- Fermentation en milieu solide
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La fermentation en milieu solide est un mode de fabrication de biomolécules d’intérêt pour les industries alimentaires, pharmaceutiques, cosmétiques, carburants, textiles ….). Ces biomolécules sont le plus souvent des métabolites générés par le microorganisme cultivé sur un support solide sélectionné à cet effet. Il s’agit d’une technologie de culture de micro-organismes alternative à la fermentation en milieu liquide ou submergée qui est majoritairement pratiquée au niveau industriel mondial.
Sommaire
Historique
La fermentation en milieu solide existe depuis des siècles. Elle a toujours été très pratiquée en Asie et au Japon, sous le nom de fermentation « Koji » . Il s’agit de dépôt sur des plateaux d’un substrat de culture solide tel que du riz ou du son de blé ensemencé avec des micro-organismes et laissés dans une salle tempérée pendant plusieurs jours
Procédé
La fermentation en milieu liquide est pratiquée dans le monde dans des cuves de volume plus adapté au besoin pouvant aller à l’échelle industrielle de 100l à 7500m². La culture liquide est idéale pour la culture des organismes unicellulaires comme des bactéries (entre autres, production de la plupart des enzymes des lessives) ou des levures (comme pour la production d’éthanol). Pour réussir une fermentation liquide aérobie, il faut en permanence apporter de l’oxygène au micro-organisme, pour se faire, on utilise une apport d’air en présence d’une agitation importante afin de solubiliser le maximum d’oxygène et de permettre la multiplication des cellules isolées. Une régulation fine des paramètres de culture avec un contrôle des nutriments apportés permet de piloter avec précision la synthèse des métabolites recherchés.
Vouloir appliquer cette technique culturale à des champignons filamenteux ou moisissures conduit à de nombreuses difficultés. Le champignon se développe sous sa forme végétative en propageant des hyphes ou filaments ramifiés multicellulaires, une cloison séparant les différentes cellules. Ce mycélium, en se développement dans un liquide, apporte une viscosité importante au milieu de culture ce qui limite la solubilisation de l’oxygène tandis que l’agitation casse le réseau de cellules entrainant une forte mortalité cellulaire. Le milieu de culture naturel des champignons filamenteux est en général en surface ou en profondeurs dans des composés souvent végétaux en décomposition et naturellement aérés.
La fermentation solide permet un développement optimal des champignons filamenteux en permettant au mycélium de se propager à la surface de composés solides entre lesquels l’air circule. Une des caractéristiques de la fermentation solide est d’être constituée de substrats de culture pauvre en eau (faible activité de l’eau) ce qui convient très bien aux moisissures
Les conditions utilisées pour la culture en fermentation solide (FMS) des champignons filamenteux reproduisent au mieux leur environnement naturel. La fermentation en milieu solide consiste à ensemencer un milieu saturé en eau mais faible en eau libre. Le milieu solide constitue à la fois le substrat et le support de la fermentation. Le substrat utilisé est généralement constitué de coproduits végétaux tels que la pulpe de betterave, le son de blé ou autres produits d’origine végétale. (Raimbault, 1980, Pandey, 2003, Singhania et al, 2009, Duchiron et Copinet, 2011)
Les substrats et composés de cultures solides sont en début de culture des composés non solubles constitués de très grosses molécules biochimiquement complexes que le champignon devra découper pour s’en nourrir. Pour se développer sur son substrat naturel l’organisme mycélien devra exprimer tout son potentiel génétique pour libérer les métabolites indispensables à sa croissance. La composition du milieu de culture orientera le métabolisme du micro-organisme vers la production d’enzymes qui permettront la libération de molécules simples assimilables tels des sucres ou des acides aminés en découpant les macromolécules. Ainsi en choisissant les composés du milieu de culture, il est possible d’orienter les cellules vers la production d’un ou des métabolite (s) recherché (s) en particulier des enzymes. On dit alors que le substrat induit la synthèse de(s) l’enzyme(s).
Dès lors des enzymes de dégradation de polymères difficiles à transformer en sucres simples (cellulose, hémicelluloses) ou en acides aminés (protéines peu digestibles) vont pouvoir être obtenus de façon très efficace et très économique. Si on compare la production d’enzymes par fermentation en milieu liquide et la fermentation en milieu solide, il apparaît clairement que la productivité des souches ramenée au volume du fermenteur est très largement en faveur des systèmes solides. De plus la fermentation en milieu solide utilise des volumes d’eau nettement inférieurs et, contrairement à la fermentation liquide, l’oxygénation n’est pas limitante en culture solide car le mycélium est placé directement en contact avec l’air (Duchiron et Copinet, 2011).
La fermentation en milieu solide est par nature plus économe en eau et en énergie que la fermentation en milieu liquide ou submergée (Biesebeke et al, 2002). La mise en œuvre des procédés de fermentation solide est simple. Toutefois, la conduite de la culture sur des substrats naturellement hétérogènes requière une grande expertise pour maintenir les conditions optimales de croissances des microorganismes fongiques. L’un des principaux paramètres influençant la culture est l’aération du milieu car elle joue plusieurs rôles comme l’apport d’oxygène, l’élimination du CO2 ainsi que de composés volatils et l’élimination de la chaleur ce qui permet de maîtriser de la température dans l’enceinte. L’aération du milieu peut éliminer de la vapeur d’eau ce qui entraine alors un assèchement du milieu au cours de la culture. Pour maintenir une teneur en eau propice à la croissance des champignons filamenteux l’air utilisé est saturé en eau et des ajouts d’eau sont quelques fois nécessaires. La plupart des fermentations en milieu solide ne nécessite pas de travailler dans des conditions stériles strictes car la stérilisation initiale du substrat de fermentation associée à la colonisation rapide du substrat par le microorganisme fongique limite le développement de la flore autochtone. (Duchiron et Copinet, 2011).
