Aflatoxine

Aflatoxine
Aflatoxine
Aflatoxine
Général
No CAS 1402-68-2
PubChem 14421
SMILES
InChI
Propriétés chimiques
Formule brute C17H12O6  [Isomères]
Masse molaire[1] 312,2736 ± 0,0162 g·mol-1
C 65,39 %, H 3,87 %, O 30,74 %,
Précautions
Classification du CIRC
Groupe 1 : Cancérogène pour l'homme[2]
Écotoxicologie
DL50 1,75 mg·kg-1 singe, oral[3]
Unités du SI & CNTP, sauf indication contraire.

L'aflatoxine est une mycotoxine produite par des champignons proliférant sur des graines conservées en atmosphère chaude et humide. Elle est nuisible aussi bien chez l'homme que chez l'animal, et possède un pouvoir cancérigène élevé. Elle fut découverte en 1960 en Angleterre.


Sommaire

Production des aflatoxines

Les aflatoxines constituent un groupe de 18 composés structurellement proches (un assemblage d'une coumarine et de 3 furannes). Elles sont produites par Aspergillus flavus (qui produit aussi de laflatrem, de lacide cyclopiazonique, de lacide aspergillique), Aspergillus parasiticus et Aspergillus nomius. Ces micro-organismes ubiquitaires ont peu dexigences de croissance : une température comprise entre 6 et 50 °C, une source de carbone et dazote et une activité de leau supérieure à 80%. Cependant dans certaines conditions (température comprise entre 13 et 45 °C, humidité importante, présence de certains acides gras), ils peuvent produire des métabolites secondaires : les aflatoxines, qui sont donc des mycotoxines. Parmi les plus courantes, on trouve l'AFB1, l'AFB2, l'AFM1, l'AFG1 et l'AFG2.

Structures chimiques des principales aflatoxines
AFB1
AFG1
AFM1
AFB2
AFG2
AFM2

Effets généraux des aflatoxines

De très nombreux produits alimentaires destinés à lhomme ou aux animaux peuvent contenir des aflatoxines en quantité parfois importante : graines darachides, maïs (en grain, ensilage, …), blé, céréales diverses, amandes, noisettes, noix, pistaches, figues, dattes, cacao, café, manioc, soja.... Les aflatoxines B1 et B2 (AFB1 et AFB2) sont les plus couramment rencontrées dans les aliments. Métabolisées par diverses enzymes microsomiales les aflatoxines sont éliminées sous forme glycurono et sulfo conjuguées par voie urinaire, par le lait ou la bile. Lors de la métabolisation des aflatoxines, certains dérivés époxydés hautement réactifs peuvent apparaître. Fortement électrophiles ils réagissent avec les groupements nucléophiles de l'ADN en s'intercalant entre les bases ou des protéines. Les aflatoxines ont de ce fait un fort effet tératogène et peuvent à hautes doses entraîner la mort en quelques heures à quelques jours selon la dose et la sensibilité de l'animal. Elles ont par ailleurs un rôle sur les phosphorylations et la lipogenèse, ainsi que des propriétés immunosuppressives. Enfin, les aflatoxines sont reconnues comme étant les plus puissants cancérigènes naturels. Lintoxication aiguë par les aflatoxines se traduit par la mort en général avec parfois des symptômes de dépression, anorexie, diarrhée, ictère ou anémie. Les lésions essentiellement hépatiques (nécroses, cirrhose) évoluent à long terme en hépatome ou carcinome. Les formes chroniques daflatoxicose se traduisent par une baisse des performances pour les animaux délevage, une anémie, un ictère léger et une évolution cancéreuse à terme. La présence de mycotoxines dans les aliments pose de gros problèmes dhygiène publique et de santé animale. L'AFB1 est considérée comme la plus toxique des aflatoxines.

Toxicologie

Tableau 1. DL50 par voie orale de laflatoxine B1
Espèces animales DL50 (ug/kg)
Lapin 0,3
Chat 0,6
Chien 0,5-1,0
Cochon 0,6
Babouin 2,0
Rat (mâle) 5,5
Rat (femelle) 17,9
Singe Macaque 7,8
Souris 9,0
Hamster 10,2
Humain 5,0*

Le DL50 pour les humains provient dune extrapolation dune étude moléculaire et biologique. Elle provient dun cas dépidémie par empoisonnement en 1975 en Inde. Sur 1000 personnes qui avaient été contaminées par des aflatoxines dans du maïs, 10% en sont mortes. Toutefois, les cas dempoisonnement aux aflatoxines sont rares. La toxicité chronique des aflatoxines est en revanche préoccupante, au vu de leurs effets cancérogènes. L'évaluation de la quantité de ces toxines dans la nourriture est donc l'objet d'études internationales depuis plusieurs décennies[4].

