Grand prieuré russe œcuménique de Saint-Jean de Jérusalem

Grand prieuré russe œcuménique de Saint-Jean de Jérusalem

À l'origine des prieurés russes se trouve l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem qui négocie en 1793 avec Catherine II de Russie puis Paul Ier de Russie le rétablissement des commanderies polonaises passées sous autorité russe. Le 15 janvier 1797 un grand prieuré russe est fondé. Malgré les oppositions de forme (absence de convocation d'un chapitre général) et de fond (Paul n'est pas religieux de l'Ordre, il est orthodoxe et marié) le tsar est élu illégalement[1] le 27 octobre 1798, 72e des Grands maîtres de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem et de l'ordre souverain de Malte alors que Hompesch ne se démet que le 6 juillet 1799. Mais devant la différence de religion, la Russie comme la famille Romanov sont de confession orthodoxe, Paul Ier établit un second grand prieuré orthodoxe pour la noblesse russe le 29 novembre 1798. Devant le coût financier de plus en plus exorbitant de la guerre, l'empereur Alexandre Ier de Russie approuve, le 20 janvier 1817, sur la décision du conseil des ministres, le séquestre de tous les biens de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem sur le territoire de l'Empire. C'est la fin des deux grands prieurés russes, leurs biens sont réincorporés à ceux de la couronne. Ainsi avec la fin des prieurés, disparut « toute forme d'existence de l'Ordre dans l'Empire russe, ainsi que le port de ses insignes. Jamais plus on ne vit un tsar de Russie arborer les insignes de l'Ordre[2]. »

Depuis ces disparitions, un certain nombre de lectures de textes tentent de démontrer les uns la disparition et les autres la survivance, et donc la possible continuation, d'un grand prieuré russe. Paul Ier ayant donné à 21 familles le titre de commandeur héréditaire, contre l'apport de leur biens en commanderies, leurs descendants soutiennent la non disparition du grand prieuré russe malgré la confiscation de leurs commanderies en jouant sur la confusion entre grand prieuré - système organisationnel uniquement administratif de l'ensemble des biens de l'Ordre sur un territoire spécifique - et un supposé grand prieuré qui serait en lui-même constitutif d'une entité réelle. Ainsi est créée à Paris en 1928 une Union qui soutient la pérennité du grand prieuré russe. Depuis février 1955, André Romanoff a fait enregistrer sous la forme d'une association, le grand prieuré russe qui s'est donné pour objectif le soutien de la foi et l'action humanitaire.

Sommaire

Le grand prieuré reconstitué à Paris

Après la Première Guerre mondiale et la montée destructrice du bolchevisme, toutes les institutions impériales sont supprimées. Tous les biens de la couronne impériale sont saisis et détournés de leur usage. Le palais Vorontsov, donné par Paul Ier de Russie en 1798 à l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem pour en faire le siège de l'Ordre, est repris par la Couronne dès 1810 pour y installer le Corps des Pages et la révolution de 1917 en fit une école d'infanterie, c'est aujourd'hui l'académie militaire Souvorov. Les bâtiments d'été du grand prieuré à Gatchina, à peine construit et donné par Paul aux Hospitaliers en 1799, revient dans le domaine impériale du palais de Gatchina et en suivra dès lors les vicissitudes ; le palais est transformé en musée dès 1918 après qu'une partie du parc est destinée à recevoir une école d'aviation militaire en 1910. Aujourd'hui, le palais, le prieuré et le parc retrouvent petit à petit leur destination de musée après une longue restauration suite aux destructions de la Seconde Guerre mondiale. Il est donc évident qu'assez rapidement les biens des prieurés hospitaliers russes retournent à la Couronne impériale pour disparaitre définitivement en 1817 en tant que propriétés de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem.

L'union des commandeurs héréditaires

En 1928, douze héritiers des commandeurs héréditaires se réunissent à Paris, où ils déclarent, le 28 juin, la continuité du grand prieuré russe : comte Dmitri Cheremeteff, comte Hilarion Worontzoff-Dachkoff, Paul Demidoff, Dmitri Boutourline, prince Serge Dolgorouki, Denis Davydoff, Léon Narychkine, prince Nikita Troubetzkoy, Dmitri Jerebzoff, Nicholas Tchirikoff et comte Dmitri Olsoufieff. Ils s'associent quatre autres personnes : comte Wladimir Borch, prince Wladimir Galitzine, comte André Lanskoi et comte Alexandre Mordviboff.

