- Construction des anneaux de polynomes
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Anneau non commutatif de polynômes
Le but de cet article est de montrer comment on obtient l'anneau des polynômes à une variable (ou indéterminée) sur un anneau unitaire non nécessairement commutatif.
Le cas des anneaux de polynômes à plusieurs indéterminées est traité dans l'article Polynôme en plusieurs indéterminées, la construction des polynômes dans le cadre d'un anneau commutatif unitaire est traité dans l'article Construction de l'anneau des polynômes.
Sommaire
Préliminaires
On se donne un anneau unitaire A.
On va construire :
- l'ensemble A[X];
- une structure d'anneau unitaire sur cet ensemble, commutatif si A l'est ;
- une structure de A-algèbre sur cet ensemble, si A est commutatif.
On va prouver
- l'existence d'une opération de division euclidienne, ou deux telles opérations à droite et à gauche si A est non-commutatif, par tout polynôme à coefficient dominant inversible dans A, avec quotient et reste uniques,
- et son rapport avec l'évaluation (à droite ou à gauche) des polynômes en un élément de A.
Définition de l'ensemble
On va considérer les suites d'éléments de A, nulles à partir d'un certain rang. Cet ensemble peut-être vu comme la partie de l'ensemble définie ainsi :
C'est notre ensemble A[X].
Définition de la structure d'anneau
Commençons par définir ce mystérieux X, appelé indéterminée : il s'agit de la suite nulle partout, sauf à l'indice 1 où elle vaut 1. On note par ailleurs que l'on peut envoyer A dans A[X] de façon injective par l'application qui à un élément a associe la suite dont le coefficient à l'indice 0 vaut a, et qui est nulle partout ailleurs.
Pour définir la structure de groupe additif sur A[X], on se contente de reprendre la structure héritée naturellement par le fait que ce sont des suites à valeurs dans un anneau : la suite a + b est donnée par (a + b)n = (a)n + (b)n. L'élément neutre est la suite entièrement nulle. La structure multiplicative est un peu plus compliquée : la suite a * b est donnée par
Comme les suites a et b n'ont qu'un nombre fini de coefficients non nuls, il en est de même pour a + b et a * b. La formule pour a * b définit bien une loi de composition interne associative et commutative, dont l'image de l'élément 1 de A par l'application injective mentionnée est élément neutre (il est également noté 1), ainsi que la propriété de distributivité par rapport à l'addition définie précédemment.
Et avec cette addition et cette multiplication, il est clair que l'on a bien une structure d'anneau. Il reste à remarquer que Xn est la suite nulle partout sauf en n, où elle vaut 1 ; en particulier, tout polynôme P = (an)n s'écrit donc de façon unique : :
P = ∑ anXn n On retrouve là l'écriture habituelle des polynômes.
Définition de la structure d'algèbre sur un anneau commutatif A
Si A est commutatif, la multiplication , définie via l'inclusion de A dans A[X], munit ce dernier d'une structure naturelle de A-module pour laquelle la multiplication est bilinéaire : (aP) * (bQ) = (ab)(P * Q) pour tout et (ici les multiplications internes de A[X] sont indiquées par " * " et les multiplications concernant A par juxtaposition ; comme cette règle implique en particulier 1p * b1 = 1bp * 1, pour , donc pb = bp, elle ne peut s'appliquer que lorsque A est commutatif). Ceci montre que dans ce cas, l'anneau A[X] est aussi une A-algèbre.
Division euclidienne à droite (resp. à gauche)
On se donne deux polynômes P et U. On ne fait pas d'hypothèse sur le premier, mais on demande que le coefficient dominant du second soit inversible.
On souhaite prouver qu'il existe un unique couple de polynômes Q et R réunissant les deux conditions suivantes :
- ;
- .
Q sera le quotient et R le reste dans la division à droite. On dira aussi que Q est le quotient à droite et R le reste à droite.
Si R=0 on dira naturellement que P est divisible à droite par U.
De manière symétrique on désignera par quotient à gauche et reste à gauche les polynômes Q' et R' vérifiant :
- ;
- .
et si R=0, P sera dit divisible à gauche par U.
Il est évident que ces 2 notions coïncident dans le cas d'un anneau commutatif. Nous ferons la démonstration de l'unicité et de l'existence du quotient et du reste dans le premier cas seulement, l'adaptation au second cas ne posant aucune difficulté.
