Démocratie semi-directe

Démocratie semi-directe

Démocratie participative

La démocratie participative est une forme de partage et d'exercice du pouvoir, fondée sur le renforcement de la participation des citoyens à la prise de décision politique.

Sommaire

Fondements

L'impératif participatif : « démocratiser la démocratie »

Apparu dans les années 1960, le concept politique de démocratie participative s'est développé dans le contexte d'une interrogation croissante sur les limites de la démocratie représentative, du fait majoritaire, de la professionnalisation du politique et de l'omniscience des experts. Ainsi s'est affirmé l'impératif de mettre à la disposition des citoyens les moyens de débattre, d'exprimer leur avis et de peser dans les décisions qui les concernent. « Quand, au sommet de l'État, on joue du violon, comment ne pas s'attendre que ceux qui sont en bas se mettent à danser ? » écrivait Karl Marx[1].

Les citoyens, en s'associant à l'élaboration des décisions politiques, favorisent la transparence de l'action publique, améliorent la qualité des débats politiques et évaluent, sans complaisance, la qualité des services publics : ils sont légitimes à participer plus directement à la construction de l'intérêt général.

Cette nouvelle façon d'appréhender la décision politique répond également au besoin éthique de statuer sur les controverses socio-techniques issues notamment des nouvelles découvertes technologiques et scientifiques. L'ouvrage de Michel Callon, Pierre Lascoumes et Yannick Barthe, Agir dans un monde incertain[2], résume synthétiquement ce problème et les moyens de le dépasser : « Les avancées des sciences et techniques ne sont plus contrôlables par les institutions politiques dont nous disposons.» Les décideurs doivent avoir, en cas d'erreur, la possibilité de corriger les décisions publiques et d'appréhender à nouveau des options qu'ils avaient abandonnées. Pour éviter l'irrévocable, il faut quitter le cadre des décisions traditionnelles et accepter de prendre, plutôt qu'un seul acte tranché, une série d'actes mesurés, enrichis par les apports des profanes.

Cette nécessité de revitaliser la démocratie, cet « impératif participatif », s'appuie donc sur un rôle et un pouvoir nouveaux dévolus aux citoyens. Elle s'appuie, comme l'exprimait le philosophe pragmatiste John Dewey, sur une « citoyenneté active et informée » et sur la « formation d'un public actif, capable de déployer une capacité d'enquête et de rechercher lui-même une solution adaptée à ses problèmes »[3]. Pour décrire ce mouvement d'appropriation du pouvoir et la posture active qu'il confère, la langue anglaise parle d'"empowerment", que l'on traduit parfois par « empouvoirisation », voire « capacitation ». Comme il participe à la réalisation de l'idéal démocratique du « pouvoir du peuple », peut-être devrait-on l'appeler simplement « démocratisation ».


L'impératif délibératif : de meilleurs débats pour de meilleures décisions

La démocratie participative n'est nullement réductible à la « démocratie d'opinion » en cela qu'elle crée les conditions nécessaires au déroulement d'un débat public ouvert et démocratique. Inspiré par des penseurs de la délibération collective tels que Jürgen Habermas et James S. Fishkin, l'impératif délibératif se fonde sur une logique simple : meilleure est la qualité du débat, plus légitimes et efficaces sont les décisions qui en découlent.


Toute la question porte alors sur les conditions d'un bon débat et notamment la qualité de la procédure délibérative pour arriver à ce qu' Habermas appelle « une entente rationnellement motivée »[4], notamment la liberté des participants au débat (ils doivent être « actifs et ouverts », « exempts de toute forme de contrainte ») et du débat lui-même (il doit être public et potentiellement ouvert à tous). Ceci, bien sûr, sans aboutir à une définition excessivement normative du "citoyen idéal" dont l'effet pervers peut-être la disqualification du "citoyen réel".

Analyse de la démocratie participative en fonctionnement

Le livre de Michel Koebel donne un bon rapport de la démocratie participative, le concept de démocratie participative ne donnerait pas plus de pouvoir au citoyen, les citoyens sont consultés, c'est l'élue qui garde le pouvoir[5][6]. Ce n'est donc pas de la démocratie directe, ou une véritable démocratie au sens étymologique et politique - si le citoyen/individu n'a pas le pouvoir sans subterfuge.