Quelle que soit la position sur la légitimité de la déclaration des héréditaires, la réalité de la continuité historique tiendrait au fait de la présence parmi les déclarants signataires de Paul Alexandrovitch Demidoff mentionné dans l'almanach de la Cour de 1911 et de 1914 comme « ancien officier du régiment des chevaliers-gardes ; commandant héréditaire de l'ordre de Malte ». Ceci serait suffisant pour attester d'un lien authentique entre le grand prieuré russe d'avant la révolution de 1917 et celui d'après 1928. Ce groupe d'exilés russes resté actif en France ayant reçu la protection des Romanov en la personne des grands ducs Cyril et Andrei, bien que dix ans plus tôt, le grand duc Alexandre Mikhaïlovitch de Russie, revendiquant une lignée directe au grand maître de facto de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem, Paul Ier de Russie, aurait accepté de son côté dès 1919, la grande maîtrise d'une branche américaine, l'ordre souverain de Saint-Jean de Jérusalem, Chevaliers de Malte[3].

Le 9 décembre 1953, les descendants des commandants héréditaires, certains héritiers de ceux de 1928, ont tenu une réunion à Paris pour rédiger une constitution pour le grand prieuré russe en exil. En février 1955, le grand prieuré en exil basé à Paris, a été enregistré auprès de la préfecture comme association étrangère en tant que « grand prieuré russe de Saint-Jean de Jérusalem[4] » par André Vladimirovitch Romanov. Les statuts stipulent qu’il ne s’agit pas d’une représentation pour la France, mais de l’organisation du grand prieuré à partir du sol français pour « rétablir de fait l'activité du grand prieuré russe de l'ordre de Malte ». Le prince André Romanov prend le titre de grand prieur. Il décède en 1956. Vladimir Kirillovitch lui succède seulement comme protecteur de l'« union des descendants », mais refuse le titre de grand prieur. Le commandeur Nicolas Tchirikov devient le doyen de l'Union jusqu'à son décès en 1974. Le dernier secrétaire, Georges Sergueievitch de Rticheff décède en 1975, laissant les derniers membres sans direction.

Certains auteurs, tel James J. Algrant, ne voient dans cette « Union » qu'une simple « association de descendants », alors que la déclaration du 24 juin 1928 spécifie très clairement . Bien que le grand prieuré russe se présente seulement comme grand prieuré dans l’ordre de Malte mais de confession orthodoxe, l'ordre souverain de Malte, qui envisagera un moment de faire un procès, et qui dénie à toute autre organisation d'avoir le droit d'utiliser un nom en rapport avec l'ordre, ne reconnait pas le grand prieuré russe comme d'ailleurs le Vatican a toujours repoussé les tentatives de rapprochement aux raisons des différences religieuses.

L'ordre souverain des chevaliers orthodoxes hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem

En 1977, alors que l'Union décline à Paris, c'est aux États-Unis qu'un groupe va concentrer les forces vives qui veulent assurer la continuité du grand prieuré russe. Le comte Nicolas Bobrinsky, arrière-petit-neveu de Paul Ier de Russie, reçoit l'« adoubement » de chevalier par Serge Sergueïevitch, un des fils des signataires de 1928, en présence de son demi-frère Alexis, qui lui confie toutes ses archives et documents. Le titre de chevalier héréditaire d'Alexis Bobrinsky a été reconnu par décision capitulaire du grand prieuré russe en exil de Paris en 1962. Avec le Prince Serge Segueïevitch Troubetsky, frère de Nikita qui meurt en 1980, ils constituent l'OOSJ - l'ordre souverain des chevaliers orthodoxes hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem. Aux USA s’est déjà développée, en parallèle depuis 1903, semble-t-il, une autre branche du grand prieuré russe, appelée aussi l’« Ordre de Cassagnac ». L'OOSJ et Bobrinsky chercheront d’abord à faire cause commune avec eux, puis ils renonceront en en discutant ensuite l’authenticité. Cette nouvelle branche de l’OOSJ bénéficie des reconnaissances comme « branche orthodoxe du grand prieuré russe » de Michel Romanov, prince de Russie, et du Patriarcat de Moscou, ce qui à ses yeux devrait lui conférer une certaine légitimité.

