Deurganckdok

Deurganckdok
Deurganckdok (en rouge: localisation sur la rive gauche de l'Escaut. Zone grise : l'agglomération anversoise.

Le Deurganckdok est un bassin du port d'Anvers (le mot néerl. dok désignant un bassin), aménagé sur la rive gauche (occidentale) de lEscaut, à peu de distance au sud du village de Doel, et mis en service en juillet 2005. Il sagit dun bassin à marée, c'est-à-dire quil communique directement (sans interposition décluses) avec le fleuveet, de , avec la mer du Nord —, ce qui permet aux navires d'arriver à quai beaucoup plus rapidement ; en contrepartie, ce type de bassin présente linconvénient que le niveau deau varie au gré des marées.

Pour une série de raisons, tant écologiques quéconomiques, ce bassin a fait dès sa planification lobjet de controverses. Il représente la première étape dune deuxième phase dexpansion du port dAnvers sur les plaines de la rive gauche de lEscautla première phase, intervenue grosso modo dans la seconde moitié de la décennie 1970 et dans la première moitié de la décennie 1980, ayant abouti à la réalisation du Waaslandhaven, port à flot, constitué dun bassin-canal auquel sarticulent cinq darses de vastes dimensions, sis un peu au sud du nouveau bassin Deurganckdok, lui-même, disions-nous, situé un peu au sud de lactuel village de Doel.

Le bassin doit son nom au Deurganck, ancienne petite branche de lEscaut, qui naguère séparait Doel, au nord, davec Liefkenshoek, au sud, et qui se trouvait à lemplacement actuel du bassin. On rencontre aussi parfois le nom du Deurganckdok sous une forme francisée, bassin de Deurganck ou darse de Deurganck.

Sommaire

Caractéristiques

Dune longueur de 2,6 kilomètres, dune largeur de 450 mètres, et dune profondeur de 17 mètres, le Deurganckdok est en mesure daccueillir sans difficulté les navires porte-conteneurs de la dernière génération. Le bassin comporte au total plus de 5 kilomètres de quais damarrage et pourra, une fois arrivé à pleine capacité opérationnelle, manutentionner de 6 à 7 millions dÉVP (c'est-à-dire de conteneurs de 6 mètres de long environ) par an. Cela en fait le plus grand bassin à marée du monde ; grâce au Deurganckdok, le port dAnvers est en voie de doubler sa capacité de traitement de conteneurs. Lorsque les terminaux seront entièrement opérationnels, un poids lourd quittera les quais du bassin en moyenne toutes les 3 secondes.

La totalité de la face ouest du bassin sera exploitée par la firme de manutention HesseNoord Natie, devenue une filiale de PSA (Port of Singapore Authority). La longueur totale des quais de ce terminal, dénommé Deurganck Terminal, sélève à 2.750 mètres, la superficie totale à quelque 200 hectares. Il est équipé de 24 grues à conteneurs et de 130 chariots cavaliers. Le terminal pourra être exploité à plein rendement à partir de 2007; il aura alors une capacité de plus de 4 millions dÉVP par an. PSA Hesse-Noord Natie prévoit dy créer aux alentours de 1.250 postes de travail.

Le terminal à conteneurs Antwerp Gateway occupe toute la façade est du bassin. Doté dune longueur de quai totale de 2.470 mètres et dune superficie de 126 hectares, il sera à même, une fois rendu pleinement opérationnel, de développer une capacité maximale de 3,5 millions dÉVP annuels. Il est doté de 20 grues à conteneurs et d'un système automatisé de traitement des conteneurs. Ce terminal est appelé à générer quelque 1.500 emplois. Les actionnaires dAntwerp Gateway sont P&O Ports, Cosco Pacific, P&O Nedlloyd, CMA-CGM et Duisport.

Lemploi direct sur ces deux nouveaux terminaux atteindrait ainsi, à pleine exploitation, 3.000 travailleurs ; lemploi total du Waaslandhaven augmenterait dun tiers, passant de 10.000 personnes fin 2003, à 13.000, grâce au Deurganckdok.