La démocratie participative est une formule convoitée, un label de communication, qui vendra encore une fois une fausse démocratie[7], ce qui permettra -si vous regardez l'histoire - de remettre en place la classe supérieur, et de continuer dans le système qui est tout sauf une démocratie.

A partir d’analyses portant sur les instruments spécifiques de participation, Marion Paoletti[8] et Sandrine Rui[9] avaient montré la façon dont les élus locaux pilotaient soigneusement les dispositifs nouveaux de participation. Le référendum local n’était pas conçu comme un dispositif de démocratie directe, mais bien plutôt comme une consultation préalable orchestrée soigneusement par les maires, soucieux de tester les résistances à tel ou tel projet municipal[10]. En d’autres termes, la démocratie locale se vit comme l’affirmation d’un pouvoir mayoral verrouillé qui prend l’allure d’un « présidentialisme municipal »[11]. Le diagnostic de Michel Koebel n’est donc pas nouveau, mais le fait d’avoir proposé une synthèse complète des ressources de ce pouvoir est très utile dans le développement des études politiques locales. Au-delà de l’analyse de la rhétorique de proximité, faisant du local un échelon approprié pour lutter contre le désintérêt de la politique, Michel Koebel propose une série de données intéressantes sur la clôture sociologique du système politique local. On savait depuis les travaux d’Albert Mabileau[12] que l’enracinement local était une condition sine qua non pour une carrière longue en politique ; on constate avec stupéfaction que la reproduction sociale du système politique évolue dans le sens d’un rétrécissement de l’accès à la politique locale.

Autre registre analysé par Michel Koebel, celui de la délibération et de la participation locales. Le diagnostic est saillant lorsque sont évoqués tous les instruments consultatifs forgés ces dernières années, la commission extra-municipale au conseil de quartier, les conseils d’enfants, de jeunes et d’anciens. Selon Michel Koebel, « en 2004, l’Association nationale des conseils d’enfants et de jeunes (ANACEJ) » dénombrait environ 1200 structures de ce type dans diverses collectivités »[13]. La multiplication de ces instruments traduit la mise en scène du bon vouloir de l’élu local toujours accessible, disponible et à l’écoute des intérêts de ses administrés. En l’occurrence, ces mécanismes excluent de manière redoutable tout partage de la décision sur des sujets sensibles. La démocratie participative est une formule convoitée, un label de communication qui révèle une réalité plus complexe : la démocratie locale est le miroir d’un pouvoir mayoral de plus en plus fort. Le référendum local, unique procédure qui aurait pu quelque peu inquiéter ce pouvoir mayoral, a été détourné de toute vertu décisionnelle. Si le référendum local a gagné ses lettres de noblesse grâce à la révision de la Constitution en mars 2003 et à la loi organique du 1er août 2003, le décret d’application ne date que de mai 2005. Fin 2005, aucun référendum décisionnel n’avait été organisé[14]. Au-delà de la faiblesse structurelle de ces instruments de participation, Michel Koebel attire notre attention sur la difficile prise en compte de l’opposition municipale ainsi que sur le processus de quasi non délibération des Conseils. Plus de 34 ans après Le Consensus ambigu[15] de Marc Kesselman, le livre noir de la démocratie locale de Michel Koebel nous montre à quel degré les deux actes de décentralisation ont accru le pouvoir des élus locaux et leur mainmise sur l’espace public local. Il n’y a pas une quelconque mention du contexte européen de la démocratie locale, dans la mesure où une perspective comparative aurait eu le mérite de nuancer voire de confirmer l’affirmation de ce pouvoir mayoral. In fine, les systèmes politiques locaux ont tendance à évoluer vers une forme de « bonapartisme-soft »[16] où les élus locaux développent une vision plébiscitaire de la démocratie. La participation locale sert alors de prétexte au renforcement de l’exécutif local : plus on crée des structures de participation, plus on monopolise l’espace public local et moins on délibère.

