- Bernard Natan
-
Bernard Natan (1886-1942) (né Natan Tannenzaft) est un producteur franco-roumain des années 1920 et 1930.
Natan entra dans le cinéma généraliste, où il acquiert le grand studio de cinéma Pathé en 1929. Pathé s'effondre en 1935, et Natan est accusé d'escroquerie. Il contribue cependant à fonder l'industrie du cinéma moderne en France et à révolutionner la technologie cinématographique dans le monde.
Sommaire
Biographie
Né de parents juifs à Iași en Roumanie près de la frontière russo-roumaine le 18 juillet 1886, Nathan Tannenzaft s'installe en France. Lors de la déclaration de la Première Guerre mondiale, il se présente à la Mairie du Xe dès le 2 août, et s’engage comme volontaire étranger pour la durée de la guerre dans la Légion étrangère. Il passe vingt-et-un mois au front, est gazé en 1916, cité à l’ordre de la division. Il est libéré le 11 octobre 1918. En 1921, il est naturalisé français, en francisant son nom en Bernard Natan.
Il fonde son propre studio, « Rapid Film », pour développer ses films.
Dans les années 1920, il travaille aussi pour Paramount Pictures. La réputation de Rapid Film devient telle que Natan devient membre du comité exécutif de la fédération des employeurs cinématographiques. En 1926, son laboratoire de film est respecté, il construit deux ateliers pour le son. Il produit également les films d'autres studios[1],[2].
En février 1929, Bernard Natan achète la société Pathé, alors la plus grande compagnie de cinéma de France. Il accepte de fusionner son propre studio, Rapid Films (qui valait 25 millions de l'époque) avec Pathé en échange de 50 millions de francs en actions. Après la fusion, Natan renomme la société Pathé-Natan[2],[3],[4].
Pathé subissant déjà une situation financière difficile à la reprise de Natan, la Grande Dépression atteignit l'économie au même moment[5],[3],[4]. Natan tente de renflouer les caisses de Pathé et de moderniser le studio et les méthodes de travail de l'industrie du film. Il reprend un autre studio, Société des cinéromans, d'Arthur Bernède et Gaston Leroux, ce qui permet à Pathé d'étendre ses activités à la manufacture électronique et à la projection. La presse française, cependant, attaque Natan sans pitié sur sa façon de diriger Pathé. Plusieurs de ces attaques sont d'ordre antisémites.
Entre 1930 et 1935, la compagnie Pathé-Natan gagne 100 millions de francs de profits, et produit plus de 60 films (autant que les studios américains de l'époque). Il produit à nouveau les films d'actualité Pathé Journal, qui n'ont plus vu le jour depuis 1927.
En novembre 1929, Natan instaure la première compagnie de télévision de France, Télévision-Baird-Natan. Un an après, il s'associe avec Fernand Vitus afin de prendre le contrôle d'une station de radio à Paris, Radio Vitus, et constitue une société anonyme[n 1], Radio-Natan-Vitus, qui deviendra un véritable empire radiophonique[2],[5],[3],[4].
Mais en 1935, Pathé tombe en banqueroute. Dans le but de financer l'expansion de la société, le conseil de direction (qui comprend toujours Charles Pathé) vote en 1930 la vente de 105 millions de francs d'actions. Mais avec la dépression, seuls 50% des actions sont vendues. L'une des banques qui avait investi s'effondre, et Pathé est forcée de continuer à acheter des chaînes de salles de cinéma, sans en avoir financièrement les moyens. La compagnie finit par perdre plus d'argent qu'elle n'en gagne[2],[5],[3],[4].
La chute de Pathé mène les autorités françaises à mettre en examen Bernard Natan pour escroquerie. Il est accusé d'avoir créé des sociétés fictives, et de mauvaise gestion des affaires. On l'accuse même d'avoir caché ses origines roumaines et juives en changeant de nom. Il est arrêté et emprisonné en 1939. Il fut libéré en septembre 1942[2],[5],[3],[4].
Après la sortie de prison de Natan, le gouvernement français le livra aux forces d'Occupation allemandes. Elles l'envoyèrent au camp de concentration d'Auschwitz, où il mourut quelques semaines après.