Les aflatoxines dans le lait

Chez le bétail, laflatoxine B1 absorbée avec des aliments contaminés est métabolisée au niveau du foie en un dérivé 4-hydroxy - appelé aflatoxine M1 - qui est chez les animaux laitiers (notamment vaches, brebis et chèvres) excrété dans le lait. Il existe de plus une relation linéaire entre la concentration de AFM1 excrétée et la quantité de AFB1 ingérée. Ainsi, il fut montré, chez la vache laitière, que 0.5 à 4% de laflatoxine B1 ingérée se retrouve sous forme daflatoxine M1 dans le lait. Cette mycotoxine conserve - à un moindre degré certes - les importantes propriétés cancérigènes de laflatoxine B1. Aussi, leffet cumulatif lié à lingestion régulière et itérative de telles toxines fait courir de grands risques aux enfants et aux nourrissons grands consommateurs de laits et de produits laitiers. Ce risque est dautant plus important que laflatoxine M1 résiste aux traitements usuels de conservation et de transformation des produits laitiers (chaleur, froid, lyophilisation...). On retrouve la presque totalité de laflatoxine M1 dans le lait écrémé, et dans les produits obtenus par précipitation lactique (yaourts, fromages blancs, crèmes lactées...), alors que lon en retrouve très peu dans le beurre. Ceci est lié à la présence dinteractions hydrophobes entre laflatoxine M1 et les caséines, et de fait il est fréquent de constater un enrichissement des fromages initialement contaminés en aflatoxine M1 au cours de légouttage (les AFM1 se lient aux protéines du lait et sont donc plus concentrées dans le caillé que dans le lait frais et le petit lait). Actuellement, le taux maximal d'AFM1 autorisé dans le lait est de 50 ng/kg. Pour limiter la concentration des aflatoxines dans le lait, différentes mesures peuvent être prises en amont de la production des aliments destinés aux animaux laitiers :

  • Un système de rotation des cultures assez long pour permettre l'assainissement des cultures;
  • Une utilisation de variétés de maïs moins sensibles à la contamination fongique ou plus précoces;
  • Un système de récolte qui évite de rompre les grains;
  • Une analyse de l'ensilage utilisé pour l'alimentation des animaux (détection et/ou quantification de l'AFB1 dans des échantillons d'ensilage), et en cas de détection d'aflatoxines, un retrait du silo des parties présentant des signes de détérioration aérobie et un traitement de l'ensilage restant au propionate, additif alimentaire accélérant la fermentation. D'autres agents chimiques tels que les acides, les bases (ammoniaque, soude), des agents oxydants (peroxyde d'hydrogène, ozone), des agents réducteurs (bisulfites), des agents chlorés, du formaldéhyde peuvent aussi être utilisés pour dégrader ou biotransformer les aflatoxines. On peut également épandre un agent densilage hydrodispersible contenant une souche de bactérie lactique brevetée : Lactobacillus buchneri NCIMB 40788, reconnue pour sa capacité à améliorer la stabilité aérobie (action antifongique) des ensilages à forte matière sèche. Cet agent est particulièrement recommandé pour les ensilages de maïs ouverts au printemps/été;
  • Une couverture constante de l'ensilage;
  • Dans le cas de grains de maïs, un séchage des grains avant l'entrepôt et un maintien du niveau d'humidité à 14 ou 15%;
  • Une ventilation dans le dessiccateur à fourrage.

Une analyse régulière du lait et des produits laitiers (détection et/ou quantification de l'AFM1 à partir d'échantillons de lait frais, de lait en poudre reconstitué ou de fromage) permet également de limiter les risques d'intoxication.

Méthodes de détection et danalyse

Étant donné quon retrouve les aflatoxines dans une vaste gamme de nourriture et considérant leurs effets toxiques chez les humains et les animaux, il devient alors très important davoir des méthodes de détections adéquates pour répondre aux diverses normes établies dans plusieurs pays. Plusieurs méthodes sont utilisées pour la détection des aflatoxines dans les produits agricoles. Par exemple, on retrouve la chromatographie sur couche mince, des méthodes de HPLC couplées à de la fluorescence et des techniques immunologiques. Une des plus récentes et efficaces est la chromatographie liquide couplée à la spectrométrie de masse (LC-MS) ou couplée à la spectrométrie de masse en tandem (LC-MS/MS).

