- Boulet de Mersenne
-
Le problème du boulet de Mersenne est un problème de mécanique classique énoncé par Marin Mersenne en 1634. Il consiste à considérer un boulet de canon lancé verticalement et à imaginer l'endroit où il retombera : dans le fût du canon, à l'est ou à l'ouest de celui-ci, compte tenu de la rotation de la Terre ?
Sommaire
Le paradoxe
La force de Coriolis a pour effet de dévier vers l'ouest un projectile lancé verticalement vers le ciel, et vers l'est un projectile qui tombe. Intuitivement, on imagine donc que les deux déviations sont opposées et s'annulent, ce qui fait que le boulet retombera exactement dans le fût. Or, cela n'est pas. Soit D la déviation vers l'est constatée lors d'une chute libre (sur la même hauteur), le calcul donne une déviation globale vers l'ouest, égale à 4D, soit 2D à la montée ET 2D (vers l'ouest ! ) à la descente. Tout ceci est logique, une fois écartés les pseudo-paradoxes.
Cas idéal
Si on néglige la rotation de la Terre et le frottement de l'air, le boulet retombe exactement dans le fût du canon.
La hauteur atteinte est donnée par la formule suivante, déduite du théorème de conservation de l'énergie cinétique :
où V0 est la vitesse initiale du boulet et g la constante gravitationnelle à l'altitude du canon. On suppose que la hauteur atteinte est suffisamment faible pour que g reste constante (et donc que la vitesse initiale est largement inférieure à la vitesse de libération qui ferait que le boulet ne retomberait pas).
La vitesse du projectile en fonction du temps t est donnée par :
et sa position par l'intégration de cette dernière formule avec une position initiale égale à 0 :
La résolution de cette équation du second degré donne une position nulle à t = 0 (départ du canon) et à (retombée au sol).
Calcul de la déviation vers l'est
Soit D0 la déviation vers l'est si le boulet était lâché de la hauteur h. La formule de la déviation vers l'est donne, si l'on se place à l'équateur (L = 0) :
avec
ce qui est conforme avec les valeurs du cas idéal :
- donne
et la durée de la chute est égale à la moitié du temps mis par le boulet pour retomber au sol, soit :
la substitution de V0 dans cette dernière formule donne bien T0.
Calcul de la déviation du boulet
Soit à démontrer que le boulet est dévié vers l'ouest de à la montée, et de à la descente, soit un total de . La trajectoire elliptique implique forcément une symétrie parfaite entre la montée et la descente.
On part de la formule de la déviation vers l'est :
on suppose toujours que g est sensiblement constante, et on utilise l'approximation du premier ordre :
après intégration sur l'intervalle [0 ; 2T0], on obtient avec négligeable :
soit, et étant unitaires et perpendiculaires à l'équateur, en remplaçant :
Explication
La force de Coriolis pour une chute libre donne une déviation vers l'est égale à , le calcul de la déviation du boulet lors de sa descente donne la valeur .
L'explication réside dans le fait que les deux affirmations ci-dessus sont justes. Simplement, la déviation vers l'ouest imprimée au boulet par la rotation de la Terre au moment du tir est égale à , et s'additionne à la déviation vers l'est pour donner le résultat calculé.
Pour h = 50 m, rappelons que les déviations sont de quelques millimètres.
Histoire
Marin Mersenne jouait entre 1630 et 1648 le rôle qu'aura la future Académie des Sciences (créée par Colbert en 1666) : il rediffusait en les commentant tous les papiers scientifiques qu'on lui remettait. Une fameuse controverse au sujet de la chute d'un boulet depuis le mât d'un navire enflamma la France vers 1638. Galilée disait qu'il tomberait au pied du mât. Pierre Gassendi fit réaliser l'expérience sur une galère dans le port de Marseille, ce qui corrobora la position de Galilée. Mersenne possédait le don fabuleux de poser les bonnes questions pseudo-naïves. Il suggéra le questionnement suivant, appelé depuis le problème du boulet de Mersenne :
- « Soit un boulet tiré verticalement. Retombera-t-il dans le fût du canon? »
La réponse est non : le boulet retombe à l'ouest.
Mersenne prenait pour base 3 heures de montée et 3 heures de descente pour que la Terre eût tourné de 90°. Bien sûr à l'époque, soit on était anti-copernicien et le boulet retombait à l'ouest de 90°, soit on suivait l'argument de Galilée, et le mouvement de pivotement uniforme de la Terre était « comme rien », et le boulet retombait dans le fût du canon.
Peu de gens ont évoqué que rotation uniforme n'était pas translation uniforme. Galilée reste peu assuré et prudent sur cette distinction dans les Discorso de 1638. Encore aujourd'hui, c'est une question pour les historiens des sciences : Galilée croyait-il à une "inertie circulaire" ? Évidemment la référence à la déviation vers l'est aurait ennuyé Galilée dans son argumentation. Même s'il avait saisi la difficulté, peut-être a-t-il préféré la taire.
En tout cas, le problème d'un missile balistique tel que celui de Mersenne (6 heures de vol) n'est plus du ressort de la "petite" déviation. Il faudrait prendre la vraie trajectoire elliptique de Kepler et refaire tous les calculs. Ce qui est certain est que de Kourou, on lance les fusées vers l'est pour "profiter" du pivotement de la Terre.
Voir aussi
Wikimedia Foundation. 2010.