Bolchéviques

Bolchéviques

Bolchevik

Réunion du Parti bolchevique (Lénine est à droite sur la photographie).

Les bolcheviks ou bolchéviques[1] sont une fraction du Parti ouvrier social-démocrate de Russie fondée en 1903 et dirigée par Lénine, avant de se constituer en parti indépendant à partir de 1912. Après la révolution russe de février 1917, les bolcheviks prennent le pouvoir au nom des soviets en Octobre 1917. En 1922, le parti est renommé en Parti communiste de l'Union soviétique (PCUS).

Sommaire

La création de la tendance bolchevique

Les premiers marxistes russes, Plekhanov, Véra Zassoulitch et Pavel Axelrod avaient créé dans l'émigration le «Groupe pour la libération du travail» en 1883. En 1901, avec leurs cadets Lénine et Martov, ils créent l'Iskra (« L'Étincelle »), qui se fixe comme objectif d'introduire les idées socialistes dans la classe ouvrière russe. Ils constituent le Parti ouvrier social-démocrate de Russie.

Soumis à la répression de l'appareil policier tsariste, ce parti se veut centralisé, discipliné, et la plupart de ses militants sont clandestins.

La scission qui donne naissance à la fraction bolchevique se produit lors du deuxième congrès du parti, qui se tient à Bruxelles puis à Londres, en 1903. Le parti adopte un programme rédigé par Plekhanov et Lénine, qui donne le mot d'ordre de « dictature du prolétariat », « condition indispensable de la révolution sociale ».

Cependant, c'est sur la question des statuts du parti que se fait la division. Lénine propose que l'adhésion au parti soit réservée à ceux qui « participent activement à l'une de ses organisations », Martov à ceux qui adhèrent au programme du Congrès. Derrière ces formulations, est en jeu la conception d'un parti constitué de révolutionnaires professionnels pour Lénine, ou au contraire d'un parti de masse, largement ouvert à l'intelligentsia pour Martov.

Le bolchevik (Boris Koustodiev).

Les bolcheviks constituent dans un premier temps la fraction majoritaire du Parti ouvrier social-démocrate de Russie (le nom venant de большенство, bolchinstvo, qui signifie « majorité »), par opposition aux mencheviks (de меньшенство, menchinstvo, « minorité »).

Vivement critiquée dans l'Internationale, notamment par Rosa Luxemburg, qui dénonce le « danger bureaucratique de l'ultracentralisme », la conception de Lénine remporte des succès en Russie, et selon Pierre Broué, il y a, en 1905, 8 000 bolcheviks dans les organisations clandestines (à mettre en comparaison avec les 12 000 mencheviks à la même époque, et les socialistes-révolutionnaires qui étaient encore plus nombreux)[2].

La révolution de 1905 et la fusion

Lors de la révolution russe de 1905, le parti peut faire de la propagande ouvertement, et les querelles du passé semblent de peu d'importance devant les tâches du moment. Un accord est trouvé entre Lénine et Martov, et un congrès d'unification se réunit en avril 1906. Selon Pierre Broué, le congrès de Londres en 1907, à majorité bolchevique, est élu par 77 000 militants. Mais avec le reflux de la révolution, beaucoup de militants abandonnent leur activité, et le parti s'effondre, passant à moins de 10 000 militants en quelques années.

Rapidement, les divergences entre bolcheviks et mencheviks ressurgissent, les mencheviks voulant orienter le parti vers l'action parlementaire, l'action clandestine leur semblant sans perspectives. Ils préconisent l'alliance avec la bourgeoisie progressiste, Alexander Martinov écrivant que le parti doit « pousser en avant la démocratie bourgeoise ».

Les bolcheviks préconisent au contraire la reprise du travail clandestin dans les centres industriels commencé avant 1905.

La scission de 1912

À partir de 1912, le mouvement ouvrier reprend en Russie, des manifestations étudiantes puis des grèves ouvrières se multiplient (400 000 grévistes le 1er mai 1911). Lénine estime qu'il faudra un parti fortement structuré pour organiser le mouvement révolutionnaire et il est convaincu du fait que les bolcheviks sont en train de gagner la majorité du mouvement ouvrier. Il défend en conséquence la scission avec les mencheviks sur le plan organisationnel.

