Affaire du rainbow warrior

Affaire du rainbow warrior

Affaire du Rainbow Warrior

L’affaire du Rainbow Warrior est un scandale auquel les services secrets français prennent part, en 1985.

Sommaire

Les faits

En juillet 1985, le Rainbow Warrior[1], bateau de l’organisation écologiste Greenpeace mouille à Auckland en Nouvelle-Zélande. Son but est d’emmener d’autres bateaux vers l’atoll de Mururoa pour protester contre les essais nucléaires français et les gêner dans la mesure du possible.

Le gouvernement français (sous la présidence de François Mitterrand) fait appel à la DGSE pour parer cette menace. Probablement à la demande explicite du ministre de la Défense, Charles Hernu, l’amiral Pierre Lacoste, chef des services secrets français, lance l’opération Satanic dans l’urgence. Malgré les protestations des officiers de la Direction des opérations, les délais indispensables à la préparation et aux reconnaissances ne sont pas respectés. Deux agents de la DGSE, opérant sous la fausse identité (et sous de faux passeports suisses) des époux Turenge (le capitaine (f) Dominique Prieur alias Sophie Turenge et le chef de bataillon Alain Mafart alias Alain Turenge) sont chargés de mener l’opération. Le plan consiste à placer sous la coque du navire deux charges explosives, une première de faible puissance destinée à faire sortir les occupants du bateau alors à quai, une seconde de forte puissance destinée à le couler. Ces deux agents sont chargés de réaliser les repérages alors qu'une deuxième équipe arrivée en voilier (l’Ouvéa) et composée de trois agents apporte le matériel. L’équipage du voilier est composé de Roland Verge, Gérald Andries, et Jean-Michel Barcelo, tous trois sous-officiers au centre d'instruction des nageurs de combat d'Aspretto en Corse, et du docteur Xavier Maniguet. L'arsenal est provisoirement caché dans les criques de Parangara et de Kaouou.

L’opération se déroule le 10 juillet 1985. Le matériel est transféré de la camionnette des faux époux Turenge dans le canot pneumatique des trois nageurs de combats. Deux des nageurs posent les bombes et le troisième pilote le canot. Le pilote est ensuite identifié comme l'homme au bonnet rouge. Il s’agirait de Gérard Royal (frère de Ségolène Royal) devenu ensuite lieutenant-colonel avant de quitter l'armée[2]. À 23 h 50, le navire est coulé mais le photographe néerlandais, d'origine portugaise, Fernando Pereira, parti récupérer ses équipements photographiques après la première explosion, meurt dans la seconde. En outre, les faux époux Turenge sont facilement arrêtés par la police néo-zélandaise d’Auckland à cause de la camionnette qu’ils ont louée pour récupérer les plongeurs chargés de placer les explosifs. Un concours de circonstances fait que, un certain nombre de cambriolages ayant précédemment eu lieu sur le port, un vigile placé là en surveillance, voyant cette camionnette attendant dans un coin discret note son numéro d’immatriculation, ce qui permet à la police de réagir rapidement.

Ils sont définitivement identifiés comme étant les poseurs de bombe grâce à leurs empreintes digitales retrouvées sous le canot pneumatique qui avait servi à poser la bombe. À cette époque la technique pour relever des empreintes sur un objet ayant séjourné dans l'eau (comme ce fut le cas pour le dessous du canot) était très peu connue. Malheureusement pour les faux époux Turenge, une équipe d'experts internationaux se trouvait sur place à cette époque par pur hasard et c'est eux qui mirent à disposition leur savoir-faire tout nouveau et relevèrent les empreintes qui, quelques mois auparavant seraient restées inexploitables.

Dès le 12 juillet à 9h du matin, la police néo-zélandaise interpelle deux touristes suisses munis de faux papiers[3], les « faux époux Turenge », qui sont en fait les deux agents de la DGSE, Alain Mafart et Dominique Prieur. Méfiant, le surintendant Alan Galbraith, chef de la Criminal Investigation Branch envoie 2 télex, l'un à Londres, l'autre à Berne. La réponse arrive le 14 juillet : ces passeports sont des faux. La presse néo-zélandaise commence à mettre en cause les services spéciaux français.

Ils sont inculpés de meurtre le 23 juillet. Le Premier ministre néo-zélandais, David Lange, accuse des « éléments étrangers » d'avoir pris part à l'attentat, visant implicitement la France. Le 26 juillet, la justice néo-zélandaise lance un mandat d'arrêt international contre les passagers du voilier Ouvéa, qui a levé l'ancre d'Auckland la veille du sabotage et contre l'agent de la DGSE qui avait infiltré l'organisation avant l'opération pour faire des repérages.

