Faïence de Creil-Montereau

Faïence de Creil-Montereau

La faïence de Creil-Montereau est une production céramique provenant des communes de Montereau, dans le département de Seine-et-Marne et de Creil, dans l'Oise.

Broc et bassine en faïence à décor imprimé, Creil-Montereau. Musée Gallé-Juillet de Creil
Assiette en faïence fine à décor historique imprimé et peint, signée Charles Hamlet, Faïence de Creil-Montereau vers 1876-1884, Musée Gallé-Juillet de Creil

Fondée en 1797, la manufacture de Creil, citée par Gustave Flaubert dans L’éducation sentimentale[1], se développe surtout au XIXe siècle. Après la fusion avec la faïencerie de Montereau, la production est estampillée Creil et Montereau.

Sommaire

Historique

La manufacture de faïence fine de Montereau

Après l'installation, de 1720 à 1740, de Jean Rognon, premier faïencier de la ville dans le faubourg Saint-Nicolas, la manufacture de Montereau est fondée par Etienne François Mazois, associé à Jacques Chapelle en 1745, avec l’objectif de concurrencer les célèbres faïences anglaises dites Queens’ware.
Associée à celle de Creil de 1840 à 1895, puis à celle de Choisy en 1920, elle ferme ses portes en 1955.

Assiette en faïence fine à décor imprimé et peint sous glaçure, Faïence de Creil, 1827-1840, Musée Gallé-Juillet de Creil

La manufacture de faïence de Creil

Cette manufacture fut fondée une première fois le 7 prairial An V (26 mai 1797) par un cristallier parisien, Robert Bray O'Reilly. Elle ne dura qu'un peu plus d'une année. Le développement de cet établissement fut durablement lancé à partir de 1801. En 1840 elle employait 900 ouvriers. Elle fermera ses portes en 1895.

Plusieurs directeurs et propriétaires marquèrent de leur empreinte cette manufacture :

  • Jacques Bagnall (né en Angleterre en 1762, élève de Josiah Wedgwood). Après un passage à la manufacture de porcelaine de Chantilly, il vient travailler à Douai, puis à Chantilly et enfin à Creil à partir de 1802.
    Devenu directeur artistique, il va créer des pièces superbes, copiant parfois les styles Wedgwood et Anglais à la mode de l'époque. Les pièces du service en "grès noirs" exposées à la maison de la faïence de Creil en sont un bon exemple, comme certaines soupières ou le cratère sur fond jaune qui a pris la place du bleu typique du modèle anglais[2] .
  • Charles Gaspard Alexandre Saint-Cricq-Casaux est propriétaire et actionnaire principal (à partir de 1811) de la manufacture. C'est lui qui réussit à fusionner avec la manufacture de Montereau qu'il avait acquise en 1819.
  • Louis Martin Lebeuf (1792-1854) et Jean Baptiste Gratien Milliet (1797-1875) en devinrent les propriétaires en 1841 ; les Anglais Georges Vernon père et fils, furent directeur et sous-directeur jusqu'en 1849 : ils introduisirent la porcelaine tendre anglaise à Creil.
  • Henry Félix Anatole Barluet (né en 1820 à l'Aigle dans l'Orne) succéda aux Vernon. Il est de la famille des Lebeuf de Montgermont par sa mère. Les Lebeuf étaient les directeurs de la manufacture de faïence de Montereau, qui furent aussi les maires de cette ville. M. Barluet permit la construction de la cité Saint Médard pour loger une partie de ses ouvriers. Il fut maire de Creil jusqu'à sa mort. Sous sa direction, l'iconographie et les services furent renouvelés.

La manufacture fut le premier employeur de la ville de Creil pendant des décennies. En 1866, le recensement de population cite 503 personnes domicilées à Creil et qui y travaillent, sur une population totale de 4 539 Creillois. Dans le détail, il y a 349 ouvriers, 129 ouvrières, 12 ingénieurs, employés et directeur, sans oublier 3 domestiques. Une cité ouvrière appelée Saint-Médard est construite à partir de 1866 pour loger ses ouvriers et une politique paternaliste est mise en place[3].

Assiette en faïence fine de Montereau; d'une série sur la guerre d'indépendance grecque. Décor imprimé en grisaille, vers 1830

Le groupe Creil et Montereau

Le groupe est créé en 1840 par le rapprochement des deux manufactures de Creil et de Montereau, donnant le jour à la société Lebeuf et Milliet. la deuxième moitié du XIXe siècle est une période d'expansion et de succès pour la manufacture avec de nombreux prix et médailles[4].
En 1895, la fermeture du site de Creil marque le début du déclin avec une production qui cesse de se renouveler.
En 1920, le groupe Creil-Montereau est repris par la Manufacture de Choisy-le-Roi, propriété d'Hyppolyte Boulenger. Il prend alors le nom de HBCM (Hippolyte Boulenger-Creil-Montereau). La faïencerie de Montereau ferme définitivement en 1955.

Caractères stylistiques

Creil exploita les recettes mises au point par Josiah Wedgwood en 1769. Apportées par les ouvriers formés en Angleterre, comme Boudon Saint-Amans, les techniques du mélange de silex calciné et broyé avec la pate de faïence traditionnelle donnaient une faïence plus fine appelée dorénavant faïence anglaise. Creil imita à la perfection les productions de Wedgwood[5]. La faïence dure ou feldspathique, également connue sous l'appellation porcelaine opaque ou demi-porcelaine, résultait quant à elle de l'adjonction de feldpath et de kaolin.