Le 18 janvier 1912, à la conférence de Prague, les bolcheviks décident de l'exclusion des mencheviks et de la création de « noyaux social-démocrates illégaux entourés d'un réseau aussi étendu que possible de sociétés ouvrières légales ».

Les idées du parti bolchevique

Les bolcheviks se refusaient résolument à reconnaître que la bourgeoisie russe fût capable de mener à bien sa propre révolution, et poussaient au contraire à une alliance entre les paysans et les ouvriers pour mener à bien la révolution socialiste.

À l'opposé, les mencheviks, pour qui le socialisme devait être atteint de manière progressive et par « étapes », voulaient préparer la révolution démocratique bourgeoise, qui permettrait selon eux l'élévation du niveau de vie des masses, condition nécessaire à une révolution socialiste ultérieure[3]. Or la bourgeoisie tenait elle-même à faire alliance avec la monarchie : en effet, la bourgeoisie russe restait hostile à l’expropriation de la grande propriété foncière, et c’est précisément pour cette raison qu'elle était pour un compromis avec la monarchie, sur la base d’une Constitution du type prussien.

Déjà à l'époque, Lénine mettait en avant la question agraire comme le problème central de la révolution démocratique en Russie. « Le nœud de la révolution russe, répétait-il, c’est la question agraire. Il faut conclure à la défaite ou à la victoire de la révolution... selon la manière dont on apprécie la situation des masses dans la lutte pour la terre. »

À l’idée de Georgui Plekhanov d’une alliance du prolétariat avec la bourgeoisie libérale, Lénine opposait l’idée d’une alliance du prolétariat avec la paysannerie. Il proclamait que la tâche de la collaboration révolutionnaire de ces deux classes était d’établir une « dictature démocratique » comme le seul moyen de purger radicalement la Russie du bric-à-brac féodal, de créer une couche de petits cultivateurs libres et d’ouvrir la voie au développement du capitalisme, non pas à la manière prussienne, mais américaine.

La victoire de la révolution, écrivait-il, ne peut être accomplie que « par la dictature, parce que la réalisation des réformes qui sont immédiatement et absolument nécessaires au prolétariat et à la paysannerie provoquera une résistance désespérée chez les propriétaires fonciers, les grands bourgeois et le tsarisme. Sans dictature, il est impossible de briser cette résistance, de repousser les tentatives contre-révolutionnaires. Ce sera une dictature, non pas socialiste, mais démocratique. Elle ne pourra porter atteinte aux fondements du capitalisme (sans toute une série d’étapes intermédiaires dans le développement révolutionnaire). Elle pourra, dans le meilleur des cas, introduire une redistribution radicale de la propriété foncière en faveur de la paysannerie, établir une démocratie importante et complète allant jusqu’à la république, extirper tous les traits asiatiques, tout le legs du servage, non seulement au village, mais aussi dans les usines, poser la base d’une amélioration sérieuse de la situation des ouvriers et de l’élévation de leur niveau de vie ; enfin, porter la conflagration [l'embrasement] révolutionnaire en Europe. »

En dépit des meilleurs espoirs des mencheviks, la bourgeoisie considérait de plus en plus que son rôle était de lutter contre la révolution. C'est dans les « soviets », c’est-à-dire les assemblées de délégués démocratiquement élus et révocables à tout instant comprenant les travailleurs, les soldats et les paysans pauvres que les bolcheviks devinrent majoritaires.

Dès 1917 grâce à l'aide financière et logistique, prêté par l'Allemagne, cherchant à déstabiliser la Russie pendant la première guerre, les bolcheviks comptent sur plus de 2 millions de marks donnés par le gouvernement du kaiser, pour faire une ample propagande[4].

Les résistances politiques

Près de la moitié des principaux leaders bolcheviques après la révolution d'Octobre ont, à un titre ou à un autre, lutté dans le passé contre la politique de Lénine. Le rassemblement de ces militants dans une même organisation ne signifiait pas pour autant la disparition de divergences prêtes à éclater sous les pressions de la situation sociale.

