Mokusei ! Une histoire d'amour

Mokusei ! Une histoire d'amour

Mokusei ! Une histoire d'amour est un roman de l’écrivain néerlandais Cees Nooteboom (° 1933), publié en 1982.

Résumé commenté

Le roman relate l’histoire d’amour entre Arnold Pessers, un photographe hollandais et Satoko, un mannequin japonais. Le récit débute par la déambulation solitaire de Pessers dans les rues de Tokyo ; il pense. S’enchaînent alors deux digressions : la première, est une conversation qu’il a eue à propos du Japon avec son ami De Goede, la deuxième évoque sa rencontre avec Satoko, il y a cinq ans, ainsi qu’un résumé de la relation qu’ils ont entretenue. À l’issue de ces retours en arrière, le photographe se retrouve face à la réalité : il est dans l’obligation de se séparer de Satoko. Le dernier chapitre décrit l’ultime journée de leur idylle, qui est en fait une réplique du premier. Le récit se clôt sur une note de désespoir : pour Arnold, c’était la seule véritable histoire d’amour qu’il ait vécue.

La majeure partie du roman se déroule au Japon, et les commentaires du photographe à l’égard de cette contrée sont nombreux et variés. Malgré le fait qu’il soit hostile à un Japon occidentalisé, sa vision positive du Japon traditionnel semble être étroitement liée aux sentiments naissants pour Satoko. Malgré cela, est-ce que Pessers n’avait pas certaines prédispositions pour aimer le Japon et Satoko ?

Dès le début, Arnold dénigre le Japon occidentalisé. Quand il marche au hasard des rues dans le quartier de Ginza, le plus gros quartier des affaires à Tokyo et qui laisse donc peu de place à une culture traditionnelle, il parle de « la laideur barbare du décor » (chapitre 1). Aussi, Pessers voit dans la cafétéria dernière mode (chapitre 2), la lumière mauve des néons, qui « jetait sur les peaux japonaises une lividité mortelle ». L’image est symbolique : le néon qui est une invention occidentale vient répandre la mort aux japonais. Visiblement, ce Japon là n’est pas celui qu’affectionne le photographe.

Ce n’est seulement qu’au chapitre 5, que l’on trouve une représentation positive du Japon lorsqu'Arnold admire le kimono posé sur son lit d’hôtel : il admire un objet propre à la culture japonaise au lieu d’allumer le téléviseur. Le Japon traditionnel a pris le pas sur l’occidental.

Arnold ne trouve le Japon beau que dans son authenticité, dans sa capacité à différer des autres pays. C’est l’impression qu’a voulu donner l’auteur. C’est pourquoi, au lieu de présenter son récit de façon continue, il use des digressions qui constituent plus de la moitié de l’œuvre. Sa vision du Japon évolue suivant ses sentiments.

Quand Satoko et Pessers prennent la route ensemble en direction du mont Fuji, un jeu entre l’admiration du mont Fuji et du mannequin est effectué. Le mont Fuji à un moment donné est vu de façon érotique : ce n’est là que le désir du photographe transposé sur sa perception des choses. Par ailleurs, à partir de cette rencontre les passages de description sont multipliés. Le sentiment amoureux permettrait d’accroître la sensibilité de Pessers qui se sent comme dans un rêve.

On pourrait dire que cet enthousiasme à l’égard du Japon et de Satoko ne fait que coïncider avec l’éloignement de l’agglomération si au dernier chapitre, l’on ne parlait pas de l’ultime journée de cette histoire d’amour qui est une réplique du premier. Désespéré par la rupture, la vision des choses si gaie cinq ans auparavant change du tout au tout. Si au chapitre 8 il prenait des photos pour se souvenir de ces moments, lors de sa réplique, il ne souhaite pas en prendre du tout. Pourtant, ce qui constitue le paysage est identique, sauf qu’il est vu à travers des yeux malheureux.

Les états d’âme de Pessers influencent nettement sa sensibilité. Malgré cela, une chose peut paraître intrigante : qu’est-ce qui fait qu’il soit tombé si fortement amoureux de Satoko ? La représentation de ce personnage dans Mokusei ! ainsi que les éventuelles prédispositions à l’aimer seraient utiles à comprendre cela.

Arnold parle de la seule histoire d’amour qu’il ait vécue au chapitre 7. Il a donc vu en Satoko quelque chose d’unique, de rare. Cela se manifeste dès sa première rencontre lorsqu’il la compare à cette chouette des neiges qu’il n’est pas parvenu à photographier ; une bête à l’allure mystérieuse, d’une « inquiétante blancheur » (chapitre 6). Cette part d’insaisissable et d’inconnu, il la retrouve chez le mannequin. Quand il parle de son visage, il parle de masque. À la fin du chapitre 8, le photographe lui en trouve trois : « le masque de l’Asie, celui de sa propre impénétrabilité et le troisième, non moins dissimulateur, l’écran du sommeil ». Autant d’aspects qui éloignent Pessers de Satoko : lorsque chez l’un les sentiments sont clairement visibles et même exaltés, chez l’autre, ils sont dissimulés le plus possible.

Cette part d’impénétrabilité, qu’on retrouve à travers les masques de Satoko et caractéristique du Japon quand De Goede qui est supposé le connaître avoue ne rien y comprendre (chapitre 1), semble être le pôle d’attraction du photographe. En effet, ce dernier semble vouer une fascination pour la mort ; chose qui semble s’être affirmée durant son adolescence à la vue du masque mortuaire d’une jeune inconnue (chapitre 8). L’alliance chez Satoko de sa jeunesse éternelle (car en l’espace de cinq ans elle ne semble pas du tout vieillir) et de son aptitude à ressembler à un cadavre lorsqu’elle dort font d’elle la sublimation des peurs qu’il a pu ressentir en étant jeune à la vue de ce masque mortuaire, un peu à l’image de la madeleine de Proust. Les retrouvailles avec des saveurs qu’il n’a pas connu depuis longtemps le transportent. Ainsi, on pourrait dire que Pessers a choisi le métier de photographe car c’est un homme qui se plait à cristalliser ses souvenirs, on le voit aussi à la précision de ses digressions qui prennent plus de place que le présent dans le récit.

La représentation du Japon dans Mokusei ! n’est que le reflet des sentiments du photographe. La relation entre lui et Satoko a échoué car il n’était pas japonais finalement : il n’est pas parvenu à voir ce qui se cachait sous les « masques » qu’elle portait, à entrer dans une vie de couple régulière. On donc peut se demander si cette incapacité à faire perdurer cette relation ne symboliserait pas l’impossibilité des occidentaux à réellement comprendre le Japon qui aurait gardé son unité malgré sa modernisation.


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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Mokusei ! Une histoire d'amour de Wikipédia en français (auteurs)

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