Le Journal de Bourbonne

Le Journal de Bourbonne
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Le Journal de Bourbonne est une feuille à parution variable[1], créée en 1882 par un libraire imprimeur de la ville de Bourbonne-les-Bains, A. Humbert[2].

Cet imprimeur est mort le 28 septembre 1909 et à cette date, il semble que c'est son fils qui avait repris l'affaire et la publication. Mais c'était un truchement local. En effet, l'inspirateur politique de ce journal était un avocat parisien, Xavier de Borssat[3], qui signait parfois un article en une du journal et faisait paraître, par ailleurs, un autre journal, à Langres[4].

Sommaire

Tendance politique du journal

Il y avait alors en Haute-Marne essentiellement deux familles politiques de journaux : les journaux plutôt anticléricaux et proches du parti radical-socialiste et les journaux plutôt cléricaux.

Le Journal de Bourbonne appartenait à la seconde de ces tendances. Il avait été boulangiste en 1888 et il devint antidreyfusard plus tard.

Tous ces journaux locaux avaient une double fonction. Une fonction politique, ils représentaient l'organe de propagande d'un élu. Une fonction économique, ils représentaient des moyens d'annonce, de liaison, de publicité, dans des sociétés civiles en voie de complexification. D'où un assez grand nombre de petits journaux en concurrence mutuelle. Enfin, le plus souvent ils répercutaient des informations nationales, hébergeaient dans leurs colonnes des éditorialistes parisiens professionnels, appartenant à leurs courants politiques.

Le Journal de Bourbonne se qualifiait lui-même de "républicain libéral" et s'opposait à la majorité radicale-socialiste, "bloquiste" (bloc des gauches). Il appuyait ainsi, lors d'une législative partielle, fin 1910, un candidat qui échoua, Edouard Dessein, face à deux radicaux[5]. Ce candidat se refusait "à manger du curé" (programme exposé dans le journal du 4 décembre 1910). Le Journal de Bourbonne manifesta ensuite bruyamment son opposition au député élu, l'horticulteur langrois, Théophile Viard. Toutefois, alors qu'il existait un autre journal à Bourbonne, la Gazette de Bourbonne, de tendance anticléricale, c'est avec le Petit Haut-Marnais (publié à Chaumont) que le journal de Bourbonne rompait des lances.

Dès 1899, à l'occasion de la grâce présidentielle accordée à Dreyfus, l'âpreté du débat montrait déjà des accents antirépublicains qu'on reverrait dans les années 1930, dans la presse française. Le journal déjà largement antiparlementaire écrivait, "les loges, les juifs, les sans patrie et les anarchistes triomphent ; les honnêtes gens poursuivis et traqués. Tout cela c'est la République."[6]

Forme et contenu du journal

Le Journal de Bourbonne s'étendait sur quatre pages.

Par certains côtés, il préfigurait l'avenir de la presse régionale, mais l'étroitesse de son bassin d'expansion le condamnait à terme à manquer d'ambition.

Sa Une était consacrée à un éditorial politique et à un feuilleton[7]. Les deux pages suivantes étaient consacrées aux nouvelles locales ou aux annonces. Enfin, la quatrième page était intégralement publicitaire. Les informations locales comprenaient des comptes rendus des travaux du conseil général, des assises du département, des faits divers, des informations variées comme les résultats électoraux. ou encore, en 1899 la liste des abonnés du téléphone pour tout le département et souvent il publiait la liste officielle des étrangers installés à l'hôtel pour les bains.

Son tirage a été de 500 à 700 exemplaires, probablement limité à un rayonnement surtout cantonal. Son prix était modique (abonnement local de 3 fr. par an, vers 1910 et de 5 fr. par an en 1899, quand le journal était bi-hebdomadaire) et similaire à celui des quotidiens parisiens populaires[8]. Mais certains quotidiens faisaient 6 pages ou même 8 et en grand format, le Petit Journal était déjà illustré, tandis que le Journal de Bourbonne, en format moyen, sur 4 pages et sans illustration, offrait une version minimale de la presse de l'époque.

Cette presse locale était tout de même essentielle comme organe d'annonce pour les "intérêts locaux", commerciaux ou politiques. Le sous titre du Journal de Bourbonne était : Politique, organe des Intérêts Commerciaux, Industriels et Agricoles de l'Est et de la Station Thermale. Mais ses prises de parti nettes au plan politique, limitaient sa diffusion et donc empêchaient les économies d'échelle. En contrepartie, il y avait beaucoup de journaux à cette époque, une petite ville comme Bourbonne pouvait avoir deux journaux, quand les plus grandes comme Nancy, Metz, Dijon pouvaient en avoir 4 ou 6.