Le coût du projet sest finalement élevé à 634 millions deuros, soit moitié plus que ce qui avait été prévu à lorigine. Si on y ajoute les travaux dinfrastructure (routes, voies ferrées, etc.) nécessaires à la mise en accessibilité du bassin, le coût final pourrait bien sélever à 3 milliards deuros.

Il est également envisagé de construire une nouvelle écluse à lextrémité sud du Deurganckdok, laquelle relierait celui-ci aux bassins du Waaslandhaven, afin de remédier à la saturation du Kallosluis, seule écluse à lheure actuelle qui fait communiquer le Waaslandhaven avec le fleuve. Cette nouvelle écluse dépasserait en capacité lécluse de Berendrecht et serait ainsi la plus vaste écluse du monde.

Plans et construction

Le Deurganckdok inaugure la deuxième phase de lextension du port d'Anvers sur la rive gauche de lEscaut. Les planificateurs des années 1960 avaient prévu de transformer en zone portuaire toute létendue de la rive occidentale du fleuve, depuis la localité de Kallo jusquà la frontière hollandaise. Dans les années 1970 et dans la première moitié des années 1980 ne fut cependant réalisé que lactuel Waaslandhaven (situé entre Kallo, au sud, et Doel, au nord) ; suite aux résistances, et surtout à la récession économique qui fit douter de lopportunité de construire dautres bassins encore, lon sen tint  ; en 1978, un cordon de sécurité, dite ligne De Bondt (ainsi nommée daprès le sénateur CVP Ferdinand De Bondt), fut même tracé sur le plan de secteurs : la partie de la plaine (et en particulier le marais de Doel) sétendant au nord de ladite ligne verrait son caractère rural préservé.

Lon eut tort cependant de croire à un statu quo définitif : certes, le projet de canal de Baalhoek, néerl. Baalhoekkanaal (lequel, filant tout droit vers le nord-ouest, devait relier le Waaslandhaven directement à lestuaire de lEscaut, en territoire hollandais), avait définitivement été abandonné par lAdministratie Waterwegen en Zeewezen (ministère des Voies navigables et des Affaires maritimes) de lautorité régionale flamande, mais celle-ci fit néanmoins litière de la ligne De Bondt, en concevant, à partir de 1995, le plan du Deurganckdok, à réaliser au nord de cette ligne. Le 20 janvier 1998, le gouvernement flamand en approuva la construction, et les premiers travaux débutèrent en octobre 1999. Peu après cependant sengagea une intense bataille juridique entre dune part le gouvernement flamand, et dautre part le Comité daction Doel 2020, le groupe de travail Natuurreservaten Linkeroever-Waasland (‘Réserves naturelles Rive gauche & Pays de Waes’) et le Vlaams Agrarisch Centrum (‘Centre agraire flamand’). En raison de vices entachant la procédure de modification du plan de secteurs telle que suivie par le gouvernement flamand, le Conseil dÉtat suspendit à deux reprises (en juin 2000 et en mars 2001) les permis de bâtir qui avaient été délivrés après la modification du plan de secteurs. Suite à la deuxième suspension, les travaux restèrent interrompus pendant plusieurs mois.

Le Deurganckdok en cours de construction. Les masses de terre à gauche de la paroi du quai restent encore à déblayer.

La suspension des travaux coûtait à la Région flamande environ 18 millions de FB (450 mille euros actuels) par jour, sous forme dactions en dommages-intérêts, de frais dentretien, de remboursement de prêts et de divers manques à gagner. Afin de contourner de nouvelles condamnations par le Conseil dÉtat, le parlement flamand adopta le 14 décembre 2001 ce quil est convenu dappeler le décret de validation ou décret durgence (validatiedecreet ou nooddecreet, la région flamande donnant à ses textes législatifs lintitulé de décret), aux termes duquel il nest plus nécessaire, pour les travaux du Deurganckdok, de sen référer au plan de secteurs, ce à lencontre de la réglementation normale ; les permis de bâtir délivrés par le ministre des travaux publics sont entérinés par le parlement flamand, de sorte quaucun recours devant le Conseil dÉtat nest plus désormais possible. Les travaux purent ainsi reprendre, sur la base des permis de bâtir votés au parlement régional, le 13 avril 2002.

