Bataille de Noryang

Bataille de Noryang

Bataille de No Ryang

Bataille de No Ryang
Navalzhugenu2.jpg

Section d'un tableau représentant une bataille navale de la guerre Imjin. On peut remarquer qu'il y a de nombreux combats au corps à corps.
Informations générales
Date 16 décembre 1598
Lieu No Ryang (côte sud de Corée)
Issue Victoire décisive de la flotte sino-coréenne et fin de la guerre Imjin
Belligérants
Corée Chosŏn,
Chine Ming
Japon Azuchi Momoyama
Commandants
Yi Sun-sin
Chen Lin
Deng Zilong†
Shimazu Yoshihiro
Tachibana Muneshige[1]
Wakizaka Yasuharu
So Yoshitoshi
Forces en présence
150 navires (dont 3 keobukseons, 6 jonques de guerre Ming, 82 panokseons et 2 panokseons Ming) et 15 600 hommes 500 navires et 20 000 hommes
Pertes
1 Panokseon Ming coulé, 270 soldats coréens (dont Yi Sun-sin) et 400 soldats chinois tués (dont Deng Zilong) 200 navires coulés, 100 navires capturés, 12 000 à 15 000 soldats japonais tués
Guerre Imjin
Batailles
Pusan — Tadaejin — Dongnae — Sangju — Chungju — Okpo — Sacheon — Rivière Imjin — Dangpo — Danghangpo — Hansan — Pyongyang — Jeonju — Haejeongchang — Pusan — Jinju — Pyongyang — Byeokjegwan — Haengju — Jinju — Pusan — Hwawangsan — Chilchonryang — Namwon — Happo — Myong-Yang — Jiksan — Ulsan — Sacheon — No Ryang

La bataille navale de No Ryang est la dernière bataille de la guerre Imjin, qui oppose la Corée de la dynastie Chosŏn et la Chine de la dynastie Ming à l'empire japonais de Hideyoshi Toyotomi de 1592 à 1598. Les flottes belligérantes sont menées, du côté sino-coréen, par l'amiral Yi Sun-sin et par le Chinois Chen Lin, tandis que, du côté japonais, Shimazu Yoshihiro est le commandant de la flotte.

Elle se déroule le 16 décembre 1598 (19 novembre 1598 dans le calendrier lunaire) et se conclut par la victoire de la flotte des bateaux tortues de l'amiral Yi Sun-sin, qui périt au cours de la bataille, victime d'un tir d'arquebuse.

Cette bataille marque la toute première utilisation du Kòbuk-Sòn ou Keobukseon (bateau tortue), premier navire blindé à livrer bataille en haute mer[2]. L'amiral Yi lui-même avait conçu les plans de ce navire, aujourd'hui perdus. Après cette défaite, les Japonais abandonnent provisoirement l'idée de conquérir la péninsule coréenne.

Sommaire

Contexte : la guerre Imjin

Estampe japonaise représentant Hideyoshi Toyotomi.
Pour consulter un article plus général, voir : Guerre Imjin.

Après plusieurs revers maritimes et terrestres, l'armée japonaise a été repoussée vers son réseau de forteresses wajō (和城, Waeseong en coréen), situées sur la côte sud-est de la péninsule coréenne. Cependant, les wajō ne peuvent accueillir la totalité de l'armée japonaise. Aussi, en juin 1598, Hideyoshi Toyotomi ordonne à environ 70 000 hommes de retourner au Japon[3]. Le 18 septembre de la même année, Hideyoshi meurt au château Fushimi de Kyoto[4]. Ses derniers ordres concernent le retrait des forces de garnison restantes du réseau de wajō[5]. Cependant, à cause de la forte présence de navires Chosŏn et Ming, les soldats japonais ne peuvent rejoindre le Japon et sont contraints à rester dans la relative sécurité de leurs forteresses.