Enjeux

Dépasser les paradoxes du gouvernement représentatif

Bernard Manin, dans son ouvrage Principes du gouvernement représentatif [17], met en lumière l'actuel paradoxe du gouvernement représentatif : « le rapport entre les représentants et les représentés est maintenant perçu comme démocratique, alors qu'il fut conçu en opposition avec la démocratie ». Athènes, Florence, Venise, Nouvelle Angleterre...l'Histoire est jalonnée d'expériences participatives qui n'ont eu que très peu d'échos dans la pensée politique moderne. B. Manin explique en effet qu'en mettant à bas la domination anglaise (pendant la Révolution Américaine) ou l'Ancien Régime (pendant la Révolution Française), les révolutionnaires n'avaient pas comme idéal l'auto-gouvernement du peuple mais l'aristocratie élective. Au nom du gouvernement des élites, les démarches politiques participatives (telles que le tirage au sort) vont être écartées au profit d'une démocratie représentative dont l'horizon s'est progressivement élargi au suffrage universel.

La dualité de la démocratie représentative s'explique donc par son histoire : démocratique en ce que chaque citoyen peut faire valoir sa voix ; aristocratique en ce que «  l'élection sélectionne nécessairement les élites » [18].

De nos jours, la démocratie participative, loin de s'opposer aux fondements de la représentation, se présente comme forme complémentaire de partage des décisions, conservant l'importance de l'élu mais associant plus largement et plus directement les citoyens à l'élaboration de l'intérêt général.


Reconnaître le pouvoir des « n'importe qui »

La démocratie participative redonne au citoyen, à n'importe quel citoyen, une place centrale dans le processus démocratique. Sans remettre en cause le savoir politique des élus ni les connaissances des experts, cette nouvelle forme de partage du pouvoir nécessite en amont de sa réalisation la reconnaissance d'une expertise citoyenne légitime. C'est là, pour Jacques Rancière, « la puissance subversive toujours neuve et toujours menacée de l’idée démocratique » [19] : l'établissement d'un pouvoir fondé ni sur la naissance, ni sur l'argent, ni sur le savoir. La reconnaissance du « pouvoir des n'importe qui », “pouvoir de ceux qui n'ont pas plus de titre à gouverner qu'à être gouvernés”. Le scandale démocratique c'est le scandale de la politique même, de l'égalité des hommes. Car il existe, au sein des démocraties, une peur latente de « l'individu démocratique », jugé tantôt irrationnel, tantôt calculateur et égoïste. Peur qui préfigure la prééminence de la légitimité des sachants, gouvernants ou experts, ainsi que la contestation de la légitimité populaire, stigmatisée comme « populiste » lorsqu'elle s'oppose à la logique élitiste dominante. Une vision sceptique du « savoir citoyen » prévaut encore aujourd'hui, dans des termes souvent voisins de ceux utilisés par Joseph Schumpeter en 1940 :

« Le citoyen typique tombe à un niveau inférieur de performance mentale dès qu'il entre dans le champ politique. Il argumente et analyse d'une façon qu'il reconnaîtrait immédiatement comme infantile dans la sphère de ses intérêts réels. Il redevient primitif. Sa pensée devient associative et affective » [20]

A l'opposé de cette vision archaïque, Yves Sintomer [21] constate l'existence de plusieurs « savoirs » mobilisables par le citoyen. Le « savoir d'usage », par exemple, qui enrichit le savoir technique des experts comme l'écrivait John Dewey en 1927 [22] : « C'est la personne qui porte la chaussure qui sait le mieux si elle fait mal et où elle fait mal, même si le cordonnier est l'expert qui est le meilleur juge pour savoir comment y remédier. [...] Une classe d'experts est inévitablement si éloignée de l'intérêt commun qu'elle devient nécessairement une classe avec des intérêts particuliers et un savoir privé – ce qui, sur des matières qui concernent la société, revient à un non-savoir. »

Lors des jurys d'assises, c'est une autre forme de savoir qui est reconnue au citoyen : le « bon sens », la capacité de bien juger, sans passion, en présence de problèmes qui ne peuvent être résolus par un raisonnement scientifique. C'est ce « bon sens », qui doit être rigoureusement distingué du "sens commun", correspond à la formation d'une opinion éclairée, sur la base d'une information suffisante, lors d'une délibération de qualité, qui fonde en politique la notion même de démocratie : la reconnaissance pour tous les citoyens d'une égale dignité de principe.

