- Affaire de la MNEF
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L'affaire de la MNEF est une affaire d'enrichissement personnel et d'emplois fictifs qui toucha la Mutuelle nationale des étudiants de France (MNEF) durant les années 1990, impliquant notamment des personnalités liées au Parti socialiste, et pour plusieurs issues du courant trotskyste lambertiste, considéré comme ayant « pris le contrôle » de la MNEF à la fin des années 1970[1].
Sommaire
Les dérives de la MNEF
En 1998, quand éclate ce que les médias appelleront l'affaire de la MNEF, les dérives de gestion de la MNEF durent depuis plus de 16 ans[2].
Dès 1982, un rapport de la cour des comptes critique la gestion pratiquée par les salariés de la MNEF. Olivier Spithakis, trésorier, semble être le plus menacé au sein de la mutuelle. En 1983, le contrôle de la Cour des comptes évoque déjà les indemnités versées aux administrateurs. Dans sa note sur la MUL (une filiale de la MNEF), la commission constate: « Ces éléments jettent un doute sérieux sur l'utilisation des cotisations versées par les adhérents »[3]. En février 1983, Olivier Spithakis est pourtant proposé et imposé comme le nouveau directeur général de la MNEF par Jean-Michel Grosz, issu lui aussi de l'UNEF-ID, alors président de la Mnef. Le train de vie dispendieux des dirigeants est à nouveau dénoncé lors d'une expertise des comptes de la Misec (Mutuelle interprofessionnelle du Sud-Est et de la Corse), sans suivi. Durant presque 20 ans, la direction de la MNEF bénéficie du soutien actif des différents gouvernements qui se succèdent.
Pendant toutes ces années, les dérives de gestion de la MNEF sont innombrables : elles concernent les salaires (100.000 F par mois) et émoluments d'Olivier Spithakis et d'autres dirigeants, l'embauche prioritaire des militants de l'UNEF-ID, liés d'une manière générale au mouvement trotskiste, puis intégrés dans le parti socialiste comme Jean-Christophe Cambadélis ou Marc Rozenblatt, président de l'UNEF-ID. Le journal Le Point parlera du « binôme MNEF-Unef-ID : un vivier de jeunes loups socialistes ». Ces dérives comprennent également des « gestes » de complaisance tels 300 000 francs versés à SOS-Racisme par « le courtier d'assurances maison, l'Iram »[4].
La direction crée un ensemble de filiales afin d'« opacifier » sa gestion. Ces structures satellites servent des intérêts politiques et permettent de salarier des personnalités telles que Jean-Marie Le Guen ou Fodé Sylla, l'ex-président de SOS Racisme. Elles permettent de créer des systèmes de fausses factures (par exemple pour la filiale EFIC, spécialisée dans l'imprimerie[5]), des montages financiers sophistiqués (grâce à la vente de sa société Iram, Marc Rozenblatt encaisse 17 millions de francs de plus-value…) ou des opérations immobilières suspectes. Ainsi, en 1998, autour de la MNEF gravite un « entrelacs complexe et obscur d'une cinquantaine de sociétés commerciales réalisant un chiffre d'affaires d'environ 2,5 milliards de francs »[4].
Déroulement et retentissement médiatique
Les dérives constatées par la Cour des comptes conduisent le parquet à ouvrir, en septembre 1998, une première information judiciaire contre X pour «faux, usage de faux, abus de confiance, recel» et «prise et conservation illégale d'intérêts» sur les relations de la Mnef avec trois sociétés de communication[6]. Une enquête préliminaire est également confiée à la brigade financière sur le fonctionnement global de la Mnef et de ses filiales. Les enquêtes concluront sur un système de fausses factures mis en place par l'intermédiaire notamment de la société Efic, et d'autres filiales de la Mnef et sur des inculpations pour enrichissement personnel et emplois fictifs.
Diverses personnalités ont été mises en cause dans l'affaire, notamment l'ancien directeur de la MNEF Olivier Spithakis, son ancien président Jean-Michel Grosz, l'ancienne conseillère de Lionel Jospin Marie-France Lavarini, et le député Jean-Christophe Cambadélis[7].
Le député socialiste Jean-Marie Le Guen est également mis en examen pour un présumé emploi fictif. Il avait fait partie avec Jean-Christophe Cambadélis de « la jeune garde qui s'empara de la MNEF » au début des années 1980. Il est administrateur puis salarié de la Mutuelle étudiante pendant près de vingt ans (de 1982 à 1997), devenant officiellement, de 1993 à 1997, conseiller médical de la direction[2]. Les juges lui reprochent près de 1,5 million de francs qui auraient été indûment perçus. En outre, une autre mutuelle créée par la MNEF, au terme d'une convention datée du 1er juin 1993, lui avait versé 330 000 francs de 1994 à 1996. Les juges estimant alors qu'il n'y a pas eu de contrepartie[8],[9]. Il bénéficie d'un non-lieu en fin d'instruction pour insuffisance de charges[10].