La forteresse de Suncheon, la plus à l'ouest du réseau de wajō japonais, contient 14 000 soldats commandés par Konishi Yukinaga, qui fut le chef de l'avant-garde japonaise durant la première invasion en 1592[6]. L'amiral Yi Sun-sin et Chen Lin bloquent la retraite de Konishi. Ce dernier tenta de convaincre Chen Lin de lever le blocus en lui envoyant de nombreux présents. Si ce dernier accepte de retirer la flotte sino-coréenne, l'amiral Yi, lui, refuse[7].

Le 15 décembre 1598, environ 20 000 soldats en provenance des wajō de Goseong, Sacheon et Namhae embarqués sur 500 navires, commencent à se masser à l'est du détroit de No Ryang et tentent de briser le blocus de Suncheon. Le commandant de cette flotte est Shimazu Yoshihiro, chef du wajō de Sacheon[8].
L'objectif de la flotte sino-coréenne est d'empêcher la rencontre entre les forces de Shimazu et celles de Konishi, aussi elle attaque et bat la flotte de Shimazu[9]. L'objectif de Shimazu par contre est de remonter le détroit de No Ryang et de rejoindre l'armée de Konishi avant de se retirer sur Pusan. Shimazu sait que Konishi pourrait tenter de créer des dissensions entre les alliés sino-coréens, et espère que la flotte ennemie serait occupée ailleurs ou à maintenir le blocus, se rendant vulnérable à une attaque sur un autre front[10].

Prélude direct à l'affrontement

Panneau expliquant le déroulement de la bataille.

Avant le début de la bataille

Le 15 décembre, une vaste flotte japonaise se masse dans la baie de Sacheon à l'embouchure est du détroit de No Ryang. Shimazu n'est cependant pas sûr de la position de la flotte sino-coréenne. Selon lui, elle peut soit avoir poursuivi le blocus du wajō de Konishi dans le but d'attaquer un autre wajō abandonné plus à l'est, soit tenter de barrer la route des Japonais au niveau de l'embouchure ouest du détroit. La flotte des 500 navires de Shimazu ayant été repérée un peu plus tôt, Chen Lin ordonna de se préparer pour une bataille de nuit[11].

Forces en présence

La flotte Chosŏn dispose de 82 panokseons, regroupés autour de trois keobukseons[12]. La flotte Ming, quant à elle, est constituée de six jonques de guerre, mues par avirons et voiles, 57 galères de guerre légères uniquement mues par des avirons (navires habituellement utilisés pour le transport mais utilisés ici au combat)[13] et deux panokseons offerts à Chen Lin par Yi Sun-sin. 8 000 marins servent l'amiral Yi, tandis que Chen Lin a sous ses ordres environ 5 000 hommes de l'escadron « Guangdong » et 2 600 autres se battant à bord des navires coréens ; le tout formant un total d'environ 16 000 hommes[14],[15]. La flotte Ming est divisée en deux escadrons, dont le plus important (« Guangdong ») est sous le commandement de Chen Lin, l'autre étant mené par Deng Zilong[13]. La flotte sino-coréenne est pourvue de canons, de mortiers, d'archers et d'arquebusiers. La flotte japonaise est, elle, constituée des 500 navires de Shimazu, bien qu'une partie significative de la flotte serve au transport léger de troupes. La flotte sino-coréenne est donc en large infériorité numérique, mais ses navires ont une puissance de feu supérieure et des structures plus solides[13].

Déroulement de la bataille

Un bateau-tortue (ou keobukseon) de l'amiral Yi Sun-sin, exposé au Musée de la Guerre de Séoul

Première phase

La flotte sino-coréenne attend Shimazu à l'embouchure ouest du détroit de No Ryang. La bataille débute à 2 heures, au matin du 16 décembre 1598[16],[17].

Comme lors des batailles précédentes de l'amiral Yi, les Japonais sont incapables de répondre aux attaques des canons chinois et coréens qui les empêchent de bouger[16]. L'étroitesse du détroit limite également la manoeuvrabilité.