Alors que le ministre nie toute implication de la DGSE, l'imminence de la publication de documents compromettants décide François Mitterrand à commander le 6 août un rapport au conseiller d'État Bernard Tricot, remis le 26 août et qui blanchit la DGSE, suscitant même les doutes du Premier ministre Laurent Fabius. Après la révélation le 17 septembre par le quotidien Le Monde de l’existence d’une troisième équipe[4] alors que la défense de la France s'appuyait sur l'impossibilité pour les faux époux Turenge et les hommes de l'Ouvéa d'avoir commis l'attentat, le scandale rebondit. Le surlendemain, le Président réclame à son Premier ministre des sanctions. Le 20 septembre, le ministre de la Défense Charles Hernu démissionne et l’amiral Pierre Lacoste est limogé. Le 22, Laurent Fabius finit par admettre à la télévision que les services secrets français avaient mené l’attaque du Rainbow Warrior.

Le 4 novembre 1985, Alain Mafart et Dominique Prieur comparaissent devant la cour d'Auckland pour les premières auditions ; ils plaident coupable d’homicide involontaire. Le 22 novembre, les agents français sont condamnés à 10 ans de prison[5]. Ils sont transférés en juillet 1986 sur l'atoll de Hao en Polynésie et affectés au régiment étranger pour administration. Ils seront rapatriés en métropole séparément.

Le procès a été filmé malgré l'opposition des Français, puis a été diffusé sur une chaîne nationale à partir du 26 septembre 2006. Les agents français ont été déboutés par les juridictions néo-zélandaises de leur opposition à la diffusion de la vidéo du procès[6],[7],[8].

Il avait été envisagé par les services français de dégrader le gazole du navire en déversant des bactéries dans les réservoirs, avant de retenir l’option de la bombe.[réf. nécessaire]

Le 29 septembre 2006, Antoine Royal déclare à la presse que son frère Gérard Royal se serait vanté d'avoir lui-même posé la bombe, ce que l'intéressé dément[réf. nécessaire]. Le premier ministre a exclu toute nouvelle action concernant le Rainbow Warrior compte tenu des engagements internationaux pris entre la France et la Nouvelle Zélande[9].

Le point de vue néo-zélandais

« Outre les infractions spécifiques créées par les instruments internationaux contre le terrorisme, la législation néo-zélandaise n'établit pas d'infraction générique dénommée « acte terroriste ». Toutefois, plusieurs actes terroristes sont considérés comme des infractions au titre de l'actuel Code pénal. C'est ainsi qu'en application de la loi sur la criminalité, ont été poursuivis deux agents responsables de l'attentat à l'explosif contre le Rainbow Warrior, la seule attaque terroriste perpétrée en Nouvelle-Zélande à ce jour.

Le Gouvernement néo-zélandais est d'avis que l'« activité terroriste » devrait être considérée comme un facteur aggravant dans la détermination de la peine au titre de la loi sur la réforme des peines et de la liberté conditionnelle dont le Parlement est actuellement saisi. L'« activité terroriste » figurera également parmi les facteurs justifiant une peine d'emprisonnement d'au moins 17 ans en cas de meurtre. Le Gouvernement est également d'avis que la deuxième loi sur le terrorisme devrait reconnaître la compétence extraterritoriale pour toute infraction commise par des citoyens néo-zélandais dans la perpétration d'un acte terroriste, tel qu'il est défini dans la loi sur la répression du terrorisme.

Comme il a été déjà indiqué, les seules condamnations obtenues en Nouvelle-Zélande pour des activités terroristes avaient trait à l'attentat à l'explosif perpétré contre le Rainbow Warrior par des agents français dans le port d'Auckland le 10 juillet 1985. Deux des agents, le commandant Alain Mafart et le capitaine Dominique Prieur, ont été reconnus coupables d'homicide involontaire sur la personne d'un membre d'équipage mort lorsque le bateau a sombré et ont été condamnés à 10 ans d'emprisonnement. À la suite d'un arbitrage, les agents ont été expulsés vers l'atoll de Hao en Polynésie française, en application d'un accord conclu entre la France et la Nouvelle-Zélande. Ils ont été relâchés et sont retournés en France 18 mois plus tard. Une autre procédure d'arbitrage est arrivée à la conclusion qu'ils ont été libérés en violation de l'Accord. L'affaire a été réglée lorsque des excuses ont été présentées et un dédommagement versé à la Nouvelle-Zélande. »

— Extrait du Rapport soumis au Comité contre le terrorisme en application du paragraphe 6 de la résolution 1373 (2001)

du Conseil de sécurité, en date du 28 septembre 2001.

