Jacques d'Arnoux

Jacques d'Arnoux, né à Seignelay (Yonne) le 14 février 1896 et décédé le 26 avril 1980 aux Arcs (Var) est un militaire, aviateur, écrivain et essayiste français.

Biographie

Né d'un père, Charles, lieutenant au 24e RI à Rouen et de Marthe Marie Sautumier. Au moment de la déclaration de la première guerre mondiale, en 1914, âgé de dix-huit ans à peine, Jacques d'Arnoux s'engage dans un régiment de cuirassiers. Avant la fin de cette même année, c'est à l'infanterie que le jeune volontaire demande d'être intégré, et il rejoint le régiment que commande son père, le 116è RI. Ce dernier mourra d'ailleurs quelques années plus tard des suites de ses blessures contractées durant la guerre. Promu aspirant, il commande une section de la 1ère compagnie lors de l'attaque de son unité sur Tahure, petit village de la Marne. Après, ce sera l'horreur des tranchées, décrites jusque dans les moindres détails dans son premier ouvrage qui paraîtra une dizaine d'années plus tard, "Paroles d'un revenant". Le 25 septembre 1915, sorti d'une tranchée pour aller combattre l'ennemi, il est grièvement blessé d'une balle à la cuisse et parvient à gagner seul le poste de secours. Après son évacuation, il échappe à l'amputation et réapprend à marcher. Agé de vingt ans, il retourne au front comme sous-lieutenant à la 5ème compagnie du 62è RI. En novembre 1916, le lieutenant d'Arnoux passe dans l'aviation comme officier observateur. La suite est racontée dans "Paroles d'un revenant": le jeudi 6 septembre 1917, il monte à bord d'un Sopwith piloté par l'adjudant Carré. Ils ont pour mission d'intercepter un avion allemand dont les reconnaissances fréquentes gênent l'armée française. Jacques d'Arnoux raconte: "Voici le Chemin des Dames, le chemin maudit qui s'allonge sur sa crête chauve et décharnée. Nous montons légèrement: le fort de la Malmaison s'élève dans un halo... Fantôme-As! Fantôme-As! C'est lui. Je l'ai vu! Il évolue au-dessous, mitraille, virevolte et lance ses fusées. Sans l'inclinaison des ailes dans les renversements, on croirait qu'il roule au sol. Nous piquons sur lui, et dans un virage j'attaque ... Dès les premières balles, il se dérobe et s'enfuit à tire-d'aile vers le nord... C'est un traquenard. [...] Soudain, deux avions couplés débouchent de l'ombre et fondent dur nous comme deux condors... "Les croix noires! Les croix noires!" Je fais volte-face, les mitrailleuses sont braquées sur les assaillants et, à genoux sur ma banquette, je tire farouchement. Les rapaces grossissent, grossissent et arrivent dans le sillage de l'appareil..." L'adjudant Carré est tué par une rafale, l'avion s'écrase entre les lignes françaises et allemandes.

Il est environ 6h15 ce jeudi matin, et c'est seulement quelques heures plus tard que le jeune aviateur se réveillera de son évanouissement. A trois cents mètres des lignes fançaises et quarante mètres des lignes allemandes, il est incapable de se traîner et gît dans une mare d'essence échappée du réservoir de l'avion. Les Allemands l'ayant aperçu, redoublent d'efforts pour le mitrailler, mais il doit son salut à une légère déclivité du terrain sur lequel il se trouve. C'est à ce moment que des voix françaises le font tressaillir: les zouaves du 4ème Régiment mixte de l'armée française ont été envoyés en patrouille. Ils lui demandent de se traîner jusqu'à eux, mais il en est tout bonnement incapable: ses membres inférieurs sont paralysés, on diagnostiquera plus tard une fracture de la colonne vertébrale et une lésion de la moelle épinière. A la tombée de la nuit, il voit apparaître trois soldats allemands; il est convaincu qu'ils viennent l'achever, mais après un bref conciliabule, les soldats apitoyés s'éloignent de lui. S'ensuit alors un nouveau bombardement du site de l'avion par l'aviation allemande. Durant la nuit, il crie dans le but d'être repéré par les zouaves. Mais au petit matin du vendredi 7 septembre, il reste immobilisé dans un brouillard laiteux qui masque même l'épave de l'avion. Alors qu'il s'est résolu à attendre la mort, il est malgré tout secouru par une patrouille de 8 zouaves. Il est emporté sur le dos de l'un d'entre eux. Un mouchoir placé dans sa bouche lui sert de baillon, dans le but d'éviter que ses cris de douleur n'alertent les Allemands. C'est ainsi que le groupe atteint un poste de secours qui va le prendre en charge, environ vingt-quatre heures après l'accident. Durant les 5 années qui suivent, il séjournera d'hôpital en hôpital pour effectuer sa rééducation.

