- Cap au leste
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Le 23 août 1731, le père Laure, jésuite missionnaire en Nouvelle-France et géographe, traça la première carte du domaine du Roi. Chaque mention d’une dénomination a fait l’objet d’une explication basée sur un fait historique. Toutefois, celui du Cap au Leste demeure une énigme entretenue par différentes hypothèses liées à la navigation sur la rivière du Saguenay, ou au positionnement par rapport à un autre cap, celui du cap à l’Ouest. La mention du père Laure sur sa carte de 1731 et les récits très peu explicites des explorateurs Louis Aubert de Lachenaye et Lauren Normandin, en 1731 et 1732, n’informent pas suffisamment pour tirer au clair ce toponyme.
Sommaire
L’énigme du Cap au Leste demeure…
Différentes interprétations et tentatives de solution à l’énigme ont été explorées par des historiens amateurs et professionnels. Dans l’hypothèse d’une escale de navigation pour se donner du lest, il serait facile de conclure que cet endroit précis du Saguenay rencontre les conditions favorables pour mettre du lest aux navires. Mais, n’ou¬blions pas que les navires du XVIIIe siècle entièrement construit en bois sont légers et surtout très flottants. On peut supposer que pour assurer la stabilité de leurs navires les capitaines ont besoin de mettre davantage de poids dans les cales. De même, on peut également comprendre que le besoin de « Lester » est davantage nécessaire lorsque les conditions de navigation deviennent périlleuses (les vents contraires, les récifs, les courants et contre-courants etc...). Une autre version avancée par l’historien Mgr Victoire Tremblay et le chroniqueur Yves Ouellet, pourrait proposer que les navires venus prendre du bois se « délestaient » avant de prendre leur cargaison dans les scieries installées sur le cours du Saguenay. Ces explications sont peu probables pour les raisons suivantes : l’exploitation du bois, principalement les grands pins blancs qui servaient à faire des mats pour la flotte anglaise commencent en 1838 par l’arrivée de la société des 21. Si on devait accepter cette explication, comment comprendre que la dénomination Cap au Leste est déjà dans l’usage des explorateurs bien avant 1740 et que le transport du bois sur le Saguenay commence seu¬lement autour de 1838. De plus, si les navires enlevaient du lest, le cap aurait pu aussi s’appeler Cap au Lestage !
La sémantique du terme
En 1731, l’explorateur Louis Aubert de Lachenaye mentionne ce lieu d’escale. Portons attention à son récit :
Quand on n’a passé la pointe au François (Français) le Sagné élargi et de l’un à l’autre Cap, entre les deux, cela forme une grande ance depuis la pointe au François jusqu’au cap au leste. Cette grande ance peut avoir une demie lieu de profondeur (distance et non-profondeur de la rivière), et de Cap au L’este jeudy six (6 septembre 1731) après avoir sondé autour du Cap au L’este.
Il faut attirer l’attention sur trois petits détails du texte. Précisons d’abord que le Cap au François est situé en aval du Cap au Leste lorsque le navigateur remonte le Saguenay. On remarquera que l’auteur écrit différemment à deux reprises les mots leste et l’est.
Le deuxième détail porte précisément sur l’épellation du mot «leste ». L’on sait que le mot désignant une charge pour donner du poids aux cales des navires s’écrit lest. Mais il y a aussi le mot leste, un adjectif qui signifie la souplesse et la légèreté dans le mouvement. Donc lorsque le mot lest porte un « e », son sens est tout à fait à l’opposé du terme de navigation qui signifie le poids additionnel donné aux navires. Le troisième détail, même si on retenait l’hypothèse d’une confusion dans l’épellation du mot, c’est surtout au mot « au » qu’il faut insister pour dire que Lachesnaye ne parlait pas de la direction « est » car, n’est-il pas d’usage de la langue, même à cette époque, que pour exprimer une direction on utilise « au » l’est au lieu de « à » l’est ? (à est une préposition venant du latin AD marquant la direction).
L’année suivante, l’explorateur Joseph Lauren Normandin, prenant la relève de Lachenaye, se venait procé¬der à un relevé géographique du territoire et des ressources se trouvant sur le domaine du roi. Il y relève, le 26 mai, « nous sommes venus coucher au Cap au Leste » pourquoi ce temps de pause ? Sinon, le temps de prendre du l’est pour terminer le parcours plus difficile de la navigation jusqu’au poste de Chicoutimi. Peut-on imaginer d’autres hypothèses ?
Source : Laurent Thibeault Professeur d’histoire - Maire de Ste Rose du Nord
Voir aussi
+++ Articles connexes ===
Liens externes
- Site Web du Cap au Leste : Cap au Leste, Saguenay
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