Edward carr

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Edward Hallett Carr

Edward Hallett Carr, à Londres le 28 juin 1892, mort le 5 novembre 1982, est un historien anglais, un journaliste et un théoricien des relations internationales. Il est surtout connu pour son histoire très controversée, mais admirée, de la révolution bolchévique.

Sommaire

Biographie

Edward Carr a été diplomate au Foreign Office (léquivalent du ministère des affaires étrangères en France) de 1916 à 1936. Cela lui a permis dassister à la Conférence de la paix à Versailles en 1919 en tant que membre de la délégation anglaise. De 1925 à 1929 il a exercé un poste de diplomate dans les pays baltes puis, en 1933, atteignait le poste de premier secrétaire du Diplomatic Service. Il devint ensuite professeur en relations internationales à Aberystwyth de 1936 à 1947, puis historien à l'université de Birmingham. Il a publié de nombreux articles et comptes rendus douvrages dans le Times Literary Supplement, en particulier sur lUnion soviétique[1].

La carrière dEdward Carr a beaucoup pâti du fait de son refus dadhérer, dans laprès-guerre, au consensus sur la guerre froide. Considéré comme pro-soviétique dans les cercles officiels, il na été élu en 1947 ni à la direction de la School of Slavonic and East European Studies de Londres ni à la chaire dhistoire russe de la faculté, alors que tout semblait lindiquer. A partir de cette date, il a eu beaucoup de peine à retrouver un poste permanent de professeur duniversité, ce qui lui a causé des problèmes financiers[2]. Cest G.H. Bolsover qui a été nommé à la place de directeur de la School of Slavonic and East European Studies au lieu de Carr : il était considéré comme un universitaire moins brillant mais « plus sûr »[3]. Zbigniew Brzezinski, conseiller politique au Département d'État américain de 1966 à 1968, puis assistant de la Maison blanche pour la sécurité nationale de 1977 à 1981, soucieux d’« endiguer » et de combattre linfluence que pouvait avoir lURSS en Occident, a déclaré que les universitaires « les plus dangereux » en Grande-Bretagne étaient Edward Carr, Isaac Deutscher et Rudolf Schlesinger[4].

Recherches

Il a publié une étude en 1939 qui est restée un classique dans létude des relations internationales de lentre-deux-guerres. Il était un des penseurs, avec Hans Morgenthau, Raymond Aron et Henry Kissinger, du courant du réalisme en relations internationales. Adversaire féroce de l'approche empiriste de l'histoire[5], il sest aussi beaucoup intéressé à lhistoire intellectuelle des dix-neuvième et vingtième siècles, ainsi quà lhistoire diplomatique et à la philosophie de lhistoire.

Edward Carr a enfin exercé un grand poids sur la soviétologie d'après-guerre. La majeure partie de sa carrière dhistorien a été consacrée aux quatorze volumes de son History of Soviet Russia, qui couvrent les douze premières années du régime soviétique et sur lesquels il a travaillé de 1944 à 1977. La fondation Rockefeller a accordé des financements à Edward Carr pour quil puisse travailler sur les archives de Trotsky à l'Université de Harvard. L'historien Isaac Deutscher a eu une influence considérable sur Carr durant la période celui-ci rédigeait les premiers volumes de son History of Soviet Russia[6].

Daprès Edward Carr, cétait à la fois la société et lÉtat soviétique qui avaient entraîné le phénomène du stalinisme. Il a accordé peu dimportance au rôle des individus dans lhistoire, estimant quils étaient avant tout le fruit de leur temps et du lieu dans lequel ils vivaient. En 1949, E. Carr apportait cette analyse iconoclaste, en précurseur des historiens dits « révisionnistes » : « Staline [...] ne pourrait pas avoir exécuté sa tâche colossale sil navait pas pu sappuyer sur un large soutien populaire »[7]. Dans son histoire de la révolution bolchévique, E. Carr se détachait dune histoire événementielle pour dresser le tableau de lordre politique, économique et social en émergence. Selon lui, le pouvoir bolchevique avait été confronté à dimportants obstacles dans sa marche vers le socialisme. Il avait été handicapé par labsence de traditions démocratiques, par un système industriel faiblement développé et par un environnement international hostile. La mise en place dun État fort et autoritaire pour faire face à larriération russe était donc la condition de la survie du régime soviétique.

