Les machines anatomiques de Raimondo Di Sangro

Les machines anatomiques de Raimondo Di Sangro

Les "machines anatomiques" du Prince Raimondo di Sangro sont deux cadavres humains grandeur nature, suspendus verticalement et enchâssés dans deux présentoirs distincts, en bois blanc vitrés antérieurement, se faisant presque vis-à-vis à moins de deux mètres de distance, datant de la seconde moitié du XVIIIe siècle (estimation: 1763-64), dont seuls les os et le système cardio-vasculaire sont presque intégralement conservés (ainsi que quelques organes). Conservant une arborescence complète d'un sang coagulé, dans ses teintes rouge corail et bleutée, elles se présentent comme un homme et une femme préservés dans les souterrains de La Piatella (Temple de la Piété), actuelle chapelle privée de San Severo (Santa Maria della Pietà, dépendant de la famille d'Aquino), de style renaissance napolitaine et proche du centre historique de la ville. Leur identité est parfaitement inconnue. D'aucuns penchent pour des domestiques du Prince, l'assistant dans ses travaux alchimiques (ils furent découvert dans le laboratoire même du Prince, puis transférés dans la principale chambre souterraine de la chapelle, appelée alors l'appartement du Sphynx). Une lettre écrite de la propre main du Prince et décrivant les corps, datée de 1766, abonde en ce sens. D'autres pensent que le cadavre mâle n'est autre... que le Prince lui-même, empoisonné par ses propres -et fort nombreux- ennemis (membres du clergé, francs-maçons -dont il fut un temps l'un des membres-...), son décès (en 1771) étant cependant semble-t-il aussi lié à un malencontreux empoisonnement lors d'une de ses expériences secrètes. Le fœtus de sexe féminin d'un nouveau-né, conservé également par le même procédé, fut dérobé sur place durant les années 60'.

Le Prince, éclectique scientifique, avait pour but ultime de ressusciter dans ses laboratoires tous types d'êtres vivants à partir de leurs cendres, grâce -notamment- à ses connaissances alchimiques poussées. Il arrivait à conserver intacte la forme de crânes, malgré une combustion prolongée. La question se pose encore de savoir si le Prince fut directement le créateur de ces "œuvres" (ou s'il ne fut qu'un simple "mécène" en la matière),.. et si l'opération s'effectua sur un couple (voire un trio) d'êtres humains vivants... ou morts (il est de notoriété locale que de vieilles napolitaines se signent encore à la seule évocation verbale du nom du Prince).

Hypothèses de création

  • Une solution à base de mercure, injectée dans le système vasculaire, "pétrifiant" l'ensemble du réseau. L'aspect assombri des couleurs du résultat final prêche en ce sens. Rappelons cependant qu'aiguilles creuses et effilées en biseaux ne furent découverts que durant la seconde moitié du XIXe siècle, après la seringue à piston de Charles Gabriel Pravaz en 1841.
  • La visualisation de l'ensemble du réseau sanguin implique un corps encore vivant, pour pomper de l'intérieur la solution métallique présumée, dans ce cadre de figure.
  • Les corps furent découverts alors que l'anatomie exacte vasculaire humaine n'était pas connue avec grande précision, ce qui infirme en partie l'hypothèse d'une reconstitution artificielle.
  • L'empoisonnement progressif a également été évoqué. Les deux corps ne possédant plus d'estomac, il se pourrait alors que le ou les "pétrificateur" ai(en)t voulu(s) effacer toute trace de sa (leur) forfaiture.
  • Le corps de l'homme est beaucoup plus dégradé que celui de la femme, qui conserve un globe oculaire bien sphérique, et brillant. Manquent ainsi une grande partie du bas réseau vasculaire masculin, à hauteur du tiers inférieur des cuisses. Les vaisseaux du visage sont absents chez le mâle, et l'ossature de ses deux pieds a disparu. Ces faits peuvent corroborer la piste de bourreau(x) du Prince, s'étant acharné(s) sur son corps. Celui de la femme est posé sur un socle tournant, son membre supérieur droit semblant prendre une attitude d'auto-défense. Elle était enceinte, et son placenta reste visible entre ses pieds, conservant de plus la forme du fœtus sus-cité.
  • La création du "triptyque" de la "machine anatomique de Di Sangro" a pu être commanditée à un médecin anatomiste de Palerme, Domenico Giuseppe Salerno, comme le suggère un contrat encore conservé dans le bureau d'un notaire de Naples, établi entre le Prince et ce personnage: à partir de deux (trois) squelettes humains, le Prince se serait ainsi engagé à fournir au médecin du fil et de la cire de couleur (en utilisant alors un procédé de son invention), pour reconstruire l'arbre circulatoire, et fournir ainsi un modèle pédagogique précieux pour les étudiants de l'époque et à venir.
  • Quoi qu'il en soit, la famille d'Aquino, en partie issue d'un milieu d'avocats napolitains, s'est très longtemps opposée à une analyse scientifique détaillée des deux pièces encore exposées. Quelques résultats préliminaires ont cependant été effectués, et rendus publics, durant les années 50': l'ensemble du réseau sanguin solidifié serait ainsi composé pour un sixième de particules métalliques.
  • En 2008, des scientifiques de l'Institut d'Archéologie de l'University College de Londres (UCL) ont conclu après analyse de fragments du réseau que ce dernier était en fait composé de fibres de soie et de petits câbles métalliques, enrobés de cire de couleur, nécessitant quoi qu'il en soit une dextérité hors norme associée à des connaissance anatomiques incongrues pour l'époque. Les organes internes restants n'ont, quant à eux alors, pas été examinés.

Bibliographie

  • Giangiuseppe Origliglia: ami du Prince, il en publia la première biographie manuscrite partielle.
  • Les phénomènes inexpliqués, éd. Sélection du Reader Digest, 1983 (page 40).
  • Lina Sansone Vagni, Raimondo di Sangro Principe di San Severo, éd. Bastogi, 1992.
  • Javier Sierra: article en français Les "machines anatomiques" de Raimondo Di Sangro, issu de En busca de la edad de Oro de ce même auteur espagnol .
  • Giuliano Capecelatro, Un sole nel labirinto, storia e leggenda di Raimondo di Sangro, Principe di Sansevero, éd. il Saggiatore 2000.
  • Mario Buonoconto, Viaggio fantastico, éd. Alos, 2001.

Liens externes


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