Lorsque la flotte japonaise est significativement endommagée, Chen Lin ordonne à sa flotte d'engager la mêlée. Cependant, cela permet aux arquebusiers japonais d'utiliser leurs tactiques traditionnelles d'abordage. Lorsque le vaisseau amiral de Chen Lin est attaqué, Yi Sun-sin ordonne à sa propre flotte d'engager également le corps à corps.

Song Hui-rip, capitaine du vaisseau amiral de Yi Sun-sin, est touché au casque par une balle d'arquebuse et tombe dans le coma[18]. Les navires sont si proches que les coréens peuvent lancer du bois enflammé sur le pont des vaisseaux japonais[18]. Les tirs d'arquebuse japonais forcent les marins chinois à se baisser[13]. Plusieurs navires abordent le vaisseau amiral de Chen Lin et, dans le corps à corps qui suit, le fils du commandant chinois est grièvement blessé par un coup d'épée destiné à son père. En voyant Chen Lin est en difficulté Deng Zilong, l'autre commandant Ming et 200 hommes de sa garde personnelle sont transférés sur un panokseon coréen (un des deux que Yi avait offert aux Chinois) et part à son secours[13].
Cependant, plusieurs vaisseaux Ming, confondant le panokseon avec un navire japonais, ouvrent le feu sur lui et l'endommagent. Le navire dérive jusqu'à des vaisseaux japonais qui l'abordent et tuent tout son équipage, dont Deng Zilong[13].

Deuxième phase

Statue de Yi Sun-sin à Séoul.
Gwaneumpo.
Statue de Kiyomasa Katô en face du château de Kumamoto, au Japon.

Vers le milieu de la bataille, lorsque l'aube s'apprête à poindre, plus de la moitié des navires de Shimazu ont été coulés ou capturés par la flotte sino-coréenne. On dit que le vaisseau amiral de Shimazu Yoshihiro a été coulé et que Shimazu lui-même s'est agrippé à un bout de bois tandis que, au moyen de grappins, des soldats chinois ont tenté de monter à bord du navire. Des vaisseaux japonais viennent au secours de Shimazu et le mettent en sécurité[18]. Au cours du combat, les vaisseaux s'affrontent tout le long du détroit, de l'embouchure ouest à l'embouchure est. Les navires japonais subissent de gros dommages et commencent à battre en retraite le long de la côté méridionale de l'île de Namhae, près de Pusan[19].

Troisième phase et mort de Yi Sun-sin

À l'issue de la bataille, la flotte japonaise bat en retraite. L'amiral Yi ordonne la poursuite[20]. Lors de celle-ci, il reçoit un tir d'arquebuse au niveau de l'aisselle gauche[21] venant d'un navire japonais. Conscient que le coup est mortel, il aurait alors murmuré « La bataille est à son paroxysme, n'annoncez pas ma mort... »[20] avant de rendre l'âme.

Son fils ainé Yi Hoe et son neveu Yi Wan[20] auraient alors pris son corps pour le transporter dans sa cabine avant qu'un soldat ne remarque la mort de l'amiral. Pour poursuivre la bataille, Yi Wan aurait alors revêtu la cuirasse de son oncle et annoncé par tambour de guerre au reste de la flotte que le combat continuait[20].

Le vaisseau amiral vient au secours du navire du commandant chinois Chen Lin, mal en point lors de la bataille. Ce dernier aurait alors demandé à voir l'amiral Yi pour le remercier personnellement, mais rencontre à la place Yi Wan qui lui annonce la mort de Yi Sun-sin[22]. Chen Lin aurait été tellement choqué par cette annonce qu'il serait tombé trois fois par terre, avant se marteler la poitrine, en larmes[23].

La nouvelle de la mort de l'amiral se répand rapidement dans la flotte alliée et les marins et soldats des deux flottes auraient alors poussés de nombreux cris de lamentations[22].