« C’était aussi la plus grave violation de la souveraineté territoriale qu’ait jamais subi la Nouvelle-Zélande. C’était un acte de terrorisme soutenu par un État, un acte de guerre. »

— L'ancien ministre néo-zélandais Geoffrey Palmer

Le rapport Lacoste

Dans un rapport confidentiel daté du 8 avril 1986, resté secret jusqu'en juillet 2005, l'amiral Lacoste soutient que

« c'est le 19 mars 1985 que M. Patrick Careil, directeur de cabinet de M. Charles Hernu, lui a explicitement demandé de mettre en œuvre les moyens de la DGSE pour interdire au mouvement Greenpeace de réaliser ses projets d'intervention contre la campagne des essais nucléaires français à Moruroa, à l'été 1985. »

Il explique que l'action contre Greenpeace a été donnée, selon lui, avec l'accord du président François Mitterrand :

« Reçu en audience par le président de la République, le 15 mai à 18 heures, j'avais mis cette question au premier point de l'ordre du jour (...). J'ai demandé au Président s'il m'autorisait à mettre en œuvre le projet de neutralisation que j'avais étudié à la demande de Charles Hernu. Il m'a donné son accord en manifestant l'importance qu'il attachait aux essais nucléaires. Je ne suis pas alors entré dans un plus grand détail du projet, l'autorisation était suffisamment explicite. »

Le ministre de la défense démissionnera notamment pour couvrir le Président. En 1985, l'Amiral Pierre Lacoste a été remplacé par le général René Imbot à la tête de la DGSE.

Épilogue

L’affaire entraîne une crise dans les relations entre la France et la Nouvelle-Zélande. Suite à l’abandon par la France de sa déclaration de juridiction obligatoire en 1974, l’affaire n’est pas traitée par la Cour internationale de justice. Les deux parties font appel au Secrétaire général de l'Organisation des Nations unies (à ce moment Javier Pérez de Cuéllar) en lui demandant de rendre un règlement obligatoire pour les deux parties, ce qu’il fait en juillet 1986.

La décision accorde une double réparation à la Nouvelle-Zélande : d'abord, une satisfaction sous la forme d'excuses officielles de la France, ensuite, une réparation de sept millions de dollars de dommages et intérêts. Le 9 juillet, trois accords sous forme d’échanges de lettres sont signés pour régler le problème. Conformément à ces accords, les deux agents français sont transférés sur l’île d’Hao en Polynésie française avec interdiction de revenir en métropole pendant 3 ans. Mais le 14 décembre 1987, le commandant Mafart est rapatrié pour raisons médicales, suivi le 6 mai 1988 du capitaine Prieur, sur le point d'accoucher et son père mourant. La Nouvelle-Zélande porte alors l’affaire devant un tribunal arbitral. Les relations entre les deux pays resteront tendues de nombreuses années. En 1987, la France versera 8,16 millions de dollars d’indemnités à Greenpeace.

La France s'est abstenue de s'opposer à l'entrée sur le territoire européen de la viande d'agneau et de mouton en provenance de Nouvelle Zélande, ce qui tranche avec son habitude à défendre les intérêts de l'agriculture, ce que certains imputent à un accord tacite faisant partie du volet des réparations de la France à la Nouvelle Zélande[10].

Annexes

Bibliographie

  • Alain Mafart, Carnets secrets d'un nageur de combat : du "Rainbow warrior" aux glaces de l'Arctique, Albin Michel, 1999, ISBN 2-226-10831-9
  • Dominique Prieur, Agent Secrète, Fayard
  • Sophie Merveilleux du Vignaux, Désinformation et services spéciaux, Rocher, 2007
  • xavier maniguet "the french bomber la vérité sur rainbow warrior"

Articles connexes

Liens externes

Notes et références

  1. Le Guerrier de l'arc-en-ciel en anglais
  2. Selon L'Express : Biographie de Gérard Royal dans l'Express, 16 mars 2006
  3. Deux passeports avec les numéros 302 4838 et 302 4840 parfaitement en règle.
  4. Ce tandem, composé d'un capitaine et d'un sergent-chef de la DGSE, sous les identités d'Alain Tonel et de Jacques Camurier a débarqué à Auckland le 7 juillet à 8h 15, en provenance de Tahiti. Le commandant Dillais, chef du centre d'Aspretto était présent ce jour là en Nouvelle-Zélande.
  5. Dossiers R v Mafart S89/85 et R v Prieur S90/85
  6. MAFART AND PRIEUR V TELEVISION NEW ZEALAND LIMITED CA CA92/05 4 August 2005
  7. MAFART AND PRIEUR V TELEVISION NEW ZEALAND LIMITED SC 50/2005 11 May 2006
  8. MAFART AND PRIEUR V TELEVISION NEW ZEALAND LTD SC 70/2006 26 September 2006
  9. Archives
  10. Tahiti-Pacifique Magazine n° 171, juillet 2005
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