La manufacture Creil-Montereau doit cependant son succès au procédé de décor imprimé par décalcomanie apparu au milieu du XVIIIe siècle[6]. Utilisant des encres vitrifiables à oxydes metalliques, cette méthode permet de reproduire, par transfert sur un papier spécial, les détails et la finesse d'une planche de cuivre gravée vers un objet en faïence. Ce procédé fait entrer la céramique dans l'époque industrielle, un artisan pouvant imprimer 200 à 250 assiettes par jour.
Les sujets regroupent toute l’imagerie d’un XIXe siècle technique, industriel, politique et social : la mythologie, la littérature, les beaux-arts et les scènes de genre[4].
Les motifs tranférés pouvaient être laissés naturels (effet de grisaille), recouverts d'un émaillage coloré translucide, ce qui donna des modèles à fond vert ou jaune, ou bien peints à la main sur le motif transféré pour obtenir des scènes colorées.

Plat en faïence à décor d'oiseaux

Le décor Flora fut l’un des grands succès commerciaux de la manufacture de Creil dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Composé de fleurs et feuilles bleues imprimées sous couverte, ce décor fut présenté à l’Exposition Universelle de 1855 à Paris. Les services au motif Flora se déclinent en plusieurs versions de bleus imprimés sur fond blanc: au liserons, au muguet, au houx, à la rose ou à l'aubépine.

Musées et collections de faïence de Creil-Montereau

  • Montereau : En 1985, un musée spécialisé est ouvert dans l’ancien Hôtel des Postes de Montereau. Il présente une sélection de 400 pièces illustrant l’évolution des formes et des décors au fil du temps.
  • Creil : Le Musée Gallé-Juillet de Creil, labellisé Musée de France. Auguste et Berthe Gallé, sans descendance suite au décès aux combats de leur fils unique Maurice, lors de la Grande Guerre, font don en 1930 de leur maison et de toute ce qu'elle contient à la municipalité pour en faire un musée, charge à elle d'en conserver l'aspect. Les salles du musée conservent donc encore la décoration et l'ameublement d'une maison bourgeoise du XIXe siècle. Le musée présente par ailleurs une collection de faïence de Creil et de Creil-Montereau.
    Cette maison fut initialement habitée par l'anglais Jacques Bagnall, directeur de la faïencerie de Creil.

Notes et références

  1. « Arnoux se donnait beaucoup de peine dans sa fabrique. Il cherchait le rouge de cuivre des Chinois ; mais ses couleurs se volatilisaient par la cuisson. Afin d'éviter les gerçures de ses faïences, il mêlait de la chaux à son argile ; mais les pièces se brisaient pour la plupart, l'émail de ses peintures sur cru bouillonnait, ses grandes plaques gondolaient ; et, attribuant ces mécomptes au mauvais outillage de sa fabrique, il voulait se faire faire d'autres moulins à broyer, d'autres séchoirs. » L’Education sentimentale Gustave Flaubert - Chapitre II, cf. Jacqueline du Pasquier, « Faïence  :  plus  chic  que  la  porcelaine », dans Revue de la société des amis du musée national de céramique, no 15, 2006, p. 71-77 [texte intégral (page consultée le 21 janvier 2010)] 
  2. Ses deux filles, Élizabeth et Marie épousèrent deux faïenciers : George Wood et la seconde André Damman, fondateurs de faïenceries à Forges-les-Eaux.
  3. Histoire de la Faïence de Creil, fleuron de la Ville sur Office de tourisme de Creil. Consulté le 21 avril 2010
  4. a et b source : Stéphanie Perris-Delmas, Gazette Drouot [1]
  5. source: Anne Jouffroy
  6. L'invention de ce procédé est attribuée à deux imprimeurs anglais de Liverpool, John Sadler et Guy Green vers 1749. (Source : Céramique, Vocabulaire technique.)

Voir aussi

Bibliographie

  • Ariès Maddy, La Manufacture de Creil 1797-1895, Paris, Guénégaud, 1974, 130 p. 
  • Ariès Maddy, Creil, faïence fine et porcelaine 1797-1895, Paris, Guénégaud, 1994, 108 p. 
  • Jacques Bontillot, Les faïences de Creil & Montereau : deux siècles d'évolution des techniques et des décors, édit. du CERHAME, 1998 - diffusé depuis 2001 par les Amis de la faïence fine.
  • Jacques Bontillot, Les marques de la faïence de Creil & Montereau, Edit. des Amis de la faïence fine, 2006.
  • Nathalie Demilly, Étude sur les personnes travaillant à la manufacture de faïence de Creil (1866-1896), publication des Amis du musée Gallé-Juillet et de la faïence de Creil, 2005.
  • René Gandilhon, Les Vernon, graveurs et faïenciers en Angleterre, en Russie et en France, Société d'Agriculture, Commerce, Sciences et Arts de la Marne, 1965, 1975.
  • Anne Jouffroy, Un soupçon d'exotisme, Gazette de l'Hotel Drouot n°42, décembre 2009 p. 331.
  • Vocabulaire technique de la Céramique, ouvrage collectif, éditions du patrimoine, 2001, ISBN 2-85822-657-1

Articles connexes

Liens externes


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