Résistance du VIH face aux inhibiteurs de la protéase

Résistance du VIH face aux inhibiteurs de la protéase

La protéase est une protéine virale permettant le clivage dune polyprotéine en plusieurs protéines qui seront actives une fois séparées des autres. La protéase est donc essentielle à la réplication de certains virus tels que le VIH-1. Cest une protéine visée lors de traitement antiviraux. Un inhibiteur de la protéase (IP) permet linactivation de cette protéine et larrêt de la réplication virale[1]. Cependant, une infection au VIH-1 est en mesure de persister malgré la présence dun IP dans lorganisme. Ceci est au développement dune résistance face aux inhibiteurs de la protéase[2].


Sommaire

Le développement des résistances

Les résistances aux différents médicaments antiviraux sont dues à des mutations dans le génome du virus ciblé. Les virus se répliquent rapidement et nont pas autant de mécanismes de réparation génomique quune cellule eucaryote. Pour ces raisons, il y a un haut taux de mutations chez les virus. Certaines de ces mutations se font dans les régions clés des protéines virales ciblées par les agents antiviraux. Ainsi, les virus étant mutés pour ces régions clés sont résistants aux antiviraux ciblant ces mêmes régions[3].

Une résistance devient apparente lorsquun antiviral efficace est utilisé contre le virus. Lutilisation de cet antiviral réduit considérablement la quantité de virus non résistants, laissant place aux virus mutés résistants. En fait, le développement dune résistance fonctionne en suivant la logique de la sélection naturelle de Darwin, mais de façon accélérée. Les virus mutés et non mutés luttent de façon naturelle pour être dominants (plus nombreux). La présence de molécules antivirales crée un environnement hostile pour les virus non résistants normalement dominants. Les virus résistants profitent de ces conditions favorables par rapport aux autres pour devenir dominants[3].

Le VIH-1 est un virus particulièrement efficace dans le développement de résistances et cest pourquoi aucun traitement ne permet lélimination complète du virus dans lorganisme. Dans le cas de la résistance aux inhibiteurs de la protéase, des mutations sont retrouvées dans une grande proportion des acides aminés constituant la protéase. En effet, des polymorphismes dans près de 50% (49/99) des codons, ainsi que des substitutions dans 20 autres codons, ont été associés à une résistance aux IP. On distingue deux types de mutations favorables à la survie du VIH-1 en présence dIP : la résistance primaire et les résistances secondaires ou compensatoires[3].


La résistance primaire

Les inhibiteurs de la protéase reconnaissent une séquence peptidique particulière située sur le site actif de la protéase. Les IP sy lient et empêchent la protéase daccomplir son activité catalytique normale sur les polyprotéines gag et gag-pol. La résistance primaire est due à un ou plusieurs changements dacides aminés au niveau de ce site actif ou près de celui-ci. Il devient donc plus difficile, voire impossible pour les IP de se lier à la protéase et lempêcher de faire son travail[4].

Ce type de mutation se nomme mutation primaire parce quelle apparaît avant la mutation secondaire dans le temps, mais aussi parce que cest elle qui confère la résistance aux inhibiteurs de la protéase. La mutation secondaire seule ne procure aucune résistance face aux IP.

Une mutation dans le site actif de la protéase permet de contourner laction des inhibiteurs de la protéase, mais réduit également lefficacité de la protéase à cliver les polyprotéines gag et gag-pol. Ceci sexplique par le fait quun site actif modifié ne reconnaît plus aussi efficacement son substrat. La diminution de lactivité catalytique de la protéase entraîne une diminution de lactivité réplicative du virus, soit une baisse de sa fitness[4].


Les résistances secondaires ou compensatoires

Une résistance compensatoire ou secondaire est une mutation de la protéase à un autre endroit que dans le site actif. Cette mutation permet de pallier la modification du site actif de la protéase en augmentant laffinité du substrat avec lenzyme modifiée[4]. De plus, certaines mutations compensatoires ont lieu sur le substrat, plus précisément à lextrémité C-terminale de la polyprotéine gag. Ces mutations joueraient un rôle déterminant dans lacquisition dune résistance aux IP, permettant à la protéase de retrouver une certaine efficacité[5]. Les résistances secondaires aident ainsi la protéase à augmenter son activité catalytique et, par le fait même, la fitness du virus, sans nécessairement que celui-ci retrouve lefficacité dun virus non résistant.

Dailleurs, la plupart de ces mutations secondaires ne sont que très rarement retrouvées chez des virus non résistants aux inhibiteurs de la protéase. Ceci suggère donc que ces mutations compensatoires ne sont pas profitables au virus pour sa réplication et, de ce fait, quelles constituent un désavantage sélectif pour le virus dun point de vue global[4].

Cependant, une accumulation de certaines mutations compensatoires particulières permet davoir une efficacité réplicative égale, voire même supérieure, à celle du type sauvage dans un environnement il y a présence dun IP. La fitness des mutations suit lordre suivant, wt signifiant « wild type » ou type sauvage : 36I/54V/71V/82T < 20R/36I/54V/71V/82T < wt < 82T < 84V < 36I/54V < 36I/54V < 36I/54V/82T[4].


Facteurs influençant la résistance

Cest dans un environnement in vitro que les résistances chez le VIH-1 ont tout dabord été observées, cependant il a été déterminé que le phénomène de développement de résistance était catalysé in vivo. En effet, les contacts entre les différentes souches de VIH-1 étant fréquents lors de contact entre les individus séropositifs, les recombinaisons génomiques sont davantage rencontrées in vivo. Ces observations ont permis de déterminer que le type de résistances variait en fonction des individus : selon leur mode de vie, leurs habitudes alimentaires et même leur propre métabolisme[2].