La légende du «Bernard Natan pornographe»
Si les débuts de Bernard Natan dans la production cinématographique sont mal connus, c'est aussi parce qu'ils ont été interrompus par des poursuites à l'origine de la légende du «Bernard Natan pornographe». Dans un livre publié en 2004[6], l'éditeur et historien André Rossel-Kirschen (1926-2007)[7], l'un des premiers adhérents de l'Organisation spéciale qui réunissait différentes structures clandestines au sein du Parti communiste français au cours de la période 1940-1944, fait le point à partir des éléments dont nous disposons. Natan, alors âgé de 26 ans, avait été condamné à quatre mois de prison en 1911 pour «outrages aux bonnes mœurs». Par la suite, la presse d'extrême-droite lui reprocha d'avoir été un pornographe. Mais avait-il réellement produit des films pornographiques, c'est-à-dire ou l'acte sexuel était montré et non suggéré ou des films «grivois» que beaucoup de sociétés cinématographiques éditaient au début du vingtième siècle ? La condamnation à une peine relativement faible de quatre mois de prison milite, en tout état de cause, en faveur de l'hypothèse de films dits grivois pour les forains (la loi prévoyait jusqu' à deux ans de prison et les condamnations étaient généralement beaucoup plus sévères)[8]. Reste enfin la question de la présence de Natan comme acteur de films pornographiques entre 1920 et 1926. Les films cités existent et ont été conservés dans quelques cinémathèques, indique André Rossel-Kirschen, ajoutant même à la page 53 du livre précédemment cité, qu'il a pu lui-même en visionner la plupart à l'Institut Kinsey[9]. Il apparaît que l'acteur censé être Natan était en fait beaucoup plus jeune que lui, entre 18 et 25 ans alors que Natan avait 40 ans en 1926. Ici s'arrête l'histoire et débute la légende.
Filmographie (à compléter)
- Producteur
Références
- ISBN 2-85850-793-7 Willems, Gilles. "Rapid-Film et ses Branches Production." Pathé, Premier Empire du Cinéma. Jacques Kermabon, ed. Paris: Centre Georges Pompidou, 1994.
- Willems, Gilles. "Les Origines du Groupe Pathé-Natan et le Modèle Américain." Vingtième Siècle. 46 (April-June 1995).
- ISBN 0-520-21478-1 Abel, Richard. The Red Rooster Scare: Making Cinema American, 1900-1910. Berkeley: University of California Press, 1999.
- ISBN 0-691-00813-2 Abel, Richard. French Cinema: The First Wave 1915-1929. Paperback ed. Princeton: Princeton University Press, 1987.
- http://www.latrobe.edu.au/screeningthepast/classics/rr1199/gwrr8b.htm. Willems, Gilles. "Les origines de Pathé-Natan." In Une Histoire Économique du Cinéma Français (1895-1995), Regards Croisés Franco-Américains. Pierre-Jean Benghozi and Christian Delage, eds. Paris: Harmattan, Collection Champs Visuels, 1997. Traduction anglaise disponible sur
- ISBN 2-912347-40-8) André Rossel-Kirschen, Pathé-Natan, La véritable histoire - Pilote24 Éditions/les Indépendants du Ier siècle, 2004 - (
- [1] Mémoire et Espoirs de la Résistance
- [2] Brigitte Berg, «Mise au point sur Bernard Natan», in "Les indépendants du premier cercle"
- http://www.iub.edu/~kinsey/
Notes
- Société anonyme constitué le 8 août 1930. Capital 1.500.000 francs. Pathé Cinéma 950 actions, Natan, 50, Fernand Vitus 450
Liens externes
- Bernard Natan sur l’Internet Movie Database - Version plus complète en anglais, comportant des erreurs
- Biographie de Bernard Natan
- Précisions sur des affirmations controversées sur Bernard Natan comme pornographe
Catégories :- Producteur français
- Personnalité française du monde des affaires
- Mort en camp de concentration
- Naissance en 1886
- Naissance à Iași
- Décès en 1942
- Titulaire de la Croix de guerre 1914-1918
- Personnalité ayant servi à la Légion
Wikimedia Foundation. 2010.