Déni de justice

Déni de justice

Le déni de justice, également appelé déni de droit, est le refus par une juridiction de juger. Le déni de justice est une atteinte à un droit fondamental.

Sommaire

Définitions

Il existe deux sortes de déni de justice:

  • le refus par une juridiction de juger une affaire, alors qu'elle est habilitée à le faire.
    • À ce type de refus est assimilé le retard excessif mis par des juges à statuer.
  • l'interférence autoritaire du pouvoir exécutif pour annuler ou modifier des décisions de justice.

L'exemple le plus connu est celui de la condamnation de Nicolas Fouquet où le chef de l'État, Louis XIV, décide unilatéralement d'augmenter la condamnation à l'exil en condamnation à la prison à vie. Ce type de déni de justice ne peut exister dans un État où la tyrannie est contrebalancée par un pouvoir judiciaire assez fort pour la braver car il est composé de juges propriétaires de leur charge.

En Europe, le déni de justice relève de l'article 6§1 de la Convention européenne des droits de l'homme, quelques fois couplé à l'article 13 (droit effectif).

Généralités

Le déni de justice consiste dans le refus d'un tribunal de trancher un litige. Le déni doit exister. Ainsi, la seule intention d'un déni de justice n'est pas concevable.

Le déni de justice peut également résulter, dans les pays disposant de deux ordres de juridiction, de la double déclaration d'incompétence des tribunaux judiciaires et administratifs saisis du même litige. Toutefois, cette situation dite de « conflit d'attribution négatif », peut être résolue par le tribunal des conflits (cas de la France). Saisi par les parties, ou par une juridiction à titre préventif, le Tribunal des conflits désignera laquelle des deux juridictions est compétente, et renverra l'affaire devant elle. Le Tribunal des conflits peut également résoudre le déni de justice constitué par deux décisions contradictoires rendues, l'une par la juridiction judiciaire, et l'autre par la juridiction administrative. On parle alors de conflit de décision.

Sanctions pénales

Pour que des sanctions pénales puissent être appliquées, l'intention fautive doit être démontrée.

Ainsi, le magistrat doit être expressément informé de la faute, et mis en demeure de la corriger. Il n'existe pas de formalité à respecter, puisque le but recherché est l'information du magistrat. Ainsi, une mise en demeure signifiée par huissier est tout aussi valable qu'une mise en demeure adressée par simple lettre recommandée avec accusé de réception.

La faute consiste en la persévérence à refuser de dire le droit. Ainsi, cette persévérence peut être démontrée après l'envoi et de la réception d'une seconde mise en demeure.

Applications

En France

L'article 4 du Code civil[1] pose :

« Le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de l'obscurité ou de l'insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice. »

Le sens premier du déni de justice est notamment le cas où le juge d'instruction refuse de répondre aux requêtes ou ne procède à aucune diligence pour instruire ou faire juger les affaires en temps utile. La responsabilité de l'État est engagée pour faute lourde.

L'article 434-7-1[2] du Code pénal (ancien article 185) dispose que:

« Le fait par un magistrat, ou toute autre personne siégeant dans une formation juridictionnelle ou toute autorité administrative, de dénier de rendre la justice après en avoir été requis, et de persévérer dans son déni après avertissement ou injonction de ses supérieurs est puni de 7 500 € d'amende et de l'interdiction de l'exercice des fonctions publiques pour une durée de cinq à vingt ans. »

Un tel déni constitue, en effet, au sens de la loi une entrave à l'exercice même de la justice, par l'une des personnes chargée de la représenter et de la rendre.

Le déni de justice est aussi réprimé par l'article 434-44 du Code pénal[3].

Second sens du déni de justice : le manquement de l'état à son devoir de protection juridictionnelle - application au non-respect d'un délai raisonnable pour arriver à un jugement[4].

Cas particuliers et exceptions

  • Une décision de « classement sans suite » d'une affaire, prise en application des textes du code de procédure pénale, tel l'article 40, ne saurait constituer le délit prévu par l'article 434-7-1 susvisé[5] ;
  • La partie civile à un procès ne peut enjoindre à un juge d'instruction de prononcer une inculpation, lorsque celui-ci, en son âme et conscience, s'est prononcé en sens contraire : le refus opposé par ce magistrat ne peut, en effet, en aucun cas, être un déni de justice.

La prise à partie

La « prise à partie » est l'action qui peut être menée par un justiciable contre un magistrat qui aurait refusé de rendre justice ou dire le droit.

Le corps judiciaire devant être protégé, c'est par l'intermédiaire de l'État que les magistrats qui en sont membres doivent être attaqués. Celui-ci bénéficie cependant d'une action récursoire contre les juges.

En Belgique

Le prise à partie est encadrée par les dispositions des articles 1140 et suivants du Code civil[6].

En France

Depuis 1979 la responsabilité des magistrats de l'ordre judiciaire à l'occasion de leurs fautes personnelles se rattachant au service public de la justice ne peut être engagée que sur l'action récursoire de l'État[7].

Cette jurisprudence a été confirmée par la loi n°2007-1787 du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit[8], ainsi que par les ajouts des articles 366-1 à 366-9 du code de procédure civile depuis 2007.

En revanche, la responsabilité de magistrats consulaires, ne dépendant pas de l'ordre judiciaire, semble toujours être mise en action par la procédure de la prise à partie.

Dans l'hypothèse où le justiciable entend entamer une procédure de « prise à partie » du juge[9] ou de demander des dommages et intérêts de la part de l'État[10], alors le justiciable doit assigner par deux fois le magistrat[11], à huit jours d'intervalle pour les magistrats de l'ordre judiciaire.

Dans l'ancien code de procédure civile, ce délai était toujours de huit jours, sauf pour les magistrats des tribunaux de commerce qui ne disposaient que de trois jours.

Au Luxembourg

La cour de cassation du Grand Duché est seule compétente pour juger des prises à parties[12].

Notes et références

  1. Voir l'article 4 du code civil sur Légifrance
  2. Voir l'article 434-7-1 du code pénal sur Légifrance
  3. Voir l'article 434-44 du code pénal sur Légifrance
  4. Dalloz
  5. Par exemple Cass. crim. 82-92446 du 6 juillet 1982
  6. « Fiche pratique sur la responsabilité de l'État dans l'exercice de sa fonction juridictionnelle » sur DroitBelge.net, par Jean-Luc Fagnart
  7. « Les dispositions des articles 505 et suivants du Code de procédure civile, relatives à la prise à partie, ont cessé de recevoir application, en ce qui concerne les magistrats du corps judiciaire, depuis l'entrée en vigueur de l'article 11-1 ajouté à l'ordonnance du 22 décembre 1958 par la loi organique du 18 janvier 1979, texte d'où il résulte que désormais la responsabilité de ces magistrats, à l'occasion de leurs fautes personnelles se rattachant au service public de la justice, ne peut être engagée que sur l'action récursoire de l'Etat. » Cour de cassation, chambre civile, 16 mai 2000, n°98-02.003, publié au bulletin.
  8. Loi n°2007-1787 du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit sur Légifrance
  9. selon les articles 366-1 et suivants du code de procédure civile
  10. Selon les articles L141-1 à L141-3 du code de l'organisation judiciaire.
  11. Voir l'article 366-9 du code de procédure civile
  12. Compétences de la cour de cassation, sur le site justice.public.lu

Voir aussi

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