Association avec l'union des commandeurs et chevaliers héréditaires

En 2004, grâce à l'action du vice-chancelier, Jacques Peltier de Glatigny, l'OOSJ s'est associée à une nouvelle « union des commandeurs et chevaliers héréditaires », constituée en 2004 en Alsace sous la présidence de Vladimir Vladimorovitch Bariatinski avec l'adhésion des comtes Olsoufieff et Pierre Chérémétieff ; Vladimir Bariatinsky étant conjointement lieutenant grand prieur de l'OOSJ sous l'autorité de Nicolas Bobrinsky. Une commanderie de Belgique est constituée, sans suite.

Renaissance du grand prieuré russe de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem

En septembre 2005, le comte Nicolas Bobrinsky, toujours en quête d’un relais efficace en France, fait répondre favorablement à Michel Gortchakoff sur le projet de la renaissance du grand prieuré russe en France. Ce dernier entreprend alors toutes les démarches pour rétablir les anciennes structures. Il découvre que l’association de 1955 n’a jamais été dissoute et existe toujours, il en récupère également les anciens statuts. Ainsi, le 3 janvier 2006, un conseil provisoire du grand prieuré russe est rétabli suivi d'une actualisation des anciens statuts pour mise en conformité avec la législation française. Une rencontre avec la commanderie de Belgique ne donne pas de résultat.

25 dossiers de candidature en France sont adressés pour acceptation à Bobrinsky, leur adoubement a lieu le 25 juin 2006. Le prieuré de France[5] est également constitué avec 4 commanderies. Le grand prieuré russe reprend ainsi son activité à Paris, et Nicolas Bobrinsky qui en est le plus ancien ayant-droit, accepte la charge de grand prieur.

Suite au décès de Nicolas Bobrinsky le 12 septembre 2006, le 23 septembre, le chapitre réunit à Paris élit Vladimir Bariatinsky grand prieur du grand-prieuré russe. Pendant que l’OOSJ aux États-Unis programme de nouvelles élections de grand-prieur c’est Michel Romanov, d’Australie, qui est élu. Il décède en 2009.

Notes et références

Source

  • Bertrand Galimard Flavigny (2006) Histoire de l'ordre de Malte, Perrin, Paris

Annexes

Bibliographie

  • (en) Michael Galea (1986) German Knights of Malta, A Gallery of Portraits, Bugelli Publications, Malta
  • Desmond Seward (2008) Les Chevaliers de Dieu, les ordres religieux militaires du Moyen Âge à nos jours, Perrin, Paris
  • Saint Allais (1875) Nobiliaire universel de France, Bachelin-Deflorenne, Paris (http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k368754)
  • Antochevsky (1914) L’ordre de St Jean de Jérusalem en Russie à l’intention du Grand Prieur de l’ordre le Tsarevitch Alexis Nicolaïevitch, Bibliothèque historique gouvernementale
  • Le Tsar Paul 1er et son Grand Prieuré de l’Ordre de Malte 1955 (http://books.google.fr)
  • Eric Muraise (1997) Histoire sincère des Ordre de l’Hôpital »

Bibliographie orientée

On trouve de nombreux ouvrages publiés entre 1810 et 1955, dont les auteurs témoignent de leur foi en la survie des grands prieurés russes :

  • 1810 : Mémoire sur l'Ordre Souverain de Jean de Jérusalem édité par l'Ordre
  • 1843 : Recueil historique des Ordres de Chevalerie par C. Magny
  • 1844 : Les Ordres de Chevalerie et Marques d'Honneur par J.F. Lourmayer
  • 1858 : Book of Ordres of Knighthood & Décorations of Honour par J.B. Burke
  • 1875 : Le Nobiliaire Universel de Saint Allais
  • 1897 : L'Ordre de Malte, le passé, le présent par L. de La Brière, Chevalier de l'OSM
  • 1914 : L'Ordre Souverain de Saint Jean de Jérusalem par I.A. Antochevsky (Langue Russe)
  • 1955 : L'Empereur Paul 1er de Russie, Grand Maître de l'Ordre de Malte par le Baron Michel de Taube, Sénateur de l'empire de Russie et Historien, émigré en France après 1917.

Liens externes

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