wikimedia Foundation. 2010.