Outils de la participation

Depuis les années 1970, les démarches participatives s'appuient, à travers le monde, sur des procédures novatrices ayant un impact concret sur l'action publique. En 1971, le tirage au sort est réintroduit en politique simultanément en Allemagne et aux États-Unis avec l'organisation de jurys citoyens. En 1989, la ville de Porto Alegre (Brésil) élabore une expérience exemplaire de budget participatif. À la fin des années 1980, les pays scandinaves mettent au point les premières conférences de consensus... Autant d'expériences encore largement méconnues en France.

Jurys Citoyens

Le 22 octobre 2006, Ségolène Royal déclare, lors d'une intervention à la Sorbonne « qu'il faudra clarifier la façon dont les élus pourront rendre compte, à intervalles réguliers, à des Jurys Citoyens tirés au sort». En novembre 2002, à l'Assemblée Nationale, et en 2004, pour son projet régional, elle en avait déjà prôné la création de Jurys Citoyens. Méconnaissant les expériences déjà menées à l'étranger, les médias et responsables politiques français dénoncent une nouvelle forme de "populisme" et un assassinat de la démocratie représentative (voir le florilège des réactions dans l'ouvrage d'Yves Sintomer, Le Pouvoir au peuple[23]).

De nombreux Jurys Citoyens s'étaient pourtant déjà déroulés depuis les années 1970 dans différents pays du monde. A Wuppertal (Allemagne), où le professeur Peter Dienel avait créé, dès le milieu des années 1970, les premières "Planungszelle" (cellules de planification). En Espagne, dès 1992 à Idiazabal, Pays basque (voir les travaux de Joan Fonte "Citizen juries and political parties: the Spanish experience" et d'Ismael Blanco "Les jurys citoyens en Espagne : vers un nouveau modèle de démocratie ». A Berlin où, depuis 2001, des Bürgerforum avaient été organisés dans 17 quartiers de Berlin pour attribuer à des projets locaux une enveloppe de 500 000 euros par quartier. Ils étaient constitués pour majorité d'habitants tirés au sort (quelle que soit leur nationalité) auxquels se joignent des représentants d'associations locales. Le nombre de jurés y était fixé à un pour mille habitants. Et, plus, récemment, en Grande-Bretagne.


Loin des « tribunaux populaires » fantasmés en 2006, les Jury Citoyens sont plus généralement organisés en l'amont des décisions (préconisations), selon le modèle des "Planungszelle", où en aval de celles-ci (évaluation). Un Jury Citoyen est un groupe de vingt-cinq personnes tirées au sort sur les listes électorales et mobilisées pendant plusieurs jour pour formuler -à l'aide d'un apport de formation et d'informations de la part d'experts- une série de recommandations concernant un problème de politique publique.

Ainsi, les 25-26 avril et 16-17 mai 2008 s'est réuni à la Maison de la Région Poitou-Charentes un premier Jury Citoyen composé d'habitants tirés au sort et chargé d'évaluer les actions initiées par la Région depuis 2004 pour lutter contre le changement climatique et les émissions de gaz à effet de serre. Il a rassemblé 26 personnes représentatives de la diversité territoriale, générationnelle, professionnelle et sociale de la population picto-charentaise, de parcours et de points de vue variés. Le 23 juin 2008, ce Jury a remis au Conseil Régional réuni en séance plénière l'Avis qu'il a élaboré au cours de ces 4 journées d'auditions et de délibération. Le 23 juin 2009, comme elle s'y était engagée, la Région Poitou-Charentes a indiqué, point par point et publiquement, les suites données aux propositions du Jury Citoyen.



