- Docteur Meilleur
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Jean-Baptiste Meilleur
Jean-Baptiste Meilleur (9 mai 1796 - 7 décembre 1878) est un médecin, un homme politique, un journaliste et un professeur canadien.
Né, à Saint-Laurent, dans l'île de Montréal, le 9 mai 1796, il mourut à Montréal même, le 6 décembre 1878, à 82 ans. L'un des fondateurs du collège de l'Assomption en 1833 et le premier en date des surintendants de l'Instruction publique dans la province de Québec, alors le Bas-Canada, de 1842 à 1855, il a tenu un rôle considérable, au Canada français, dans les choses de l'enseignement. Ce fut, assurément, un homme marquant et un bienfaiteur de sa nation.
La famille Meilleur était originaire de Rouen, en Normandie, et le premier ancêtre venu au Canada, Jacques Le Meilleur, s'était établi à Québec vers 1675. Les parents de Meilleur, à Saint-Laurent, étaient de modeste condition et sans fortune. Ils ne pouvaient guère songer à pousser leur fils Jean-Baptiste dans les études. Mais, lui-même, il s'y sentit porté par un attrait irrésistible. Il dut, cependant, après quelques années d'école élémentaire, se livrer à d'humbles travaux manuels. Il en profita pour se pourvoir de quelques économies.
Ayant en plus, par bonheur, fait un petit héritage sur lequel il ne comptait pas, il se trouva en moyens d'entrer au collège de Montréal, où il suivit son cours d'étude régulier, sous la direction des sulpiciens. Parce qu'il avait une quinzaine d'années, et parce qu'il avait vécu plusieurs années loin des livres, ses succès en classe furent d'abord plutôt médiocres. Mais il mit tant d'ardeur et d'application au travail, et de méthode aussi, qu'il ne tarda pas à triompher de toutes les difficultés, à l'emporter même sur ses condisciples et à briller au premier rang.
Il se lia d'amitié avec un jeune Américain converti, le futur et célèbre abbé Holmes, en ce temps élève de philosophie, qui exerça sur lui une heureuse influence. Sa rhétorique terminée, il entreprit d'étudier la médecine, et, sur le conseil de son ami Holmes, il alla s'inscrire à une école de médecine de Castletown , dans le Vermont. Il suivit, vers le même temps, des cours de philosophie à Middlebury, sous la direction du professeur Hall, un élève de l'abbé Hauy. Le 14 décembre 1825, à 29 ans, il obtenait son titre de docteur en médecine. Très estimé de ses maîtres, Meilleur fut élu membre de la Société médicale et philosophique de l'État du Vermont. C'est à cette époque qu'il publia, en anglais, son premier opuscule, un traité de prononciation française.
Dans son Histoire du Collège de l'Assomption, paru en 1933, à l'occasion du centenaire, le supérieur M. l'abbé Anastase Forget, qui consacre à Meilleur, le principal fondateur de sa maison, au début de son volume, une dizaine de pages très substantielles, fait cette observation : "De son séjour aux Etats-Unis, le docteur Meilleur reviendra avec une maîtrise parfaite de l'anglais. Mais il en rapportera aussi une admiration quelque peu béate de la civilisation américaine. De là, chez lui, des idées et des expressions d'opinion qui causeront de l'émoi parmi ses compatriotes."
Rentré au pays, Meilleur se fixe quelque temps à Saint-Laurent, son village natal. Puis, il réside à l'Assomption. Il est, en effet, inscrit, comme étant de l'Assomption, au registre de Repentigny, lors de son mariage, dans cette paroisse, avec Joséphine Eno dit Deschamps, le 27 juin 1827. Il habite aussi, au moins quelques mois, peut-être en passant seulement, le village de Saint-Eustache. Car il écrit, dans son Mémorial, que c'est de Saint-Eustache, en décembre 1828, qu'il lança, sous la signature de un passant, dans un article de journal, l'idée d'établir un collège à l'Assomption. Il est certain toutefois qu'il était revenu à l'Assomption en décembre 1829, puisqu'il y fait baptiser, à cette date, l'un de ses enfants. Il y demeura jusqu'en 1840, alors qu'il alla habiter Montréal.
