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Peter Eisenman
Peter David Eisenman est devenu la figure majeure de la déconstruction architecturale, celui qui régulièrement a intégré de façon explicite un questionnement philosophique dans son processus de conception.
Architecte et théoricien américain, Peter Eisenman est né le 11 août 1932 à Newark. Il vit et travaille à New York. Il a obtenu un Baccalauréat (bachelor) en architecture de l'Université Cornell en 1955, une Maîtrise en architecture de l'Université Columbia, une Maîtrise et un Doctorat de l'Université de Cambridge en 1963. Peter Eisenman est professeur titulaire de la chaire d'Architecture Irwin S. Chanin à la « Cooper Union », à New York et professeur invité à l’Université de Princeton. En 1967, il a fondé « l'Institute for Architecture and Urban Studies » à New York et y a ouvert son agence d’architecture en 1980. Peter Eisenman a été rédacteur en chef de la revue Oppositions. Il a publié de nombreux essais, articles et livres. Ses publications comprennent, notamment, House X, Houses of Cards, cities of artificial Excavation, et plus récemment, virtuel House, Diagram Diaries. Il est en outre coauteur, avec Jacques Derrida, de Chora L Works. Un livre qui retrace les étapes de leur travail commun à l’occasion du concours pour l’aménagement du parc de la Villette.
Depuis l’ouverture de son agence à New York, Eisenman a développé une cinquantaine de projets de natures et d’échelles diverses. De nombreux projets ont été lauréats de concours, mais tous ne sont pas construits. Ses réalisations significatives sont House VI, le Wexner Center for the Visual Arts, l’Aronoff Center for Design and Art (aux États Unis), le IBA Social Housing à Berlin et le Koizumi Sangyo Office Building et le Nunotami Headquaters Building (Japon) . Eisenman a remporté récemment plusieurs concours importants dont le Mémorial pour les Juifs d’Europe Assassinés à Berlin ou bien le centre culturel de Saint Jacques de Compostelle en Galice de plus de 350 000 m² . (actuellement en cours de réalisation).la posture critique de Peter Eisenman
Dès l’origine de son travail, Eisenman esquisse une réflexion sur la forme afin de rompre radicalement avec le rationalisme industriel issu de la tradition moderne dans les années 1960. Son travail de doctorat intitulé « The Formal Basis of Modern Architecture » se présente comme une alternative aux analyses édictées principalement par les théoriciens et historiens Colin Rowe (1920-1999) et Rudolf Wittkower (1906-1971).
On pourrait songer que la volonté initiale de réforme d’Eisenman se fonde sur une double constatation :- D'une part, que l’homme en cette période « post-nucléaire » évolue dans un monde qui n’a plus de statut idéal unitaire, mais multiple et complexe et fragmenté.
- D'autre part, comme pour l’analyse derridienne du langage, Eisenman pointe la soumission de l’architecture à la métaphysique de la « présence ». Les notions auxquelles est rattachée, en architecture, la métaphysique de la présence sont principalement pour Eisenman les notions d’unité et d’origine. Ces notions sont, selon lui, issues du désir nostalgique de l’homme de savoir d’où il vient et de celui de se situer par rapport à son univers. L’homme occupe alors une place au centre du processus architectural et des notions telles que l’esthétique, la fonction, le programme ou l’échelle sont soumises à une dimension anthropocentrique. Le statut de l’homme est devenu pour Eisenman incertain et fragmenté et de ce fait, le questionnement théologique sur l’origine ne correspond plus à notre époque et enferme la production architecturale dans des présupposés, tels que le centre, la hiérarchie, l’ordonnance, la fermeture ou la fonctionnalité, qui nivellent l’expression architecturale.
Par conséquent, la géométrie des polyèdres réguliers (platonicien) ne peut plus exprimer du fait de sa « pureté » intrinsèque ce statut complexe et fragmenté. Faire de l’architecture « moderne » aujourd’hui, pour Eisenman, n’a plus de sens. C’est de l’ordre du simulacre au sens de Baudrillard, « un signe commence à se reproduire ou à « simuler » une fois que la réalité qu’il représente est morte ». car le système de valeurs représenté n’a précisément plus de valeur.
« Les volumes platoniciens avec lesquels travaillait Le Corbusier ne sont plus adéquats pour rendre compte des phénomènes actuels. La symétrie n’est plus capable de dire ce que sont nos rapports à l’environnement, ce sont des choses du passé » écrit Eisenman.
Pour Peter Eisenman, l’architecture n’est donc plus réductible à un ordre issu de la rationalité des sciences ou issu de l’imitation de l’ordre de la nature.Fort de ces constatations, Eisenman va chercher à trouver au sein de la critique de la métaphysique, c' est-à -dire la pensée de la « déconstruction », de quoi reformuler un nouveau système architectural, aussi bien théorique que pratique.
La déconstruction affirme en effet l’existence d’un système général du sens hors des oppositions traditionnelles de la métaphysique et du langage institutionnalisé qui en découle. Le recours à la déconstruction est utilisé pour mettre en question la tradition, soit la façon dont la culture occidentale a hiérarchisé ses normes et ses valeurs en architecture et par l’architecture. Pour Eisenman, il faut remettre en cause les notions d’unité et d’origine afin d’affranchir l'architecture de la métaphysique traditionnelle, la « métaphysique de la présence, en terme derridien, pour mettre à bas l’idéal classique de l’œuvre architecturale « intemporelle, signifiante et vraie ».Cette « déconstruction » s'appellera « décomposition » chez Eisenman et prendra assez vite l'aspect d'une contestation des modes traditionnels de conception et de réception de l’œuvre architecturale. C'est probablement ce faisceau de contestations qui fait qu’il considère son architecture comme un acte politique.
Ce processus de décomposition entend déstabiliser trois relations. D’une part celle entre l’architecture et son système de représentations, ses signes. D'autre part celle entre l’objet architectural et le processus de conception, enfin la relation ultime entre l’architecture et l’homme. L’architecture doit s’afficher comme un processus autonome, où la forme est libre de toute contingence anthropologique et renvoie avant tout à elle même.
La déconstruction rejette aussi, en tant que préjugé logocentrique, la domination du concept signifié sur le signifiant « l’expression » et donc du sujet pensant sur l’objet. L’art, ou plutôt l’expression artistique, peut et doit se soustraire à l’ordre « métaphysique », et la beauté s’organiser, comme le dit si justement Derrida, du côté du « non savoir ».Voir aussi
- Déconstructivisme (architecture)
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