Unicité
Supposons que l'on a deux couples (Q1,R1) et (Q2,R2) qui vérifient les conditions requises ; on a alors, en calculant P − P : U(Q1 − Q2) = R2 − R1.
Mais si on compare les degrés des polynômes dans les membre gauche et droit de cette égalité, on doit alors clairement avoir: R1 = R2 et U(Q1 − Q2) = 0. Donc on a déjà l'unicité du reste.
Ce serait alors une erreur de conclure que l'on a aussi Q1 = Q2 car ; car on n'a aucune garantie que l'on se trouve dans un anneau intègre ! En revanche, on sait que le coefficient dominant de U est inversible, et c'est cette remarque qui permet de conclure à l'unicité du quotient !
Exemple : dans , le produit de 2X par 3X2 est nul.
Existence
On la montre par récurrence sur le degré du polynôme P :
- si ce degré est plus petit que le degré de U, il suffit de prendre Q = 0 et R = P ;
- s'il est supérieur ou égal, notons a le coefficient dominant de P, et b celui de U; alors si on regarde le polynôme P − ab − 1UXdegP − degU, on voit qu'il est de degré strictement inférieur à celui de P, donc par hypothèse de récurrence, il s'écrit Q2U + R2 ; mais alors
- P = (Q2 + ab − 1XdegP − degU)U + R2
Remarques
- Pour l'unicité, on aurait pu supposer que le coefficient dominant de U n'était que régulier; en revanche pour l'existence, on a visiblement besoin de cette inversibilité. Il n'est pas difficile de se convaincre qu'elle était nécessaire...
- L'unicité est traitée en premier, car sans le dire, c'est elle qui pointe vers l'existence: elle utilise la notion de degré d'un polynôme, donc c'est ainsi qu'il fallait attaquer l'existence.
Valeur à droite (resp. à gauche) d'un polynôme pour un élément de l'anneau
Soient et . Posons
Nous désignons par valeur à droite de P pour X = u l'élément de :
De même la valeur à gauche sera :
Théorème Si u est un élément central de A (et donc pour tout si A est commutatif) les valeurs à gauche et à droite de pour X = u coïncident, et en désignant cette valeur par P[X: = u], l'application est un morphisme d'anneaux .
Preuve. Comme u commute avec tous les coefficients de P, l'égalité des valuers à gauche et à droite découle directement de les formules pour ces valeurs. Que est un morphisme de groupes est également clair (et ne dépend pas du fait que u est un élément central). Pour la compatibilité avec la multiplication, soit
P = ∑ aiXi i et
Q = ∑ bjXj j alors on a
P[X: = u]Q[X: = u] = ∑ aiuibjuj = ∑ aibjui + j = PQ[X: = u] i,j i,j grâce à la commutation de ui avec les coefficients bj.
Divisions par X − u
Comme le coefficient dominant 1 du polynome X − u est évidemment inversible, les divisions à droite et à gauche sont possibles. Soient et . On a alors:
Théorème
Le reste de la division à gauche du polynôme P par X − u est égal à la valeur à droite Pd(u).
- Démonstration
Posons
On a P = Q(X − u) + R et en groupant les termes semblables du second membre:
Si on remplace alors X par u dans le membre de droite (ce qui est bien le calcul de la valeur à droite) on constate immédiatement que les termes provenant du produit Q(X − u) s'annulent 2 à 2 et on obtient le résultat annoncé.
Remarquons que, lorsque u n'est pas central, on ne peut pas faire appel au théorème précédent et raisonner que Pd(u) = Qd(u)(X − u)d(u) + R = Qd(u).0 + R = R. Mais en reprenant la preuve de ce théorème on peut justifier néanmoins cette formule. On observe que dans cette preuve on a écrit P[X: = u] sous la forme de la valeur à droite, et que la preuve n'a utilisée que la commutation de u avec les coefficients bj du polynome à droite ; or, dans la formule considérée cette commutation est valable car les seuls coefficients du polynome X − u à droite sont b1 = 1 et b0 = u, qui commutent avec u.
On a le résultat symétrique :
- Le reste de la division à droite du polynôme P par X − u est égal à la valeur à gauche Pg(u).
Corollaire
Le polynôme P est divisible à gauche par X − u si et seulement si Pd(u) = 0 et le polynôme P est divisible à droite par X − u si et seulement si Pg(u) = 0
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