Chromatographie liquide couplée à la spectrométrie de masse (LC-MS)

La technique danalyse suivante sert à analyser les aflatoxines B1, B2, G1 et G2 dans des échantillons de produits dagriculture.


  • Préparation de léchantillon

Il faut tout dabord préparer les échantillons avant de procéder à lanalyse des aflatoxines. Ils doivent être préparés de manière à ce que lextraction des aflatoxines soit optimale. Les échantillons tels des céréales, du riz, des fruits séchés ou des noix sont homogénéisés en poudre à laide dun mélangeur. On utilise 0,5 g de poudre avec une quantité connue détalon interne, laflatoxine AFM1, afin de diminuer les erreurs expérimentales. Laflatoxine AFM1 est un étalon interne de choix étant donné quil ne se retrouve pas dans les produits dagriculture. Le tout subit une extraction liquide-liquide avec du méthanol 80% et est ensuite agité, puis centrifugé. Dans le cas des épices, il faut un traitement préalable pour éliminer le gras présent dans léchantillon. Ce traitement consiste en une extraction à lhexane. Les échantillons sont filtrés puis on met un volume déchantillon dans lauto-échantillonneur, le même volume dun tampon tris-HCl (pH 7,2), et on finit le volume avec de leau distillé.


  • Purification

Une méthode proposée pour extraire les aflatoxines de léchantillon est une micro-extraction sur phase solide (SPME) « on-line », c'est-à-dire que lextraction se fait automatiquement par lappareil juste avant la chromatographie liquide. Plusieurs paramètres sont très importants pour que lextraction ait un bon rendement. La phase stationnaire de la colonne capillaire (ex : Supel-Q PLOT) est conditionnée par deux cycles daspiration/éjection de méthanol et deau. Les échantillons font ensuite 25 cycles daspiration/éjection à un débit de 100uL/min. Finalement, les échantillons sont transportés automatiquement avec la phase mobile du LC-MS.


  • Séparation et Analyse

Lanalyse se fait ensuite par chromatographie liquide couplée à un spectromètre de masse. Tout dabord, la chromatographie se fait en phase inversée (ex : Colonne Zorbax Eclipse XDB-C8). La phase mobile est composée de Méthanol/Acétonitrile (60/40, v/v): 5mM formate dammonium (45:55 v/v). Le formate dammonium favorise la protonation de la molécule étudiée lors de lanalyse spectrométrique. Le débit délution est de 1,0 mL/min ce qui permet une analyse de 8 minutes. Le détecteur, comme mentionné précédemment, est un spectromètre de masse. Ce type de détection nécessite une ionisation positive ou négative des analytes à la sortie de la colonne chromatographique. Celle-ci se fait à laide délectro-nébulisation ionique (ESI). Dans le cas des aflatoxines, lionisation positive, sous la forme [M-H]+, est favorisée avec un bon rapport signal sur bruit (S/N). La méthode danalyse par spectrométrie de masse est maintenant une méthode de choix quant à lanalyse des aflatoxines. Depuis la dernière décennie, cette méthode a permis daméliorer les limites de détection en filtrant les masses des impuretés qui interfèrent dans des détecteurs spectrophotométriques par exemple[5],[6].

Tableau 2. Exemples de résultats danalyse des aflatoxines dans les produits agricoles
Aliments Détection AFB1 (ug/kg) AFB2 (ug/kg) AFG1 (ug/kg) AFG2 (ug/kg) Pays Référence
Arachides LC/MS 0,48 N/D 0,84 1,12 Japon Journal of Chromatography A. 1216 (2009) 44164422.
Amandes LC/MS N/D 0,11 N/D 0,34 Japon Journal of Chromatography A. 1216 (2009) 44164422.
Noix de Coco LC/MS 0,65 N/D N/D 1,06 Japon Journal of Chromatography A. 1216 (2009) 44164422.
Maïs LC/MSMS 2,7 2,2 3,3 3,4 Espagne Food Chemistry 117 (2009) 705712.
Figues LC/FD 5,6 0,5 2,8 2,3 Danemark Z Lebensm Unters Forsch A. 206 (1998) 243-245.
  • N/D: Non détecté
  • LC/FD: Chromatographie liquide à détection de fluorescence

Les quantités daflatoxines retrouvées dans divers aliments dépendent de plusieurs facteurs. Dépendamment des normes de chaque pays et des méthodes dentreposage, il est fréquent de voir une variation des quantités daflatoxines détectées.