L'opposition de la tendance « Communistes de gauche » rebondit en 1918 avec le débat entourant la signature du traité de Brest-Litovsk. Lorsque Lénine propose d'accepter les termes de l'accord avec l'Allemagne, il est soutenu par une faible partie du Comité Central. L'avancée Allemande et les manœuvres de Lénine lui permettront d'obtenir l'approbation de ses positions et le rejet des propositions du groupe « Kommunist » pour une guerre révolutionnaire. L'argumentation des communistes de gauche s'opposait au nationalisme de la direction bolchevique : l'engagement dans une guerre révolutionnaire occuperait une bonne partie des troupes allemandes, accélérant la chute de la machine de guerre et l'avènement de la révolution allemande.

Plus généralement, les Communistes de gauche qualifiaient la politique léniniste de médiation avec le capital national et international, et estimaient qu'elle serait mortelle pour la révolution. Dans leur texte d'avril 18, les « Thèses sur le moment présent », ils écrivent : « La révolution des ouvriers russes ne peut pas "se sauver" en quittant le chemin de la révolution internationale et faisant des concessions au capital "patriotique". »

Le 4 mars, le comité du parti de Petrograd fait paraître le premier numéro de Kommunist, qui devient l'organe des Communistes de gauche. Leur opposition ne se limite pas à la question du Brest-Litovsk et est telle qu'ils envisagent de scissionner du parti bolchevique et de se battre sur leurs propres bases politiques dans une nouvelle organisation. « Le Parti devra vite décider jusqu'à quel degré la dictature d'individus devra être étendue des chemins de fer et d'autres branches de l'économie au Parti lui-même ». Evgueni Preobrajensky, Kommunist, mai 1918

Certains communistes de gauche (Smirnov, Ossinsky, Sapronov, etc.) se retrouveront dans le groupe « Centralisme démocratique » dont l'origine remonte à 1919. En 1920, au IXe Congrès de mars-avril, ce groupe dénonce la centralisation et les méthodes autoritaires du Comité Central, le « centralisme bureaucratique » et le « centralisme autoritaire ». Les Centralistes démocratiques, dont la revendication ne dépassera jamais le cadre de la démocratie interne du Parti, seront actifs dans la préparation et le déroulement du X°Congrès. Mais leur rôle sera alors éclipsé par celui de « l'Opposition ouvrière ».

Anton Ciliga caractérisera les « décistes » de cette époque comme « l'opposition de sa Majesté » : « sans vouloir se l'avouer, il opposait au léninisme de la période décadente de la révolution le Lénine de la période ascendante ». Ils purent ainsi se survivre une dizaine d'années, une partie d'entre eux se ralliant au léninisme, alors que d'autres allaient évoluer vers des positions voisines de celles du Groupe Ouvrier de Gavril Miasnikov.

Tout comme le groupe Centralisme démocratique, l'Opposition ouvrière se crée en 1919, mais à la différence de celle-ci, elle s'appuie sur une base ouvrière, principalement au travers des syndicats.

Bolchévisation

La « bolchévisation » à partir de 1924, sous Staline, signifie la mise au pas des sections nationales du mouvement communiste pour qu'elles répercutent purement et simplement les points de vue de Moscou.

Le centre de l'Internationale communiste luttait contre les tendances divergentes qui continuaient d'exister au sein de divers mouvements communistes. La bolchévisation a marqué la prise en main complète des partis nationaux par Moscou, et a été le prétexte à de nombreuses exclusions.

Liste de dirigeants bolcheviques

Notes et références

  1. Mots concernés par les recommandations orthographiques
  2. Pierre Broué, Le Parti bolchévique : histoire du P.C. de l'U.R.S.S., Éditions de Minuit, 1963.
  3. Le menchevik Pavel Axelrod a développé cette conception en 1897 dans Le Privilège historique de la social-démocratie russe.
  4. Hélène Carrère d'Encausse, Nicolas II, la transition interrompue, Fayard, 1996.

Bibliographie

  • Arthur Feiler, L'Expérience du bolchévisme, Coll. Les Documents Bleus/ Notre Temps, N°43, Paris, NRF Gallimard, 1931, 275 p.
  • Robert Vaucher, L'enfer bolchévik à Pétrograd. Paris, Librairie Académique Perrin & Cie, 1919

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