Schéma de procédé
Applications
La production d’aliments traditionnels en FMS
De façon ancestrale, les pays asiatiques utilisent la FMS pour la fabrication de Koji à partir de riz permettant la fabrication de boissons alcoolisées telles que le Saké ou bien de Koji à partir de graines de soja.
Dans les pays de tradition occidentale il existe de nombreux aliments dont les procédés traditionnels de fabrication mettent en œuvre la fermentation en milieu solide. C’est par exemple le cas de tous les produits de boulangerie fermentés comme le pain ou de l’affinage en fromagerie.
La production d’enzymes par fermentation en milieu solide
Un débouché notable de la FMS est la fabrication d’enzymes ; sa pertinence est surtout avérée pour la production de complexes enzymatiques capables de dégrader des macromolécules difficiles à transformer telles la cellulose, les hémicelluloses voire certaines protéines « peu digestibles ». La fermentation en milieu solide est en effet spécialement adaptée à la production de complexes enzymatiques variés, composés d’un grand nombre d’enzymes diverses (Pandey, 2003, Durand, 2003, Duchiron et Copinet, 2011). Les préparations enzymatiques issues de FMS trouvent des débouchés dans tous les secteurs où une meilleure digestibilité ou solubilité ou viscosité sont attendus. C’est pourquoi les enzymes FMS sont particulièrement utilisées dans les industries suivantes :
- transformation des fruits et légumes (pectinases)
- panification (hémicellulases)
- alimentation animale (hémicellulases et cellulases)
- bioéthanol (cellulases et hémicellulases)
- brasserie, distillerie (hémicellulases)
Conclusion et perspectives
Les fermentations liquides, submergées et solides sont utilisées de manière ancestrale pour la conservation et la production d’aliments. La seconde moitié du XX siècle a vu le développement à l’échelle industrielle de la fermentation liquide pour la production de métabolites d’intérêt tels que les antibiotiques.
Les changements économiques et la prise en compte de critères écologiques offrent de nouvelles perspectives et donnent un nouvel éclairage à la fermentation en milieu solide. En effet, la fermentation solide permet de valoriser les coproduits agricoles insolubles en limitant le coût énergétique et la consommation en eau nécessaires à la fermentation/transformation des agro-ressources lignocellulosiques.
Le renouveau de la fermentation en milieu solide est aujourd’hui possible grâce à l’existence de sociétés d'ingénierie, principalement asiatiques, qui ont développé des fermenteurs solides à l’échelle industrielle. C’est par exemple la cas de la société Fujiwara qui produit des fermenteurs solides pouvant transformer jusqu’à 400 m3 de substrat pour la production de sauce soja ou saké. Un nombre limité de sociétés mettent en œuvre la fermentation en milieu solide pour la production de complexes enzymatiques. On retrouve ces entreprises en Asie, en Amérique ainsi qu’en Europe. En France, depuis 1980 la société Lyven produit des pectinases et des hémicellulases sur pulpe de betterave et son de blé. Notons qu’en 2008 le Groupe Soufflet, l'un des principaux groupes agro-industriels européens opérant sur deux filières céréalières le blé et l’orge, a initié le programme de recherche Osiris dont l’objectif est la valorisation des agro-ressources par fermentation en milieu solide.(Duchiron et Copinet, 2011) - Lyven, Groupe Soufflet
Références
1. Pandey A, « Solid-state fermentation », dans Biochem. Eng. J., vol. 13, Issues 2-3, March 2003, p. 81-84
2. Durand A, « Bioreactor designs for solid state fermentation », dans Biochem. Eng. J., vol. 13, Issues 2-3, March 2003, p. 113-125
3. Biesebeke R, Ruijter G, Rahardjo YSP, Hoogschagen MJ, Heerikhuisen M, Levin A, van Driel KGA, Schutyser MAI, Dijksterhuis J, Zhu Y, Weber FJ, de Vos WM, van den Hondel KAMJJ, Rinzema A, Punt PJ, « Aspergillus oryzae in solid-state and submerged fermentations Progress report on a multi-disciplinary project », dans FEMS Y. Res., vol. 2, March 2002, p. 245-248
4. Capalbo DMF, Valicente FH, Moraes IO, Pelizer MH, « Solid-state fermentation of Bacillus thuringiensis tolworthi to control fall armyworm in maize », dans Electronic J. Biotechnol., vol. 4, Issue 2, August 2001, p. 1-5
A1. Singhania RR, Patel AK, Soccol CR, Pandey A, « Recent Advances in solid-state fermentation», dans Biochem. Eng. J., vol. 44, Issues 1, April 2009, p. 13-18
A2. Raimbault M, « Fermentation en milieu solide : croissance de champignons filamenteux sur substrat amylacé», dans thèse ORSTOM, 1980, p. 1-287
5. Duchiron F. et Copinet E. « Fermentation en milieu solide »
Articles connexes
Hémicellulase
Liens externes
http://agrogroup.unblog.fr/2007/04/28/fermentation-en-milieu-solide/
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