Les interprétations historiques dEdward Carr ont été très controversées. Il existait dimportantes tensions et une hostilité réciproque entre Carr et dautres historiens comme Isaiah Berlin, Leonard Schapiro ou Robert Conquest, défenseurs de la tradition de pensée libérale. Les membres de ce courant de pensée ont stigmatisé les partis pris politiques d'Edward Carr, estimant par exemple que, dans les premiers volumes de son History of Soviet Russia, il adoptait systématiquement le point de vue de Lénine[8]. Daprès Robert Conquest, E. Carr se prononçait fortement en faveur de Staline dans sa présentation des principaux leaders soviétiques des années 1920. Il aurait exprimé une opinion très négative sur Boukharine, présenté, dans une phraséologie typiquement stalinienne, comme « objectivement contre-révolutionnaire »[9]. Il est néanmoins notable que même les plus grands détracteurs de Carr, comme le soviétologue américain Bertram Wolfe partisan de la théorie du totalitarisme, admiraient lampleur et la qualité de ses recherches[10].

Pour sa part, Rudolf Schlesinger félicitait Carr pour sa présentation des luttes politiques après la mort de Lénine car son travail dépassait la querelle entre Trotsky et Staline, à propos de laquelle lhistoriographie occidentale avait lhabitude de se déchirer[11].

Notes

  1. Ferdinand Mount (éd.), Communism. A TLS Companion, University of Chicago Press, 1992, 321 p.
  2. Robert William Davies, « Edward Hallett Carr, 1892-1982 », Proceedings of the British Academy, vol. 69, 1983, p. 491.
  3. Jonathan Haslam, The Vices of Integrity : E.H. Carr, 1892-1982, Londres, Verso, 1999, p. 133.
  4. J. Haslam, The Vices of Integrity, op. cit., p. 223.
  5. Voir Qu'est-ce que l'histoire ?.
  6. Cest ce que révèle la correspondance entretenue par les deux historiens. Voir Anthony dAgostino, « Stalin Old and New », The Russian Review, vol. 54, n° 3, juillet 1995, p. 447.
  7. E.H. Carr, « Stalin Victorious », The Times Literary Supplement, 10 juin 1949.
  8. Bertram Wolfe, « Professor Carrs "Wave of the Future". Western Academics and Soviet Realities », Commentary, vol. XIX, n° 3, mars 1955, p. 288.
  9. Robert Conquest, « Agit-Prof », New Republic, 1er novembre 1999, vol. 221, n° 18, p. 32-38.
  10. B. Wolfe, « Professor Carrs "Wave of the Future"... », art. cit., p. 290.
  11. Rudolf Schlesinger, « The Turning Point », Soviet Studies, vol. XI, n° 4, avril 1960, p. 393.

Bibliographie

  • (en)Dostoevsky (1821-1881: A New Biography, New York, Houghton Mifflin, 1931.
  • (en)The Romantic Exiles : A Nineteenth Century Portrait Gallery, Londres, Victor Gollancz, 1933.
  • (en)Karl Marx : A Study in Fanaticism, Londres, Dent, 1934.
  • (en)Michael Bakunin, Londres, Macmillan, 1937.
  • (en)The Twenty Year's Crisis, 1919-1939 : An Introduction to the Study of International Relations, Londres, 1981 (1re éd: 1939).
  • (en)Conditions of Peace, Londres, Macmillan, 1942.
  • (en)Nationalism and After, Londres, Macmillan, 1945.
  • La Révolution bolchevique, 1917-1923, 3 volumes, Paris, Minuit, 1969-1974 (édition originale : The Bolshevik Revolution, 1917-1923, Londres, 1950-1953).
  • (en)A History of soviet Russia : The Interregnum, 1923-1924, Londres, 1954 ; Socialism in One Country, 1924-1926, 4 vols, Londres, 1958-1964 ; (avec Robert William Davies) Foundations of a Planned Economy, 1926-1929, 6 vols, Londres, 1969-1978.
  • (en)The New Society, Londres, Macmillan, 1951.
  • Qu'est-ce que l'histoire ?, Paris, La Découverte, 1988 (1re éd: 1961).
  • (en)Studies in Revolution, Grosset & Dunlap, 1964.
  • (en)1917 : Before and After, Londres, Macmillan, 1969, 178 p.
  • (en)The Russian Revolution from Lenin to Stalin (1917-1929), Londres, Macmillan, 1979.
  • (en)From Napoleon to Stalin and Other Essays, New York, St. Martin's Press, 1980.
  • (en)The Twilight of the Comintern, 1930-1935, Londres, Macmillan, 1982.

Ouvrages sur Edward Carr

  • (en)Walter Laqueur, The Fate of the Revolution. Interpretations of Soviet History, Londres, Weidenfeld and Nicolson, 1967, 216 p.
  • (en)Chimen Abramsky et Beryl J. Williams (éd.), Essays in Honour of E.H. Carr, Londres, Macmillan Press, 1974, 387 p.
  • (en)Jonathan Haslam, The Vices of Integrity : E.H. Carr, 1892-1982, Londres, Verso, 1999, 306 p.
  • (en)Michael Cox (éd.), E.H. Carr : A Critical Appraisal, Londres, Palgrave, 2000, 352 p.
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