Législation et protection

Beaucoup de pays à travers le monde ont établi des normes sur la quantité maximale daflatoxines qui doit être retrouvée dans la nourriture.
La législation européenne, émise en 1998 et modifiée en 2006, a pour objectif de ne pas dépasser une quantité nocive daflatoxine[7] quotidiennement, soit de 253 à 441 ng/kg, selon une étude américaine. Par exemple, elle fixe ainsi réglementairement[8] une limite de 2 μg/kg daflatoxines dans les arachides, les noix, les fruits séchés et les céréales en consommation humaine directe, et une limite de 15 μg/kg pour les « amandes et pistaches devant subir une opération avant utilisation comme ingrédient alimentaire » [9].
Au Canada et aux États-Unis, on retrouve des normes parfois moins sévères mais portant sur toute la nourriture destinée à la consommation humaine. Des normes sont aussi établies sur la quantité daflatoxines retrouvées dans la nourriture donnée à du bétail. Celles-ci sont de 20 ug/kg au Canada, tandis quaux États-Unis, elles varient de 20 à 300 ug/kg[4],[10].

Tableau 3. Niveau toléré de laflatoxine B1 au niveau international
Pays Quantité maximale (ug/kg) Produit
Canada 15 Noix
États-Unis 20 Toute la nourriture
Union Européenne 2 Arachides, noix, fruits séchés et céréales
Argentine 0 Arachides, maïs et produits
Brésil 15 Toute la nourriture
Chine 10 Riz et huile de table
République Tchèque 5? Toute la nourriture
Hongrie 5? Toute la nourriture
Inde 30 Toute la nourriture
Japon 10 Toute la nourriture
Nigeria 20 Toute la nourriture
Pologne 0 Toute la nourriture
Afrique du Sud 5 Toute la nourriture
Zimbabwe 5 Toute la nourriture

Notes et références

  1. Masse molaire calculée daprès Atomic weights of the elements 2007 sur www.chem.qmul.ac.uk.
  2. IARC Working Group on the Evaluation of Carcinogenic Risks to Humans, « Evaluations Globales de la Cancérogénicité pour l'Homme, Groupe 1 : Cancérogènes pour l'homme » sur http://monographs.iarc.fr, CIRC, 16 janvier 2009. Consulté le 22 août 2009
  3. ChemIDplus
  4. a et b Moss, M.O., Risk assessment for aflatoxins in foodstuffs, International Biodeterioration & Biodegradation, 50, (2002), p. 137142.
  5. Shephard, G. S., Aflatoxin analysis at the beginning of the twenty-first century, Anal. Bioanal. Chem., 395, (2009), p. 12151224.
  6. Nonaka, Y. et al., Determination of aflatoxins in food samples by automated on-line in-tube solid-phase microextraction coupled with liquid chromatographymass spectrometry, Journal of Chromatography A, 1216, (2009), p. 4416442.
  7. EFSA European Food Safety Authority Les aflatoxines dans les denrées alimentaires
  8. Règlement (CE) No 1881/2006 portant fixation de teneurs maximales pour certains contaminants dans les denrées alimentaires-Annexe-Section 2:Mycotoxines
  9. Le règlement CE n°1881/2006 mentionne en particulier dans ses considérants que « Pour ce qui est des aflatoxines, le CSAH a déclaré dans son avis du 23 septembre 1994 quelles étaient des cancérogènes génotoxiques[…]. Compte tenu de cet avis, il convient de limiter la teneur totale en aflatoxines des denrées alimentaires (somme des teneurs en aflatoxines B1, B2, G1 et G2) ainsi que la seule teneur en aflatoxine B1, cette dernière étant de loin le composé le plus toxique. La possibilité dune réduction de la teneur maximale actuelle en aflatoxine M1 des aliments pour nourrissons et enfants en bas âge devrait être envisagée au vu de lévolution des procédures danalyse»
  10. Charmley, L.L., Trenholm, H.L., Fact SheetMycotoxins, Canadian Food Inspection Agency, [en ligne ], <http://www.inspection.gc.ca/english/anima/feebet/pol/mycoe.shtml>, (12 avril 2010).

Voir aussi

Liens externes

Bibliographie

One-Year Monitoring of Aflatoxins and Ochratoxin A in Tiger-Nuts and their Beverages ; Food Chemistry, online 9 January 2011


Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Aflatoxine de Wikipédia en français (auteurs)

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