"Pauvre et bientôt chargé d'une famille nombreuse — pas moins de onze enfants virent le jour à son foyer — le docteur Meilleur, écrit l'abbé Forget, se donna pendant toute cette période (de 1829 à 1840), à l'Assomption, avec zèle et conscience, à l'exercice de la médecine. Il avait un vaste territoire à parcourir et ses devoirs professionnels étaient très absorbants. Cependant, il ne se cantonna pas uniquement dans le travail de sa profession. Son tempérament impulsif de nerveux le poussa à encore plus d'activité.
Il s'intéressa ardemment aux questions religieuses et éducatives, politiques et municipales. Tout à la fois médecin pratiquant, marguillier, syndic des écoles, nommé en 1830 et renommé en 1833 au bureau officiel des examinateurs "du ressort médical de Montréal", député de l'Assomption à l'Assemblée législative de 1834 à 1838, il trouvait encore le temps de penser et d'écrire sur les sujets les plus divers."
La fondation du collège de l'Assomption ne se fit pas sans difficultés. Mgr Lartigue ne prisait guère le projet, et les deux curés qui précédèrent M. Labelle, M. Rémi Gaulin (1824-1828) et M. Magloire Blanchet (1828-1830) — tous les deux évêques plus tard, le premier à Kingston, le second dans l'Ouest — s'y étaient nettement opposés. Les Messieurs du collège de Montréal et ceux du séminaire de Sainte-Thérèse ne voyaient non plus la chose d'un œil favorable. Enfin, les gens de l'Assomption eux-mêmes ne se montraient pas très enthousiastes. C'est que, explique M. Forget, "à cette époque, les collèges naissaient nombreux, comme des plantes en serre chaude, pour une existence souvent trop éphémère". Les événements, en d'autres termes, commandaient la prudence.
Mais, le docteur Meilleur était tenace dans ses vues et ses desseins. Le curé François Labelle (1830-1845) s'étant montré mieux disposé, Meilleur, avec lui et le docteur Cazeneuve, put enfin mettre sur pied, en 1833, l'établissement qu'il rêvait, et le collège de l'Assomption fut fondé. La belle œuvre accomplie là depuis cent ans prouve que, en somme, Meilleur avait le coup d'œil juste. Il est à remarquer que, pendant sept ans, soit jusqu'en 1840, la maison n'eut jamais que des laïcs comme professeurs. Meilleur, dans la suite, même quand il eut quitté l'Assomption pour aller résider à Montréal, resta membre de la "corporation" du collège jusqu'à sa mort, soit, en tout, quarante-six ans, de 1833 à 1878.
Durant son séjour à l'Assomption, Meilleur rédigea quelques mois un petit journal, L'Écho du pays, pour faire connaître ses vues, et il publia plusieurs brochures et livres intéressants : une étude, par exemple, sur le recensement du comté en 1832, où il expose des projets d'avenir fort suggestifs, une traduction anglaise de l'Histoire du Collège de Montréal de M. Roux, supérieur de Saint-Sulpice, une grammaire anglaise, un art épistolaire, un traité de chimie, un manuel de géographie et de nombreuses statistiques.
En 1838, à la demande de Buller, le secrétaire de Durham, il écrivit ses lettres sur l'éducation populaire, dont il est question, avec éloge, dans le fameux rapport de ce gouverneur, et qui ont préparé au moins en partie les voies aux réformes adoptées dans la suite par la Chambre des députés. Bref, si ses idées n'étaient pas toujours inspirées de principes sûrs, ni suffisamment justes, Meilleur était en vérité un travailleur infatigable et d'ailleurs un homme d'une absolue sincérité.
En 1842, le gouverneur Bagot nomma le docteur Meilleur surintendant de l'Instruction publique pour le Bas-Canada, cependant que Robert Murray se voyait attribuer les mêmes fonctions pour le Haut-Canada. Meilleur occupa cette importante situation pendant treize ans, de 1842 à 1855. Tout le temps, il se dévoua corps et âme au progrès de l'instruction tel qu'il l'entendait. Deux fois il parcourut toutes les paroisses du Bas-Canada, pour faire l'inventaire des écoles existantes et en créer de nouvelles, les établissant toutes, en autant que les circonstances le permettaient, dans de bonnes conditions matérielles et pédagogiques.