Budgets Participatifs

En 1988, le PT (Parti des Travailleurs) gagne les élections municipales de Porto Alegre, ville brésilienne d'un million et demi d'habitants. Dans un contexte financier et politique difficile, la nouvelle municipalité va alors inventer, à partir de 1989, une nouvelle façon de déterminer les priorités budgétaires en associant les citoyens à leur définition : c'est le budget participatif. Les habitants sont invités à se réunir par quartier pour définir ce qu'ils considèrent comme les projets prioritaires à financer puis élisent des délégués qui siègent au Conseil du Budget Participatif (réunit une fois par mois) pour finaliser la synthèse des propositions et négocier avec l'administration municipale. L'expérience est un succès et les classes populaires se mobilisent pour faire valoir leurs voix. La participation s'accroît d'année en année et de nombreuses municipalités brésiliennes puis latino-américaines s'en inspirent. Le Budget Participatif modèle "Porto Alegre" est un instrument de redistribution ainsi que, dans le contexte lation-américain, de lutte contre le clientélisme et la corruption.


A partir des années 2000, on assiste à ce qu'Yves Sintomer appelle « le retour des caravelles »[24] : l'Europe s'inspire elle aussi de ce nouvel outil de participation venu d'outre-Atlantique. Portugal, Pays-Bas, Espagne, Italie, Allemagne, Finlande, Grande-Bretagne, Pologne, France...des collectivités de toute l'Europe adaptent la méthode à leur contexte institutionnel afin d'assurer une meilleur dépense des recettes fiscales et d'accompagner la modernisation des services publics.

En janvier 2005, la Région Poitou-Charentes crée le Budget Participatif des Lycées dans un domaine qui constitue le "coeur de métier" historique des collectivités régionales. Une première en France. Il concerne la totalité des 93 établissements publics du Poitou-Charentes et, depuis 2008, a été étendu, à leur demande et sous une forme adaptée, aux établissements privés sous contrat et aux maisons familiales et rurales. Tous les lycéens, les personnels (enseignants et non enseignants) et les parents d'élèves sont conviés dans chaque établissement à débattre des projets qu'ils jugent prioritaires pour "mieux vivre et travailler au lycée". Au terme d'un processus de délibération, les participants votent et définissent quels sont les projets prioritaires pour leur établissement. L'enveloppe globale affectée chaque année est de 10 millions d'euros.

Sondages délibératifs

Le sondage délibératif est l'adaptation du modèle démocratique des Town Meetings de la Nouvelle-Angleterre (où le peuple s'assemblait en un même lieu pour discuter et décider sur des questions relatives à la communautée) à l'échelle de l'État-Nation. Dans la mesure où la qualité de la délibération diminue avec le nombre de participants, cette méthode élaborée et déposée par les professeurs américains James S. Fishkin et Bob Luskin consiste à concilier la technique des sondages avec la délibération.

"Il s'agit de constituer aléatoirement un échantillon national représentatif de l'électorat, puis de le réunir en un seul et même lieu. Les individus composant cet échantillon sont ensuite abondamment informés sur le problème en débat. Il est important que cette information soit objective et équilibrée, de même qu'elle doit comprendre des phases intensives de discussion en face à face, par petits groupes, lesquels fourniront les questions soumises au débat contradictoire d'experts et de politiques. Finalement, une telle enquête prend la forme d'une consultation publique qui satisfait deux valeurs démocratiques fondamentales, la représentativité et la délibération des assemblées."James S. Fishkin, ' Vers une démocratie délibérative : l'expériementation d'un idéal '

La participation des médias et surtout de la télévision à la couverture de l’événement apportent par ailleurs une dimension particulière au sondage délibératif : le public et les décideurs sont engagés dans un processus qui offre transparence et visibilité, sa portée est accrue à l’égard du grand public, et les participants se voient responsabilisés et impliqués.

La méthode du sondage délibératif a été utilisée à de nombreuses reprises dans différents pays.

