- Brasserie Wielemans-Ceuppens
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Etalée sur un siècle, de 1880 à 1980, l’histoire de la brasserie Wielemans-Ceuppens, autrefois située avenue Van Volxem à Forest, se confond avec celle du secteur brassicole en Belgique : croissance exponentielle, adaptation incessantes aux techniques modernes et à la demande du marché, rachat de brasseries concurrentes suivie d’une absorption par une plus grosse, déclin et fermeture.
Fait exceptionnel, quelques immeubles, dûment protégés en 1993, témoignent encore de la gloire passée de la brasserie Wielemans : deux salles de brassage, une salle des machines et un petit immeuble de bureaux sont aujourd’hui intégrés dans la structure pavillonnaire d'un nouveau complexe immobilier, dont la mixité des affectations constitue le principal attrait. La première phase achevée abrite, dans l'ancien bâtiment construit par Adrien Blomme, les locaux du Wiels, centre d'art contemporain bruxellois.
Sommaire
Au bord de la Senne
L'histoire de la brasserie commence, un peu par hasard, dans le centre de Bruxelles. A la tête d’un commerce de toiles florissant dans la Petite rue au Beurre, Lambert Wielemans et son épouse, Constance-Ide Ceuppens, reprennent, en 1862, la brasserie de leur beau-frère empêtré dans des conflits de famille. Il s'agit en réalité d'un commerce de marchand et de préparateur de bière qui consiste à acheter du lambic, bière de fermentation naturelle, à un brasseur pour en faire du faro ou de la gueuze et de la vendre ensuite aux estaminets ou aux magasins de détail.
Six ans plus tard, la veuve du fondateur et ses fils décident de se lancer dans le brassage et louent, pour ce faire, les locaux de la brasserie Riche-Soyez, située rue Terre Neuve, en bordure de la Senne. Avant le voûtement de la Senne, on comptait près de 50 brasseurs à l'intérieur du Pentagone, concentrés particulièrement sur le territoire de la paroisse Saint-Géry, dans le bas des Marolles et aux abords de la rue de Laeken. Ces petites entreprises étaient installées, le plus souvent, dans la cour de maisons qui avaient pignon sur rue.
Déménagement dans la campagne forestoise
Très vite à l’étroit, les héritiers Wielemans et leur mère décident d’acheter un vaste terrain marécageux à Forest, en bordure de la voie ferrée et du pont de Luttre. Il est bien situé, pas cher, et autorise les extensions futures. Le bas de commune connaît alors, à l’image de ses voisines immédiates situées à proximité des moyens de communication, un développement industriel accéléré. Attirés par l’infrastructure ferroviaire, le canal de Charleroi et la toute nouvelle avenue Van Volxem (1873), imprimerie, ferronnerie, savonnerie, fabriques de chaussures, blanchisserie, usine à gaz prospèrent rapidement.
La nouvelle brasserie, dotée d’un équipement allemand - produit par Maschinenfabrik Germania - est inaugurée en 1881 et aussitôt reliée au chemin de fer. Très vite, elle doit se diversifier pour faire face au succès grandissant des bières allemandes à faible fermentation - la Pils - de type Bavière, Munich ou encore Bock. Le site initial, de 51 ares à peine, ne cesse de s’étendre avec la diversification et l’extension de la production : ligne de fabrication de bière à basse fermentation (1885-1887), malterie et greniers à grains (1889), immeuble de bureaux pour les services de vente (1890-1892). Pour ce dernier bâtiment néo-classique, les architectes Gédéon Bordiau et Champion ont récupéré la porte d’entrée, le fronton symbolique et les pierres bleues de la façade de l’ancienne caisse d’Epargne de la place de Brouckère, transformé en hôtel – le célèbre hôtel Métropole - à l’initiative du brasseur. Le Café Métropole assure, du même coup, la promotion des produits de la brasserie.
La tour de brassage de Blomme
Une nouvelle salle de brassage, équipée d’une centrale électrique propre et de puissantes machines frigorifiques, voit le jour entre 1903 et 1907 avant une troisième, terminée en 1931 à l’emplacement des anciens greniers à grains. C’est la tour Wielemans, comme la surnomment affectueusement les habitants du quartier. On fait tout naturellement appel à l’architecte et polytechnicien Adrien Blomme pour cette nouvelle mission. Il est brillant, sait tout faire et s’adapte sans rechigner à la demande du client pour qui il est prêt à «fabriquer » n’importe quel style. Ne vient-il pas d’achever, pour le nouveau patron de la brasserie, Léon Wielemans, la construction d’un hôtel très particulier, mélange subtil d’influences Déco et hispano-mauresque ? Proche de la très sélecte avenue Louise - rue Defacqz, 14 - la maison alimente déjà les conversations du tout Bruxelles.
Le fier immeuble de béton armé, aux lignes horizontales épurées rehaussées de motifs Art Déco, est conçu comme une véritable vitrine à travers laquelle les passants peuvent contempler les huit cuves en cuivre rouge rutillantes de la nouvelle salle de brassage, la plus grande d’Europe d’après ses promoteurs. Au-dessus du rez-de-chaussée, les étages permettent le stockage de liquides en citerne, d'additifs au brassage et la moulure du grain. La production de la célèbre Forst et, un peu plus tard, de la Wiel’s, dont on peut ici soutirer jusqu’à 5.000 hectolitres par jour, n’appartient-elle pas au client, à l’homme de la rue ?
Le déclin inexorable
On fête alors le cinquantenaire de l’implantation forestoise qui, malgré les déboires de la guerre, semble promise à un bel avenir. Pour faire face à la concurrence, Léon Wielemans se lance ensuite dans le rachat de plusieurs brasseries, dont celle du Marly, au bord du canal de Willebroeck à Neder-Over-Heembeek, est la plus célèbre. Elle produira désormais La Marine, une nouvelle bière à haute fermentation, et concentrera toute la production de malt du groupe. Au sortir de la Seconde guerre mondiale, la brasserie est, avec ses 592 ouvriers, 115 employés et 4 concierges, à l’apogée de son histoire. La politique de rachat et d’extension des installations tarde pourtant à produire ses fruits et le déclin s’amorce, précipité par le rachat par le groupe louvaniste Artois (Interbrew, devenu Inbev). En 1988, le dernier brassin de la célèbre Wiels est tiré. La moitié des cuves sont démantelées avant que les dernières ne soient sauvés au titre de patrimoine industriel.
Sources
- DE KEUKELEIRE (M.), Quand le lambic se fabriquait à Bruxelles, Cahiers de la Fonderie n° 8, juin 1990, pp. 44 à 49.
- HUSTACHE (A.), Forest, Coll. Guides des communes de la Région bruxelloise, Bruxelles, CFC-éditions, 2001, 83 p.
- VAES (J.-P.), Wielemans-Ceuppens. Grandeur et décadence d'une brasserie, Cahiers de la Fonderie n° 8, juin 1990, pp. 13 à 23.
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