L'affaire met en cause également Dominique Strauss-Kahn qui, avocat d'affaires, avait été rémunéré 600 000 francs TTC par la MNEF, au printemps 1997, alors que se négociait l'entrée de la Compagnie générale des eaux (CGE) au sein d'un holding de la mutuelle, Raspail participations[11]. Alors ministre de l'économie et des finances dans le Gouvernement Lionel Jospin, il est contraint de démissionner de son poste le 2 novembre 1999[12]. Il est accusé d'avoir produit de faux documents, d'avoir « fabriqué » et utilisé des justificatifs antidatés. La police judiciaire établit alors que la feuille de papier sur laquelle est imprimée la facture de Strauss-Kahn provient d'une trame qui a été fabriquée après la date indiquée sur la facture. Il reconnaît alors devant le tribunal correctionnel de Paris avoir commis une « erreur » de date dans les documents qu'il a fournis à la justice, tout en niant toute volonté de mentir[13]. Il est finalement relaxé des délits de « faux et usage de faux »[14].
Le nom du député socialiste Julien Dray est également évoqué par les média. Celui-ci était mis en cause par l'avocat Claude Duval, ainsi qu'Harlem Désir dans le cadre du financement de SOS Racisme. Circonstance aggravante, Olivier Spithakis avait prêté au député de la dixième circonscription de l'Essonne 150 000 F en 1997. Le prêt fut remboursé par avocats interposés, fin 1998 et début 1999. Aucune charge ne fut retenue contre Julien Dray[15].
Condamnations
En mars 2004, dans le volet financier de l'affaire, Olivier Spithakis a été condamné à deux ans de prison dont six mois avec sursis pour «complicité d'abus de biens sociaux, détournements de fonds publics et abus de confiance»[16].
Au bout de huit ans de procédure, des peines de prison avec sursis - la plupart étant couvertes par la loi d'amnistie votée après la présidentielle de 1995 - et des amendes ont finalement été prononcées à l'encontre de 17 prévenus, dans le procès des emplois présumés fictifs de la MNEF. Jean-Christophe Cambadélis a été condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis et 20 000 euros d'amende, pour une supposée mission de conseil sur les étudiants étrangers, entre 1991 et 1993. Marie-France Lavarini a reconnu n'avoir jamais effectué de véritable mission pour la MNEF et a remboursé l'argent perçu. Jean-Michel Grosz a été condamné à deux ans avec sursis et 150 000 euros d'amende, et Olivier Spithakis à deux ans avec sursis et 50 000 euros[17].
Liens externes
- Robi Morder, "Éléments pour une histoire politique de la mutuelle nationale des étudiants de France", Cahiers du Germe spécial n° 4, 2003/2004
- Article du Monde du 22 mars 2006
- Le système Mnef expliqué par Bruno Pelletier., Libération, 1er avril 1999.
Notes et références
- Spithakis se défend en se défaussant. La brigade financière entend aujourd'hui l'ex-patron de la Mnef., Libération, 26 octobre 1999
- Laurence Dequay, Le scandale de la MNEF , Marianne, 8 mars 1999
- Armelle Thoraval, L'obscure gestion à tiroirs de la MNEF. La Mutuelle nationale des étudiants de France est l'objet de plusieurs contrôles., Libération, 7 avril 1998
- Jean-Loup Reverier, Le PS et la Sécu des étudiants, Le Point, 4 juillet 1998
- Armelle Thoraval, Cette filiale de la Mnef choyée par le PS parisien. Loin des activités d'une mutuelle, l'imprimerie Efic travaillait, notamment, pour les députés Le Guen et Cambadelis., Libération, 2 octobre 1998
- Vincent Nouzille, L'étrange homme d'affaires de la Mnef, L'Express, 24 septembre 1998
- C'était la génération Mitterrand, Le Monde, 2 juin 2006
- Armelle Thoraval, L'Arlésien de la Mnef. Payé par la mutuelle, Le Guen y brillait par son absence., Libération, 3 juin 2000
- Eric Decouty, Jean-Marie Le Guen annonce sa mise en examen, Le Parisien, 3 juin 2000
- Bras de fer judiciaire autour du procès de la Mnef, Le Parisien, 11 janvier 2002
- Strauss-Kahn: questions sur une rémunération. Le parquet de Paris fait enquêter sur les 600 000 F versés à DSK par la Mnef quand il était avocat d'affaires, Libération, 9 décembre 1998
- Dominique Strauss-Kahn annonce sa démission, Ina.fr
- Dominique Strauss-Kahn au coeur du procès de la Mnef, Le Parisien, 1er octobre 2001
- MNEF : vers une relaxe de DSK, RFI, 9 octobre 2001
- Armelle THORAVAL, Julien Dray ferré dans l'affaire de la Mnef. Des personnes mises en examen évoquent des transactions en liquide. Et désignent le député PS., Libération, 26 novembre 1999
- Au tribunal, les méthodes de voyou de l'ex-patron de la Mnef, Libération, 13 novembre 2004
- Un verdict symbolique, L'Express, 2 juin 2006
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