  • Au Danemark, un sondage délibératif a eu lieu en 2000 avant le référendum national sur l’adoption de l’euro, les événements étant retransmis par la télévision nationale.
  • En Australie, le gouvernement y a eu recours pour éclairer les débats préalables au référendum sur la réconciliation avec les Aborigènes (2001). Les événements ont été diffusés par la télévision publique.
  • Aux États-Unis, la méthode sert à éclairer des débats locaux et nationaux. Des collectivités locales et des entreprises de service public l’utilisent pour l’amélioration des politiques publiques.
  • En Grande-Bretagne, 5 sondages délibératifs ont été menés, sous l’égide de la chaîne de télévision Channel 4.

Démocratie participative et Internet

Le développement de l'Internet offre une opportunité de développement pour les outils de la participation : budgets participatifs en ligne (comme dans la ville Belo Horizonte, Brésil), assemblées participatives électroniques (telles que le projet Ideal-EU, première assemblée participative électronique européenne, réalisé entre les Régions Poitou-Charentes, Catalogne et Toscane) et l'e-participation législative (comme en Estonie). Toutefois, ces nouvelles technologies ne sont que des outils, qu'il ne s'agit pas de fétichiser : elles sont propices à la constitution de communautés élargies puisque détéritorialiseés, mais ne remplacent en rien la qualité d'une délibération en face à face. La "démocratie électronique" ne doit pas pencher du côté de la privatisation généralisée ou du rétrécissement de la sphère politique.

Barack Obama, président des États-Unis depuis 2008, a saisi cette opportunité en créant les conditions, durant sa campagne, d'une e-mobilisation puis, une fois élu, d'un e-gouvernement participatif. Durant la campagne présidentielle américaine, son équipe a mené à une échelle inédite l'utilisation des technologies de l'information et de la communication pour optimiser la complémentarité des mobilisations on-line et off-line. Internet (avec notamment my.barackobama.com) a été un outil efficace d'information en temps réel, de contact entre les militants et leur candidat mais aussi des militants entre eux et de quadrillage dynamique du terrain. Une performance organisationnelle qui s'inscrit également dans une culture plus participative. Par la suite, la Maison Blanche a fait du web un vecteur de transparence de l'action publique : sur recovery.gov, les contribuables américains peuvent désormais suivre l'affectation des dépenses publiques fédérales (« your money at work »). De change.gov (durant la période de transition avant l'investiture) à healthreform.gov, l'objectif est de donner aux citoyens le pouvoir de diagnostiquer, de proposer, de peser dans les décisions qui les concernent et d'en suivre l'application. C'est aussi, en particulier dans le domaine de la santé, un instrument de rapport de force citoyen contre les lobbies.

Conseils d'enfants et de jeunes

Alliant éducation à la citoyenneté et possibilité pour des habitants, souvent mineurs, de donner leur avis sur la décision publique, il existe sous la forme actuelle depuis 1979 des conseils d'enfants et ou de jeunes mis en place par des collectivités territoriales. Dans les faits, ils ont des noms extrêmement variés : Conseils Municipaux d'Enfants (CME) ou de Jeunes (CMJ), Conseils Locaux de Jeunes (CLJ), Conseils Communaux d'Enfants (CCE), ou de jeunes(CCJ) mais aussi Forum des Jeunes etc. Tous ces conseils ont néanmoins des formes différentes car, sans obligation, ils restent du ressort de la volonté politique des élus et d'une construction adaptée au territoire. Ce sont souvent des assemblées d'enfants ou de jeunes élus par leurs pairs dans le cadre scolaire qui travaillent ensuite dans un cadre communal. Depuis le milieu des années 1990 apparaissent à leurs côtés, souvent pour des jeunes plus âgés, des conseils basés sur le volontariat des jeunes. Au départ lancé dans les communes, ces conseils se sont développés dans les Conseils Généraux (CGJ), les Conseils Régionaux (CRJ) et les Intercommunalités. On en trouve sur l'ensemble du territoire national en milieu urbain, rural ainsi qu'outremer et dans des collectivités de toutes les couleurs politiques D'après l'Anacej (Association nationale des conseils d'enfants et de jeunes) qui les fédère, il en existerait autour de 1800 sur le territoire français en 2009.

