Jean Desbouvrie

Jean Desbouvrie
Jean Desbouvrie
Naissance Entre 1840 et 1847
à Roubaix, France
Décès Date inconnue
Nationalité Drapeau de France France
Profession Colombophile
Inventeur

Jean Desbouvrie (né entre 1840 et 1847 à Roubaix et décédé à une date inconnue[note 1]) était un Français, dresseur d'oiseaux amateur, qui pensait pouvoir utiliser les hirondelles à des fins de communication militaire. À la fin du XIXe siècle, Desbouvrie parvint à convaincre le gouvernement français de lui confier des études de faisabilité sur l'utilisation militaire d'hirondelles comme messagères.

Ses premières expériences ont montré que les hirondelles disposaient d'une capacité à retrouver leur nid et que, quand elles le faisaient, elles battaient de vitesse les pigeons voyageurs. Desbouvrie a également réussi à contrarier le comportement migrateur naturel de ses oiseaux. Cependant, après avoir obtenu le soutien du gouvernement, Desbouvrie a négligé ses recherches, qu'il n'a jamais menées à bien dans le cadre d'une expérimentation rigoureuse.

Outre pour ses expériences sur les oiseaux, la presse internationale s'est aussi intéressée à Desbouvrie pour un sujet très différent : il a en effet soumis à l'Académie nationale de médecine de Paris un article sur l'alcoolisme chronique. L'académie a publié cet article, qui présentait l'alcoolisme chronique comme un problème majeur de santé publique et apportait une solution contre la « gueule de bois ». La théorie avancée par Desbouvrie était que, en consommant de la nourriture comportant une quantité appropriée de graisse et d'albumine, il était possible de se protéger contre les effets négatifs de l'alcool. Avec son manuscrit, il envoya une boîte de chocolats maison, comportant la bonne proportion de ces ingrédients, en assurant qu'il avait expérimenté la prescription sur lui-même.

Sommaire

Biographie

Jeunesse

Jean Desbouvrie a grandi dans un village proche de Roubaix, où il travaillait comme coursier pour son père[1]. Dès sa jeunesse, il montra un grand intérêt pour les oiseaux et se persuada que, contrairement aux croyances populaires, on pouvait dresser les hirondelles. Pour en faire la preuve, à partir de l'âge de 11 ans, il profita de ses livraisons pour capturer des hirondelles en volant des nids le long de son chemin. Il parvint finalement à dresser une douzaine d'hirondelles, qui « le suivaient, lui tournaient autour et se posaient sur ses épaules en pleine rue », selon une publication de 1889[1].

Adulte

Desbouvrie devient ouvrier, se marie, et conserve sa passion pour l'hirondellisme (la colombophilie des hirondelles[2]). Il tente de transformer sa passion en métier sur deux plans : réussir à intéresser le gouvernement pour en obtenir une rente, et tirer profit de la vente des hirondelles non dressées.

Lorsque Jean Desbouvrie se rend compte que même si on peut contrarier le comportement migrateur des hirondelles et les garder près de soi en hiver, les contraintes de l'hiver ne permettent pas d'utiliser les hirondelles d'un point de vue militaire. Il tente maladroitement de prolonger les études, mais finit par sombrer dans l'alcoolisme. Pour se soigner, il invente une recette permettant de limiter les effets de l'absorption d'alcool. Inventeur dans l'âme, il tente de faire valider cette recette par l'Académie de médecine. Trois ans plus tard, il blesse gravement sa femme sous l'emprise de l'alcool[3], est arrêté et termine sa vie dans l'anonymat.

Entraînement des hirondelles

Desbouvrie gardait ses hirondelles dans une cage, et les entraînait à voler à l'intérieur et à l'extérieur de la cage. Un rapport de 1889 décrit une démonstration de Desbouvrie :

« Quatre de ses petits prisonniers, dont le plus vieux n'avait pas 20 jours, ont été lâchés. Il pleuvait à verse à ce moment, circonstances peu favorables à l'essai. Les oiseaux se sont élevés dans les airs, ont effectué plusieurs tours dans le ciel autour de la maison, avant de disparaître dans la campagne. 25 minutes plus tard, le plus jeune rentrait et se perchait sur le balcon ; les trois autres ne revinrent pas avant une heure. Ils sont tous rentrés dans la pièce qui leur servait de cage quand Desbouvrie leur a donné un peu de nourriture, directement dans sa main[note 2],[1]. »

Il a consacré plus de trente années à ses oiseaux, utilisant deux pièces de sa maison située au bord du canal qui relie l'Escaut à la Deûle, dans un lieu dit hameau de la Vigne (disparu aujourd'hui) pour les hirondelles[4]. La première pièce servait de cage ; la seconde, qui possédait un balcon, servait de zone d'entraînement. Il a maintenu un registre tout au long de sa vie, enregistrant l'âge et la santé de chaque oiseau. Il utilisait un système à base de ruban de soie de couleur pour marquer les oiseaux à la patte : un ruban rouge marquait les oiseaux formés et un bleu désignait un oiseau en formation. Seuls les oiseaux au ruban rouge, dressés à revenir, pouvaient sortir de la cage, les bleus restant en cage[1]. Les oiseaux non dressés étaient vendus comme oiseau de compagnie[4].