Le 18 février 2005, les premiers m³ deau sécoulèrent de lEscaut vers le nouveau bassin, et linauguration officielle eut lieu le 6 juillet 2005, en présence de sa Majesté le roi Albert II, le ministre-président flamand Yves Leterme, le ministre flamand des Travaux publics, de lÉnergie et de lEnvironnement Kris Peeters et du ministre flamand des Finances, du Budget et de lAménagement du Territoire Dirk Van Mechelen. Le 14 septembre 2005, la première partie du bassin était ouverte à la navigation, et le 19 septembre, le premier porte-conteneurs y déchargeait sa cargaison.

Un ouvrage controversé

Controversé, ce bassin le fut dès le départ, en raison de ses effets écologiques et humains considérables : la perte de vastes étendues de terres fertiles ; la mise en péril dun village (Doel) et du marais dont il est le centre, village et marais qui ne sont pas sans intérêt historique et paysager ; latteinte portée à lhabitat faunique (berges, vasières, prés salés), à laquelle la Région flamande, tenue dappliquer la directive Oiseaux de la Commission européenne, tente, en concertation avec des associations de protection de lenvironnement, de remédier par un ensemble de onze « mesures compensatoires » (natuurcompenserende maatregelen), parmi lesquelles la création, notamment dans le polder de Doel, de zones réservées pour oiseaux des champs (weidevogelgebieden), mais quà leur tour les cultivateurs accusent de porter préjudice à leur activité, les oiseaux attirés dans ces zones venant fourrager dans leurs semis.

Cependant, cest avant tout pour des raisons dordre économique que le bassin continue aujourdhui de faire lobjet de controverses. En effet, sagissant dune infrastructure purement logistique, le Deurganckdok représente une rupture avec la voie suivie depuis plusieurs décennies, laquelle, consistant à coupler activité portuaire et industrie de transformation, a fait du port dAnvers non seulement un centre de manutention et dentreposage, mais aussi une zone industrielle très active, et plus particulièrement le deuxième centre pétrochimique du monde. Or, comme la démontré en 2007 une étude de la Banque nationale de Belgique, les activités non maritimes du port, en particulier la pétrochimie et lindustrie automobile, ont, selon les estimations, un effet de levier économique dix fois supérieur à celui de la logistique pure. Cette dernière apporte relativement peu de valeur ajoutée, est plus néfaste du point de vue écologique, et exige de lourds investissements en infrastructure. Le Deurganckdok tend à faire du port d'Anvers une grande plaque tournante pour des millions de conteneurs, lesquels, bien que ne faisant que transiter (et générant peu de valeur ajoutée), mettent néanmoins à forte contribution le réseau routier local, déjà sursollicité pourtant, au détriment de laccessibilité des autres activités du port (construction automobile et chimie, à haute valeur ajoutée).

Le Deurganckdok se révèle être un ouvrage particulièrement onéreux, ayant jusquici (2007) coûté 650 millions deuros, soit une fois et demie la somme prévue. Au prix total des travaux de construction eux-mêmes, il faut ajouter le coût des nouvelles routes, voies ferrées, etc. nécessaires à sa mise en accessibilité, et aussi les frais dentretien du bassin (quelques dizaines de millions deuros par an, à charge de la région flamande: sagissant dun bassin à marée, le fleuve tend à y déposer assez rapidement des sédiments (sable et boue) qui nécessitent des travaux de dragage réguliers pour y maintenir une profondeur suffisante.