Origines des conseils de jeunes

Les premières formes de conseils de jeunes datent des années 1960. Pendant la période allant de 1963 à 1967, des dizaines d'expériences se mettent en place en France, le plus souvent à l'initiative de jeunes lycéens ou étudiants, mais en collaboration ou pas avec les municipalités correspondantes. Ces expériences ont été relatées à l'époque dans la presse et à la télévision. Un premier "congrès national des conseils de jeunes" s’est déroulé à Paris le 8 janvier 1967 en présence de dix délégations de conseils de jeunes de France et de plusieurs bureaux provisoires. Une association nationale (le "conseil national de la jeunesse") se serait constituée en décembre 1965 à Sedan, qui a produit un journal (France-Jeunes) en avril 1966. Par ailleurs, l'idée des conseils municipaux de jeunes date de 1944 où André Basdevant, dans un rapport pour le gouvernement provisoire d'Alger, préconisait la généralisation de telles structures communales dans toute la France. Sans suite. Ces éléments peuvent être retrouvés de manière plus complète dans la thèse de doctorat de Michel Koebel[25].

Rapports entre conseils de jeunes et démocratie participative

Une partie importante des conseils d'enfants et de jeunes en France fonctionnent sur le principe de la représentation par l'élection. Ils sont de ce fait une forme particulière de démocratie participative qui empreinte des éléments de la démocratie représentative.

Sources

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Bernard Manin, Principes du gouvernement représentatif, Flammarion, Paris, 1996.
  • Tarso Genro & Ubiratan De Suza, Quand les habitants gèrent vraiment leur ville. Le Budget Participatif : l'expérience de Porto Alegre au Brésil, éd. Charles Léopold Mayer, 1998
  • Marion Gret et Yves Sintomer, Porto Alegre : l'espoir d'une autre démocratie, La Découverte, 2002
  • Yves Sintomer, Le pouvoir au peuple. Jurys citoyens, tirage au sort et démocratie participative, La Découverte, Paris, 2007
  • Yves Sintomer, Les Budgets participatifs en Europe. Des services publics au service du public (en coll. avec C. Herzberg et A. Röcke), La Découverte, Paris, 2008
  • Yves Sintomer, Gestion de proximité et démocratie participative : les nouveaux paradigmes de l’action publique ? (en coll. avec M.H. Bacqué et H. Rey), La Découverte, coll. Recherches, Paris, 2005
  • Jean Pierre Gaudin, "La démocratie participative", Armand Colin, Paris, 2007
  • Loïc Blondiaux, Le Nouvel esprit de la démocratie. Actualité de la démocratie participative, La République des idées, Seuil, 2008.
  • Loïc Blondiaux, Le débat public : une expérience française de démocratie participative(en collaboration), Paris, La Découverte, 2007.
  • Loïc Blondiaux, « Le profane comme concept et comme fiction politique » in T. Fromentin et S. Wojcik (dirs.), Le profane en politique. Compétences et engagements du citoyen, Paris, L’Harmattan, 2008.
  • Loïc Blondiaux, L'idée de démocratie participative : enjeux, impensés et questions récurrentes lire en ligne
  • Michel Koebel, « Les travers de la démocratie participative » in Sciences Humaines, Les Grands Dossiers n°6, 2007 (p. 30-34). lire en ligne
  • Michel Koebel, Le pouvoir local ou la démocratie improbable, Bellecombe-en-Bauges, Les éditions du Croquant, 2006.
  • Joan Fonte, Citizen Juries and political parties : the spanish experience, 2007, intervention dans le cadre des 3èmes Rencontres Europe-Amériques sur la démocratie participative
  • James S. Fishkin, ' Vers une démocratie délibérative : l'expériementation d'un idéal ', 2001.
  • Michel Callon, Pierre Lascoumes, Yannick Barthe, Agir dans un monde incertain, Seuil, 2002 (pour une description des procédures relevant de la démocratie participative).
  • Antoine Bevort, Pour une démocratie participative, Presses de Sciences Po, 2002
  • Pierre Calame, La Démocratie en miettes. Pour une révolution de la gouvernance, éd. Charles Léopold Mayer, Descartes&cie, 2003
  • Pierre Zémor, Pour un meilleur débat public, Presses de Sciences Po, 2003
  • Giovanni Allegretti, Carsten Herzberg, Participatory budgets in Europe, TNI Briefing Series, no 5, 2004 [pdf] lire en ligne
  • Jean-Jacques Degrange, Construisons une Démocratie Participative, Alotime Éditions, 2006.
  • Michel Falise, La démocratie participative. Promesses et ambiguïtés, 2003 lire en ligne
  • Anne Dhoquois et Marc Hatzfeld, Petites fabriques de la démocratie. Participer : idées, démarches, actions, Autrement, Paris, 2007.
  • Romain Felli, Développement durable et participation: la démocratie introuvable, revue Belgeo, 2005 [pdf] lire en ligne
  • Jean-Pierre Gaudin, La démocratie participative, Armand Colin, 2007 compte rendu à lire en ligne
  • Christophe Premat, Malentendus sur la démocratie participative, Revue Sens Public lire en ligne
  • Jean-Joseph Régent (coord.), Démocratie à la nantaise, L'Harmattan, 2002

