- Pluriel interne
-
Le terme de pluriel interne a deux acceptions principales en linguistique, celles-ci n'ayant pas de rapport entre elles :
- au niveau morphologique, on parle de pluriel interne pour décrire une forme plurielle construite, non par adjonction d'affixes, mais par modification du radical (on parle aussi de pluriel brisé) ;
- au niveau cognitif et grammatical, le pluriel interne concerne des termes pluriels envisagés comme des singuliers. Ce terme a été proposé dans ce sens par le linguiste Gustave Guillaume.
Sommaire
Pluriel interne morphologique
Il est répandu dans les langues chamito-sémitiques, sans leur être spécifique toutefois.
En arabe
L'arabe est connu pour ses formes de pluriel interne :
- كِتَاب kitāb → كُتُب kutub « livre(s) »
- فَرَسُن farasun → أَفْرَاسُن afrāsun « cheval / chevaux »
En berbère
Le berbère présente des cas similaires :
- afrux → ifrax « oiseau(x) »
En maltais
Le maltais est une langue d'origine arabe, qui a emprunté des éléments notamment à l'Italien et au sicilien :
- skola → skejjel « école(s) »
En ge'ez et en amharique
L'amharique a conservé des formes archaïques de pluriel interne héritées du ge'ez, ainsi que des formes combinant pluriels interne et externe. Ce mode de formation n'est plus productif de nos jours :
- hagär → ahəgur « pays » (en ge'ez : hagar → āhgur)
- kokäb → käwakəb-t « étoile(-s) »
En breton
Il existe en breton quelques cas de pluriels internes par variation vocalique, mais il s'agit généralement de formes archaïques ou locales, en concurrence avec d'autres formes[1] :
- louarn → lern « renard(s) » (également : louarn(i)ed, louarni, luerned)
- tarv → terv « taureau(x) » (également : tirvi, taroioù)
- maen → mein « pierre(s) »
En anglais
- mouse → mice « souris »
- goose → geese « oie(s) »
Pluriel interne cognitif
Guillaume oppose, dans le cadre de l'opposition conceptuelle continu/discontinu (ou discret), le « pluriel externe », auquel nous sommes habitués, qui serait une « saisie du singulier sous une forme multipliante de pluriel », et le « pluriel interne », qui serait, au contraire, une « saisie du pluriel sous une forme unifiante de singulier[2] ».
Selon Guillaume, le pluriel interne serait la marque de langues anciennes ; il aurait « pratiquement disparu des langues évoluées dont nous nous servons en Europe et qui ont conquis le Nouveau Monde ». Il en subsisterait en français d' « infimes vestiges » :
- les mots qui ne s'emploient qu'au pluriel (fiançailles, obsèques...)
- certains pluriels irréguliers comme yeux, par opposition à œils (des œils-de-bœuf)...
Le pluriel interne, qui aurait généralement disparu à l'époque « préhistorique », resterait représenté dans les langues indo-européennes archaïsantes par le duel[3].
Marc Wilmet reprend le terme de pluriel interne à propos de mots tels que lunettes, ciseaux, bretelles (représentant un seul objet). Il rapproche également l'aspect multiplicatif induit par certains infixes comme -aill-, -ot-, etc. (« criailler, clignoter, etc. ») de la notion de pluriel interne[4].
Notes et références
- ISBN 2-911447-12-3) Francis Favereau, Grammaire du breton contemporain, Skol Vreizh, 1997 (
- Gustave Guillaume, Leçons de linguistique, 1944-1945, séries A et B, p.206
- La théorie du nombre grammatical de Guillaume a été critiquée, notamment par Hervé Curat et Paulo de Carvalho.
- ISBN 2-8011-1337-9), §§ 153, 156, 407 Marc Wilmet, Grammaire critique du français, Duculot, 2003 (
Voir aussi
Bibliographie
- M. Arkoun, Études de linguistique arabe, E.J. Brill, Leiden, 1982 (ISBN 90-04-06796-5) : Karel Petráček, Le système de l'arabe dans une perspective diachronique
Liens externes
Wikimedia Foundation. 2010.