En 2007, 1,6 million de conteneurs (ÉVP) ont été manutentionnés en 2007, ce qui reste très en deçà de la capacité du bassin, qui est de 7,5 millions. De plus, cette croissance est pour bonne partie attribuable à une grève dans le port concurrent de Rotterdam.

Le spectre du Saeftinghedok

Si le bien-fondé du Deurganckdok est contesté, à plus forte raison lopportunité est-elle mise en doute de construire un autre bassin à marée encore, le futur Saeftingedok, similaire au Deurganckdok, plus en aval sur lEscaut (c'est-à-dire au nord du Deurganckdok), et dont le projet prend des contours de plus en plus précis. Le Saeftinghedok, bordé de 7km de quais, serait 20% plus vaste que le Deurganckdok. Sa localisation na pas encore été arrêtée, mais le lieu qui aurait la préférence des planificateurs correspond à lemplacement même du village de Doel ; ce serait donc, pour ce village, le coup de grâce.

Aucune décision officielle na été prise à ce jour, mais lautorité portuaire anversoise, et en particulier léchevin aux affaires portuaires Marc Van Peel, mettent la pression pour que ce nouveau bassin à marée soit inscrit à lordre du jour politique: attendu que le Deurganckdok aura atteint la limite de sa capacité en 2013 ou 2014 (si lon extrapole sa croissance actuelle), et compte tenu des délais de réalisation dun tel ouvrage, la décision doit absolument être prise dès cette année 2008.

Cependant, les élus locaux du Pays de Waes (Jos Stassen p.ex.) ne sont pas les seuls à presser le gouvernement flamand à revenir sur ses intentions ; quelques économistes éminents, comme Geert Noels, ont joint leur voix aux leurs. Ils arguent que la persistance de la croissance actuelle du trafic conteneurs nest pas une certitude: un plafond pourrait être atteint dici quelques années. Si lon y ajoute que la capacité du Deurganckdok est susceptible dêtre augmentée sensiblement (la durée de séjour dun conteneur dans le port dAnvers est en moyenne de six jours, alors quelle nest que de trois jours à Singapour p.ex.; en travaillant sur ce paramètre, il devrait donc être possible de doubler la capacité du bassin), le point de saturation nest pas à lhorizon 2013, et le seul Deurganckdok serait en mesure de faire face à laugmentation du trafic bien au-delà de cette date. Dautre part et surtout, ces deux bassins (Deurganckdok et Saeftinghedok) tournant à plein régime engendreraient un flux de conteneurs que le réseau de voies de communication ne serait pas en état de résorber, et menaceraient dasphyxier la région anversoise.

Découvertes archéologiques

En 2000, lors du creusement du Deurganckdok, les épaves de deux navires anciens furent découvertes, et des fouilles archéologiques durent être effectuées durgence. Lon mit au jour deux cogues, type de navire de commerce hauturier, courant au Moyen Âge et naviguant entre les ports de la ligue hanséatique, en mer du Nord et en mer Baltique : une grande, bien conservée, mesurant 21m de long et 7m de large, et une autre, plus petite, en moins bon état. Des analyses dendrochronologiques permirent détablir que la première, qui reçut le nom de « cogue de Doel », date du XIVe siècle et que le bois de chêne dont elle est constituée provient du nord-ouest de lAllemagne ; la seconde cogue, du XIVe siècle également, est originaire de la zone baltique. Une maquette de la cogue de Doel est visible au bezoekerscentrum (musée dhistoire locale), ouvert depuis septembre 2007 au fort de Liefkenshoek.

Dautre part, sur la rive nord de lancien Deurganck, près de lendroit celui-ci débouche dans lEscaut, des traces ont été découvertes dun site de peuplement, dont il nest fait mention dans aucune source écrite. Ce site, qui présente une structure régulière, fut implanté en 1407 et disparut dans les flots en 1424 suite à une inondation.

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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Deurganckdok de Wikipédia en français (auteurs)

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