Un défi majeur a été de surmonter le comportement naturel des oiseaux migrateurs[1]. Il pensait que les oiseaux migraient vers le sud en raison d'une raréfaction des insectes. Desbouvrie n'a jamais révélé avec quoi il nourrissait ses oiseaux en hiver, invoquant le secret professionnel[4], cependant des études ultérieures ont montré qu'il suffisait d'interrompre la première migration des nouveau-nés pour les empêcher de savoir où aller les années suivantes, et donc bloquer l'instinct migratoire[5].

Application potentielle de l'entraînement des hirondelles

En 1955, le livre Navigation des oiseaux décrit les tentatives de dressage réalisées sur d'autres espèces que les pigeons. Ce livre mentionne Desbouvrie comme un pionnier dans cette expérimentation, et cite également quelques passages de Pline l'Ancien décrivant « Caecina of Volterra » (ou « Caecina Paetus ») lâchant des hirondelles peintes pour annoncer le résultat d'une course de chevaux[5]. Il n'est pas certain que Desbouvrie connaissait cette anecdote.

Les pigeons voyageurs ont été un facteur de communication significatif durant la guerre Franco-Prussienne de 1870. The American Magazine en 1892, en présentant les essais de Desbouvrie, précise à quel point les pigeons voyageurs étaient utiles lors de cette guerre :

« À plusieurs reprises, en effet, les habitants des villes assiégées regardaient le succès du vol des pigeons comme le seul espoir, capable de faire la différence entre la mort et la famine[note 3],[6]. »

À la fin du XIXe siècle, la Russie a entraîné des faucons militaires pour porter des messages ou chasser les pigeons messagers[6]. Une hirondelle entraînée aurait pu présenter de nombreux avantages par rapport aux pigeons : ces oiseaux volent plus haut et plus vite, sont plus difficiles à atteindre pour un chasseur ou un oiseau de proie. Les hirondelles sont aussi capables de se nourrir en vol[1].

Intérêt du gouvernement

Lors de sa démonstration, Desbouvrie a apporté à Paris une hirondelle sauvage, et l'a lâchée. L'oiseau est rentré à son domicile à Roubaix en moins de 90 minutes, couvrant une distance de 258 km. Une autre expérience rapporte une distance de 150 km en 75 minutes[4]. Desbouvrie garantissait que des hirondelles entraînées pouvaient aller encore plus vite. Le gouverneur de Lille a supervisé les essais proches de Roubaix, et le capitaine Degouy a été missionné pour superviser une répétition de l'expérience de Roubaix[7].

Desbouvrie a proposé la construction de deux hirondeliers à Montmartre et au mont Valérien. Celui de la côte Montmartre devait être construit en premier si les résultats étaient confirmés par le capitaine Degouy[7]. P. W. Brian relate dans Bird Navigation que Desbouvrie semble avoir soudainement fait un blocage[5], prétendant d'abord que les oiseaux étaient trop jeunes et avaient besoin de plus d'entraînement (selon un article du Globe), puis garantissant pouvoir les faire se reproduire en captivité mais continuant malgré cela à s'approvisionner exclusivement dans des nids sauvages (selon The American Magazine[6]). Le Globe a considéré favorablement les essais de Desbouvrie tout en notant que des tests supplémentaires devaient être menés, tandis que le Zoologist, en reprenant l'article du Globe, précisait que l'éditeur « n'avait pas confiance dans le succès de cette expérience ». The American Magazine a rejeté le projet avec cette critique : « Engager des hirondelles dans une guerre est une très belle idée, d'autant plus qu'à l'avenir, les guerres européennes auront toutes lieu par un « temps d'hirondelle », quand un vent chaud souffle du sud ensoleillé. » (« The idea of engaging swallows in war is a pretty one, as, in future, all European wars will have to be conducted in « swallow time » — when the warm winds blow from the sunny south. »)