Quand il publia son Mémorial de l'éducation en 1860 (réédité en 1876) un volume de faits qui, au dire du Père LeJeune (Dictionnaire général du Canada), a passé dans le temps pour un chef-d'œuvre, il a pu affirmer, avec vérité, qu'il avait contribué à la fondation de 2000 écoles élémentaires, de 45 écoles supérieures ,et qu'il avait effectivement préparé l'établissement de nos premières écoles normales.Tout cela exigeait bien des sacrifices personnels. Meilleur était chichement rétribué par le gouvernement et il vivait à Montréal, en occupant sa haute situation de surintendant, dans un état de gêne voisin de la misère. D'autre part, ainsi qu'il arrive souvent pour ceux qui "font quelque chose", les critiques ne le ménageaient pas.
C'est ce qui l'amena, épuisé par la tâche et fatigué par les malveillances, à démissionner de ses fonctions en 1855. L'ancien surintendant vécut encore un peu plus de vingt ans, puisqu'il est mort en 1878. Il devint maître des postes à Montréal, inspecteur des bureaux de district, conservateur des hypothèques. Mais il semble bien qu'après 1855 sa carrière se soit prolongée sans beaucoup d'éclat. "Il était comme hors de sa voie", écrit l'abbé Forget. En 1854, l'Université du Vermont l'avait honoré du titre de maître ès-arts, et, en 1855, l'Université de Saint-Jean (New-York) le créait docteur ès-lettres. En 1857, ses concitoyens de Montréal le choisissaient comme président de la Société nationale de la Saint-Jean-Baptiste. Peu avant sa mort, il reçut aussi la décoration d'officier de l'Instruction publique du gouvernement de la France.
En dépit de sa sincérité et de ses bonnes intentions, il faut convenir que Meilleur avait sur les choses de l'éducation quelques idées plus ou moins justes. "Le docteur Meilleur, écrit M. l'abbé Groulx, dans /'Enseignement français au Canada (tome I, page 217), n'admet guère le séparatisme scolaire fondé sur la croyance. Son opposition est bien connue à une double législation, comme à l'existence de deux surintendances, l'une pour les catholiques, l'autre pour les protestants." C'est pourtant ce système qui a prévalu dans la suite et a assuré, dans la province de Québec, une bonne entente et une paix, qu'on est loin de trouver toujours dans nos autres provinces canadiennes.
Il n'empêche, doctrine beaucoup plus saine, que Meilleur redoutait à bon droit l'intervention et l'arbitraire des pouvoirs politiques dans les choses de l'éducation. "Notre origine, notre foi, notre langue et notre nationalité, écrit-il à ce propos — Le Mémorial, édition de 1860, page 259, cité par M. l'abbé Forget, — sont trop intéressées à cet égard pour nous permettre d'être un instant indifférents à ce qui peut y avoir trait. La Législature et le Gouvernement représentent nécessairement des intérêts divers et répulsifs, des intérêts d'Églises opposées et des intérêts de partis politiques mobiles qui se combattent et se déplacent mutuellement. En conséquence, nous n'avons pas, avec eux, cette garantie d'inviolabilité et de permanence qui est nécessaire à la sécurité et à la tranquillité de conscience La concentration du patronage entre les mains du gouvernement, pour le fonctionnement d'un système général d'instruction publique, serait rien moins que dangereuse et alarmante."
Pareillement, en matière de pédagogie, Meilleur s'en tenait au concept catholique traditionnel. "Les instituteurs ne doivent jamais oublier, disait-il, que l'éducation qu'ils ont surtout à donner à l'enfance et à la jeunesse est une éducation morale et religieuse et que c'est bien plus dans l'exemple que dans les paroles de leurs précepteurs que les élèves puiseront cette éducation. Il vaudrait mieux souvent qu'un enfant demeurât dans l'ignorance plutôt que de recevoir l'instruction des lèvres d'un homme vicieux. L'enfant, en effet, peut conserver un cœur pur dans l'ignorance, au lieu qu'il lui est presque impossible, à l'âge où l'on est si propre à prendre toutes sortes d'impressions, de demeurer vertueux, s'il a journellement devant les yeux l'exemple du vice."
Cela résume très bien l'œuvre du docteur Meilleur en matière d'éducation, celui qui fut l'un des fondateurs de l'Assomption et le premier en date, dans la province de Québec, des surintendants de l'Instruction publique.
Références
AUCLAIR, Elie. Figures canadiennes, Montréal, 1933.
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