A force de volonté, il reprend non seulement des forces, mais il va parvenir à remarcher. Entre 1917 et 1922, le grand blessé ira d'hôpital en hôpital. Son premier ouvrage, "Paroles d'un revenant", paraît en 1925. Jacques d'Arnoux y développe sa pensée, basée sur la foi catholique, le patriotisme et la culture. Préfacé par l'écrivain et académicien Henry Bordeaux qui salue en lui un héros et un saint.

Ensuite paraît "Les sept colonnes de l'héroïsme". L'aviateur tombé du ciel qui lutta contre la mort pendant soixante mois interminables, de vingt à vingt-cinq ans, est un tempérament mystique et exalté tout ensemble qui utilise, avec une rare frénésie incantatoire, un style apocalyptique. Pour lui, il n'est finalement d'héroïsme que celui qui conduit à la sainteté. Mais il sait que l'on ne peut atteindre le ciel qu'en édifiant de ses mains et de son esprit une sorte de temple terrestre, véritable cathédrale intérieure dont les colonnes relient le sol et le ciel dans un jaillissement de marbre et de sang. Quelles sont ces sept colonnes ? Il les nomme et va les scruter tour à tour, dans une interminable méditation héroïque : l'intelligence, l'enthousiasme, la mémoire, la volonté, le sacrifice, l'ire (c'est-à-dire la colère) et enfin la grâce.

Profondément chrétien, Jacques d'Arnoux, dans son douloureux et lumineux périple, n'a pourtant jamais cessé de lire les œuvres de tous les philosophes de l'héroïsme, furent-ils les plus enracinés, les plus païens ou les plus scandaleux. Ainsi il a étudié les œuvres de Carlyle et d'Emerson, il s'est nourri de Nietzsche, il a fréquenté les grands stoïques de l'antiquité hellénique, faisant dialoguer, dans de fulgurantes rencontres, les héros guerriers et les héros chrétiens. Sa conception religieuse semble empruntée au chapitre 16 de saint Matthieu : « Le royaume des Cieux est à conquérir, les violents s'en emparent. »

Dans "L'heure des héros", il a pour but d'avertir notre société sur les maux qui rongent notre siècle.

Ensuite, il publie "Nouvelles paroles d'un revenant", où il donne le résultat de la recherche qu'il a poursuivie, en dénonçant la décadence, en stigmatisant les manoeuvres de la subversion qu'on appelle Renaissance, Réforme, Révolution, Libéralisme, Socialisme.

Son dernier livre "Les soifs de l'homme", préfacé par Michel de Saint Pierre, est souvent considéré comme le testament spirituel de Jacques d'Arnoux. Les deux tiers de son ouvrage sont consacrés à l'écrivain André Gide, chez qui il critique les délires de l'orgueil et de la volupté, éteignant la soif de sainteté et de joie. Pour triompher "des délires de Gide", il propose les soifs de foi et despérance attisées et comblées par le cri tenace de la prière. Dans la troisième partie, il conclut par une méditation axée sur les soifs: soif d'amour de la créature, d'amour de l'art, d'amour de la charité contrefaite et trahie par le faux amour du communisme, soif d'amour patriotique, d'amour divin et d'amour du Sacré-Coeur, seule source qui peut étancher les soifs de l'homme.

Le 30 août 1978, à peine deux ans avant son décès, il épouse Melle Hélène Varenne-Caillard.

Le mot de la fin, on pourrait le laisser à Jacques d'Arnoux lui-même: "J'admire de quelle Sagesse, de quel Amour furent voulues, permises - mais toujours pesées et mesurées- les épreuves de près de soixante années depuis ma chute d'avion. De toutes les grâces les plus précieuses, après celle de mon baptême, ne serait-ce pas cette chute même, et tous ces renoncements, ces infirmités qui ont cloîtré et concentré ma vie? Une vie qui, sans doute, se fût dispersée, gaspillée, sinon perdue."

A l'issue de la cérémonie des obsèques, célébrée en l'Eglise des Arcs le 30 avril 1980, les honneurs militaires furent rendus à ce Grand Officier de la Légion d'Honneur, médaillé et Croix de Guerre avec Palmes.^{[style à revoir]}

Bibliographie

• Paroles d'un revenant, Librairie Plon, 1923, plusieurs réimpressions, puis Téqui, 1977, 232 pages"Les sept colonnes de l'héroïsme", Plon, 1938, puis Chiré, 1982, 560 pages
• L'heure des héros, Bayaert, 1946 et 1949, puis Résiac, 1981, 246 pages
• Nouvelles paroles d'un revenant (Justice pour Dieu), Nouvelles éditions latines, 1965, puis 1983
• Les soifs de l'homme, Editions de Chiré, 1978, 207 pages

Notes et références

1. Extrait du livre "Sous le soleil de Dieu", Michel de Saint Pierre, 1984, pp. 29-46
2. Extrait de la revue "Savoir", n°16 (1985)
3. Extrait de la revue "Lecture et Tradition", n°157-158, mars-avril 1990