Présentation à l'Académie de médecine

Couverture du bulletin médical dans lequel a été publié la première fois le remède préventif contre la gueule de bois

En 1888, le bulletin de l'Académie de médecine publie un article sur un mémoire de Desbouvrie et demande des vérifications de l'invention qu'il déclare avoir faite. Il considérait l'alcoolisme chronique comme un problème de santé publique, et affirmait le besoin de lutter contre ses effets[8],[9]. Dans ce mémoire, Desbouvrie réclamait du gouvernement qu'il n'autorise que des alcools « épurés », qu'il fasse diminuer la taille des verres et, en attendant, il affirmait qu'une absorption dans des proportions appropriées d'albumine et de graisse une heure avant de boire de l'alcool permettait de lutter contre ses effets[8],[10],[11]. À cette fin, il a inventé un chocolat contenant les bonnes proportions de ces ingrédients et a accompagné son mémoire d'une boîte de ces chocolats. Il a assuré aux membres de l'académie avoir testé sur lui-même cette prescription[8]. L’académie ne donnera pas suite, notamment pour ce qui concerne la recommandation d'« épurer » l'alcool[9]. On sait seulement que Desbouvrie recevra une lettre de Wilhelm Liebknecht[12].

Selon le journal La Presse du 5 janvier 1891, cette « invention » de Desbouvrie est issue de son penchant pour le genièvre qui l'aurait amené sous l'emprise de l'alcool à jeter à la tête de sa femme une lampe à pétrole allumée, lui causant de très graves brûlures et la laissant dans un état désespéré[3], « enveloppée de flammes [...] affreusement brûlée à la tête et sur diverses parties du corps »[13].

Notes et références

Notes
  1. Les dates de naissance et de décès sont inconnues. La seule référence datée est qu'en 1888, il élevait des hirondelles depuis « plus de 30 ans » après avoir commencé à l'âge de 11 ans
  2. « Four of the little prisoners, the oldest not more than twenty days, were let loose. It was raining in torrents at the moment, a circumstance by no means favorable to the trial. The birds rose in the air, flew round the house several times, and then darted off into the country, disappearing into the country. Twenty-five minutes after the youngest returned and perched on the balcony; the other three did not come back before an hour. They all then entered the cage-room, when Desbouvrie gave them some food, which they ate out of his hand. »
  3. « Upon several occasions, indeed, the inhabitants of the beleaguered cities looked upon the successful flights of these birds as their only hope betwixt death and starvation. »
Références
  1. a, b, c, d, e et f (en) Auteur non nommé, Zoologist: A Monthly Journal of Natural History, ser.3 v.13, J. Van Voorst, 1889 [lire en ligne (page consultée le 2009-03-01)], p. 398–399 
  2. L'Indépendant de Mascara. Radical autonomiste. Paraissant le jeudi et le dimanche, « Dressage d'hirondelles » sur Gallica, 1890/08/07
  3. a et b La Presse, « Les hirondeliers, les déboires d'un inventeur » sur gallica, 5 janvier 1891
  4. a, b, c et d Hirondelles de guerre, 1889. Consulté le 2010-04-29
  5. a, b et c P.W. Brian, Bird Navigation, Cambridge University Press, 1955 [lire en ligne (page consultée le 2009-03-01)], p. 57–58 
  6. a, b et c (en) Auteur non nommé, The American Magazine, v.33, Crowell-Collier Pub. co., 1892 [lire en ligne (page consultée le 2009-03-01)], p. 230–239 
  7. a et b (en) John Wilson, Poachers and Poaching, Chapman and Hall, 1891 [lire en ligne (page consultée le 2009-03-01)], p. 60 
  8. a, b et c Auteur non nommé, Bulletin de l'académie de médecine, v.19–20, W. Wood., 1888 [lire en ligne (page consultée le 2009-03-01)], p. 885–888 
  9. a et b M Lancereaux, « Revue des journaux de médecine » sur BIUM, Annales médico-psychologiques. - 1891. - n° 14 p445 et 446.
  10. Auteur non nommé, Medical Record, W. Wood, 1888 [lire en ligne (page consultée le 2009-03-01)], p. 74 
  11. J.C. Culbertson, M.D., ed., The Cincinnati Lancet-clinic, v.60, J.C. Culbertson, 1888 [lire en ligne (page consultée le 2009-03-01)], p. 80 
  12. (nl)Internationaal Instituut voor Sociale Geschiedenis, « Correspondance de Wilhelm Liebknecht » sur www.iisg.nl
  13. Le Journal des débats, « Nouvelles diverses » sur gallica, 4 janvier 1891

Annexes

Articles connexes

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