Quelques tirages locaux de cette époque, en Haute-Marne :

Journaux (Epoque, Lieu de publication, tirages en nombre d'exemplaires) : L’Avant Garde Républicaine,1897, Chaumont, 3000 ; La Liberté, 1897, Saint-Dizier, 2300 ; Le Petit Haut-Marnais, Chaumont, 3000 ; La Gazette de Bourbonne 1908, Bourbonne, 400 ; Le Patriote, Saint-Dizier, 1000 ; Le Réveil des Travailleurs, 1905, Saint-Dizier, 1200.

On peut voir que la diffusion du Journal de Bourbonne était des plus minces et n'avait pas progressé, puisque de bi-hebdomadaire, le journal était devenu simplement hebdomadaire. L'exode rural qui frappait particulièrement les régions de petite montagne et de petites villes ne pouvait pas donner du dynamisme à la presse locale de Bourbonne.

Cependant, par l'importance de ses informations locales, ce journal préfigurait plus que d'autres (plus que Toujours en avant, de Langres, par exemple), ce qu'allait devenir la presse régionale.

La fin du Journal de Bourbonne

On peut supposer que le journal disparut avec la première guerre mondiale. D'une part, il était en perte de vitesse, par sa faible diffusion, son petit format, sa forme déjà archaïque. Les journaux avancés de cette époque publiaient déjà des photographies, et pouvaient avoir 6 ou 8 pages. L'Ouest-Eclair, le Petit Journal, ... montrent par comparaison, le caractère archaïque du Journal de Bourbonne qui ne s'était pas renouvelé depuis sa naissance. Or la mobilisation des hommes sur le front dévitalisa les provinces du pays. Tout le monde fut tourné plus que jamais vers Paris et le front et non plus vers la vie locale qui faute de main d'œuvre dut se concentrer sur l'essentiel. Le journal dut donc disparaître rapidement après l'entrée en guerre du pays.


Epilogue

Seule la Gazette de Bourbonne-les-Bains survécut à la première guerre mondiale, mais ce fut pour disparaître finalement en 1929, semble-t-il continuée par Le Cri de Bourbonne qui ne put paraître que quelques mois[9].

En mars 1930, la presse avait disparu de la petite ville de Bourbonne dont le déclin démographique allait encore s'accentuer jusqu'à nos jours.

Aujourd'hui, seul Internet pourrait faire revivre des formes de journaux locaux dans le monde rural mais on ne voit pas encore ou les instruments logiciels ou les initiatives économiques qui assureraient ce renouveau.

Dans l'intervalle, le Journal de la Haute-Marne assure "l'intérim", par ses éditions locales, lui-même menacé comme toute la presse.

Notes et références

  1. Bi-hebdomadaire, en 1896-1899, il paraissait le jeudi et le dimanche. Par contre, en 1909-12, il ne paraissait plus que le dimanche.
  2. Toutes les informations apportées par le créateur de l'article proviennent de la lecture du Journal de Bourbonne dont une collection (évidemment incomplète) se trouve aux archives départementales de la Haute-Marne et d'un article publié par Les Cahiers Haut-Marnais, en 1959 (n° 58-59), sous la plume de Odile Colin,intitulé : "Les journaux politiques publiés dans le département de la Haute-Marne, de 1871 à 1914." On trouve d'autre part des notices des parlementaires mentionnés sur les dictionnaires fournis par les sites de l'Assemblée Nationale et du Sénat, les journaux parisiens sont consultables sur le site de la Bibliothèque Nationale : Gallica.
  3. Il était aussi membre de l'Amicale des haut-marnais de Paris et le Journal de Bourbonne rend compte des réunions de cette société de secours mutuel fondée par plusieurs centaines de hauts-marnais de Paris, à la fin du XIXème siècle.
  4. Toujours en avant (1899) devenu En avant en 1900 et qui fusionna avec l'Impartial, en 1901.Mais cet hebdomadaire était très différent du Journal de Bourbonne. Il était intégralement politique, ardemment nationaliste, ouvertement antisémite. Ce journal rappelle beaucoup l'Action Française et a fait de la propagande active pour la création d'un parti agrarien, le PAN. On trouve une collection de ce journal à la médiathèque de Langres.
  5. Edouard Dessein échoua lors de ses deux premières candidatures mais finit par être élu en 1914.
  6. Journal de Bourbonne, 24 septembre 1899.
  7. Il s'agit de romans nationalistes ou exaltant la foi catholique (notamment un roman de Lucien Thomin)
  8. L'Aurore ou l'Humanité ou le Petit Journal coûtaient 5 centimes par numéro, tandis que le Journal de Bourbonne était à 4,81, puis 5,76 centimes. Les journaux plus mondains (le Gaulois, par exemple) montaient à des 10 et 15 centimes le numéro.
  9. MH Deloraine, Bibliographie de la presse française politique et d'information générale 52 (Bibliothèque nationale,1977)

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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Le Journal de Bourbonne de Wikipédia en français (auteurs)

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