Bilan

Sur les 500 navires japonais sous le commandement de Shimazu, on estime qu'environ 150 à 200 sont capables de rallier le port de Pusan[24]. Konishi Yukinaga quitte sa forteresse le 16 décembre et parvient avec ses hommes à s'enfuir par la mer au niveau du sud de l'île de Namhae, contournant le détroit de No Ryang et la bataille[8]. Bien qu'il sache que la bataille faisait rage, il ne vient pas en aide à Shimazu. Toutes les forteresses wajō sont abandonnées et les forces terrestres sino-coréennes avancent pour les conquérir. Konishi, Shimazu, Kiyomasa Katô et d'autres généraux japonais de l'armée japonaise se réunissent à Pusan, puis se retirent vers le Japon le 21 décembre 1598. Les derniers navires retournent au Japon le 24 décembre[24], mettant fin à sept ans de guerre.

Le corps de Yi Sun-sin est emporté dans son village de Asan pour être brûlé selon la tradition coréenne. Il est honoré dans tout le royaume Chosŏn. Il reçoit à titre posthume le rang de Ministre du Droit. Des sanctuaires, officiels ou pas, sont construits en hommage à Yi sur tout le territoire coréen. En 1643, Yi Sun-sin reçoit le titre de Chungmugong (« seigneur de la Valeur fidèle »)[25].

Chen Lin livre un éloge à l'amiral Yi en assistant à ses funérailles. Il retourne ensuite en Chine pour y recevoir les plus grands honneurs militaires accordés à un commandant Ming durant la guerre Imjin[25].

Notes et références

Sources bibliographiques

  • (en) Samuel Hawley, The Imjin War, Université de Californie, université de Berkeley.
  • (en) Choi Byung-hyon, The Book of Corrections, Université de Californie, université de Berkeley.
  • (en) Stephen Turnbull, Samurai Invasion: Japan's Korean War, Cassel
  • (ko) Tae-hung Ha, Imjin Changch'o, Presse de l'Université de Yonsei.

Notes

(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu d’une traduction de l’article en anglais intitulé « Battle of Noryang ».

  1. War history of Japan: Chousen-eki (1924), (ISBN 4198902658)
  2. Il a existé une quinzaine d'années avant le bateau tortue le Tekkōsen, un navire cuirassé japonais, mais incapable de prendre la haute mer.
  3. (en) Stephen Turnbull, Samurai Invasion: Japan's Korean War, Cassel, 2002, page 217
  4. (en) Samurai Invasion: Japan's Korean War, page 218
  5. (en) Samuel Hawley, The Imjin War, Berkeley, page 548
  6. (en)Samurai Invasion: Japan's Korean War, page 42
  7. (en) The Imjin War, pages 549 et 550
  8. a  et b (en) Samurai Invasion: Japan's Korean War, page 226
  9. (en) The Imjin War, pages 552-554
  10. (en) The Imjin War , pages 551 et 552
  11. Voir page 172 inDictionary of Ming biography, 1368-1644, Association for Asian Studies, Columbia University Press, 1976
  12. (en) The Imjin War, page 552
  13. a , b , c , d , e  et f (en) The Imjin War, page 553
  14. (en) Choi Byung-hyon, The Book of Corrections, Berkeley, page 213
  15. (en) The Imjin War, pages 521 et 553
  16. a  et b (en) Samurai Invasion: Japan's Korean War, page 226
  17. (en) The Imjin War, page 552
  18. a , b  et c (en) The Imjin War, page 554
  19. (en) The Imjin War, pages 555-556
  20. a , b , c  et d Tae-hung Ha, Imjin Changch'o, Presse de l'Université de Yonsei, page 237.
  21. (en) The Imjin War, pages 549-550.
  22. a  et b (en) The Book of Corrections, page 222
  23. (en) The Imjin War, page 555
  24. a  et b (en) The Imjin War, page 556
  25. a  et b (en) The Imjin War, page 557

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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