Notes et références

  1. Karl Marx, Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte (1852).
  2. Michel Callon, Pierre Lascoumes, Yannick Barthe, Agir dans un monde incertain, Seuil, 2002
  3. John Dewey, Le Public et ses problèmes, Paris, Publication de l'université de Pau/Farrago, 2003.
  4. Jürgen Habermas, Droit et Démocratie. Entre faits et normes, Paris, Gallimard, 1997.
  5. Extrait de Le pouvoir local ou la démocratie improbable Michel Koebel
  6. Le Pouvoir local ou la Démocratie improbable sur le site de l'éditeur, atheles.org
  7. car différente de la démocratie ou le peuple aurait le pouvoir directement
  8. Marion Paoletti, 1997, La démocratie locale et le référendum, Paris, éditions L’Harmattan.
  9. Sandrine Rui, 2004, La démocratie en débat : les citoyens face à l’action publique, Paris, éditions Armand Colin.
  10. Marion Paoletti, Op. cit., pp. 234–235.
  11. Claude Sorbets, 1983, « Est-il légitime de parler d’un présidentialisme municipal ? », dans Pouvoirs, n°24.
  12. Albert Mabileau, 1994, Le système politique local, Paris, éditions Montchrestien.
  13. Michel Koebel, 2006, p. 86.
  14. Michel Koebel, 2006, p. 101.
  15. Marc Kesselman, 1972, Le Consensus ambigu : études sur le gouvernement local, Paris, éditions Cujas.
  16. Domenico Losurdo, 2003, Démocratie ou bonapartisme, triomphe et décadence du suffrage universel, Traduit de l’italien par Jean-Michel GOUX, Paris, éditions Le Temps des cerises, 2003, p. 91.
  17. Bernard Manin, Principes du gouvernement représentatif, Flammarion, Paris, 1996
  18. Bernard Manin, Principes du gouvernement représentatif, Flammarion, Paris, 1996
  19. Jacques Rancière, La Haine de la démocratie, La Fabrique, 2005
  20. Joseph Schumpeter, Capitalism, Socialism and Democracy, Londres/New York, Harper & Row, 1946.
  21. Yves Sintomer, Du savoir d'usage au métier de citoyen ?, in Raisons Politiques, Presses de Sciences Po, 03/2008
  22. John Dewey, Le Public et ses problèmes, 1927
  23. Yves Sintomer, Le pouvoir au peuple, La Découverte, 2007
  24. Yves Sintomer, Carsten Herzberg, Anja Röcke, Les budgets participatifs en Europe. Des services publics au service du public, La Découverte, 2008
  25. KOEBEL, M., Le recours à la jeunesse dans l’espace politique local. Les conseils de jeunes en Alsace, thèse de doctorat, Université de Strasbourg, 2007 (Tome 1, pp. 26-54)
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