De plus, il a été déterminé que selon linhibiteur de la protéase utilisé, les mutations avaient lieu sur différents acides aminés. Comme chaque IP a sa propre cible sur la protéase du VIH-1, il est normal quun virus ayant une mutation conférant une résistance à un certain IP ne soit pas nécessairement résistant un autre IP. Il existe par contre des mutations conférant des résistances à de multiples IP nommées résistances croisées[6].


Résistance croisée

La résistance à plusieurs inhibiteurs de la protéase est normalement causée par lutilisation dIP spécifiques. La résistance croisée sexplique par la proximité des cibles protéiques de chacun des IP. Tels que mentionné précédemment, les IP ciblent le site actif de la protéase. Comme ceux-ci sont de petites molécules extrêmement spécifiques, chacun a une cible particulière dans le site actif, mais il arrive que les séquences peptidiques ciblées par différents inhibiteurs de la protéase se croisent. Il est donc possible quune seule mutation ponctuelle, retrouvée sur une de ces régions ciblées par plus dun IP, permette lapparition dune telle forme de résistance[6].

Par exemple, lacide aminé 82 est au cœur du site actif de la protéase et est ciblé par plusieurs IP. Ainsi, le simple remplacement de la valine située à cette position par une alanine permet une résistance à de multiples IP[6].

La résistance croisée est la principale explication de la diminution de lefficacité dun IP après lutilisation dun autre IP différent dans le passé[6].


Diminution de l'efficacité des IP sans résistance

Il a aussi été déterminé que certains inhibiteurs de la protéase nuisent aux autres IP lors dun traitement en utilisant plus dun. En utilisant des sites très semblables sur la protéase dans le but de linhiber, les différents inhibiteurs entrent en compétition, devenant moins efficaces quils ne le sont normalement. Ainsi, les IP utilisés ont une efficacité inférieure à la somme de lefficacité normale des IP utilisés individuellement. Cest pourquoi les IP sont maintenant utilisés en association avec dautres antiviraux affectant dautres composantes virales que la protéase[7].


Comment remédier à la résistance du VIH face aux IP

Étant donné lacquisition inévitable de résistance aux inhibiteurs de la protéase lors dun traitement contre le VIH-1, il est normal de se demander pourquoi ces molécules sont toujours utilisées.

Bien que les inhibiteurs de la protéase ne parviennent pas à éliminer complètement le VIH-1, ils permettent dans la plupart des cas de diminuer considérablement sa fitness, ralentissant ainsi la progression de la maladie, le passage vers le SIDA et la réduction des symptômes associés à une infection au VIH-1.

De plus, les IP sont désormais utilisés en association avec dautres molécules antivirales comme des inhibiteurs nucléotidiques de la réverse transcriptase (NRTI) ou des inhibiteurs non nucléotidiques de la réverse transcriptase (NNRTI)[8]. Ainsi, plusieurs virus, normalement résistants à ces autres antiviraux, ne sont pas en mesure de subsister étant donné quils ne sont pas résistants aux IP et vice versa. Cependant, un petit nombre de virus sont résistants à tous ces antiviraux et peuvent survivre[9]. Néanmoins, ces nombreuses mutations réduisent lactivité réplicative du virus et permettent, encore une fois, un développement plus lent de linfection et des maladies associées.

Enfin, lutilisation dantiviraux contre le VIH-1 na pas pour objectif la guérison totale de linfection, mais bien une diminution de ses côtés désagréables. De cette façon, la qualité et la durée de vie des individus infectés sont augmentées[10]. Lallongement de la vie permet également aux gens séropositifs despérer quun traitement qui permettrait une disparition complète du VIH dans leur organisme soit découvert avant leur décès.


Références

  1. Pierre Marie GIRARD et al. VIH, Éditions Doin, 2007, p.352.
  2. a et b LAFEMINA, Robert L. Antiviral research: strategies in antiviral drug discovery, ASM press, 2009, p.128.
  3. a, b et c SHAFER, Robert W. HIV-1 Drug resistance testing - a brief review of the clinical issues, Business briefings: long term healthcare, 2004, p.48-49.
  4. a, b, c, d et e SCHOOLEY et al. HIV chemotherapy, Horizon Scientific Press, Norfolk U.K., 2005, P.86-89
  5. [1], Elisabeth DAM et al. Gag Mutations Strongly Contribute to HIV-1 Resistance to Protease Inhibitors in Highly Drug-Experienced Patients besides Compensating for Fitness Loss, 2008.
  6. a, b, c et d AUGUST, J. Thomas et Ferid MURAD. HIV-1: molecular biology and pathogenesis, Academic Press, 2nd edition, 2008, p.182-187.
  7. [2], GILDEN, D., J. FALKENBERG et G. TORRES. Protease inhibitors: resistance, resistance, resistance., 1997.
  8. [3],NYU MEDICAL CENTER, HIV treatments options, 2009.
  9. [4], AGENCE DE LA SANTÉ PUBLIQUE DU CANADA, rapport de surveillance sur le VIH-1 et la pharmacorésistance, 2005.
  10. [5], TRABACCHI, Ghislaine. Sida: peut-on assouplir le traitement.

Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Résistance du VIH face aux inhibiteurs de la protéase de Wikipédia en français (auteurs)

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