Ban dainagon ekotoba

Ban dainagon ekotoba
Ban dainagon ekotoba
Image illustrative de l'article Ban dainagon ekotoba
Foule s'agitant autour de la première porte du palais.
Artiste Tokiwa Mitsunaga
Année XIIe siècle
Type Emaki
Technique Peinture et encre sur rouleau de papier
Dimensions (H × L) 31 cm × 2 670 cm
Localisation Musée dart Idemitsu, Tōkyō, Japon

Le Ban dainagon ekotoba (伴大納言絵詞?) ou Tomo no dainagon ekotoba[1], traduit en Rouleau enluminé du grand conseiller Tomo no Yoshio ou Histoire de Ban dainagon, est un emaki japonais datant de la fin de lépoque de Heian. Il illustre un événement historique, une conspiration politique à la cour au IXe siècle, et présente une évolution notable dans le style des rouleaux peints. Il est protégé en tant que trésor national du Japon.

Sommaire

Contexte

Article détaillé : Emaki.

Apparue au Japon depuis environ le VIe siècle grâce aux échanges avec lEmpire chinois, la pratique de lemaki se diffuse largement auprès de laristocratie à lépoque de Heian : il sagit de longs rouleaux de papier narrant au lecteur une histoire au moyen de textes et de peintures. Plus tard, lavènement de lépoque de Kamakura est marqué par les luttes intestines et les guerres civiles qui se répandent et favorisent lascension de la classe des guerriers (les samouraïs) ; ces derniers mettent à lhonneur une culture aristocratique réaliste moins maniérée et ésotérique (le zen apparaît aussi en ces temps). Le Ban dainagon ekotoba sinscrit dans ce contexte-, au début de lâge dor de lemaki (XIIe et XIIIe siècles)[2].

Création et contenu des rouleaux

Mouvements de foule autour de lincendie, avec des couleurs vives.

Lemaki se compose de trois rouleaux de papier mesurant environ 26,70 m de long et 0,31 cm de large[3]. Les estimations le datent de la seconde moitié du XIIe siècle, à la fin de lépoque de Heian. Des travaux récents permettent de dire que lauteur se nomme Tokiwa Mitsunaga (常盤 光長?) (ou Tosa Mitsunaga), un membre de lOffice de peinture de la cour (Edokoro) travaillant pour lempereur Go-Shirakawa[4],[5]. Il est généralement admis que lempereur ait lui-même commandé la confection des rouleaux, peut-être pour apaiser lesprit de Tomo no Yoshio ( 善男?) après le vaste incendie de 1177 à Kyōto[6]. Quant aux calligraphies, elles pourraient avoir été réalisées par le poète Fujiwara no Norinaga, sans preuve toutefois[7]. Seuls les deux derniers rouleaux incluent des portions de texte, deux chacun.

Larrestation de Tomo no Yoshio.

Les rouleaux narrent une conspiration politique de 866 connue sous le nom dincendie de la porte de lŌtenmon (ja), lorsque Tomo no Yoshio (Ban dainagon, un grand conseiller) tente daccuser son rival et ministre (sadaijin) Minamoto no Makoto de lincendie de la porte Ōtenmon du palais impérial[8]. Le premier rouleau souvre ainsi sur la scène de lincendie, alors que la foule et les officiels sagitent en tout sens, puis laccusation de Minamoto no Makoto. Dans le second rouleau, Minamoto no Makoto sest retiré de la cour pour prier les dieux. Puis lhistoire saventure dans les quartiers populaires , durant un affrontement, un valet révèle avoir vu Tomo no Yoshio, le dainagon, mettre lui-même feu à lédifice. Dans le dernier rouleau, des officiers arrêtent le servant afin quil leur avoue la véritable cause de lincendie. Tomo no Yoshio est alors arrêté chez lui et exilé dans la province d'Izu. Cette conspiration politique populaire se retrouve dans plusieurs autres peintures ou œuvres japonaises[9].

Le Ban dainagon ekotoba constitue actuellement le plus ancien exemple conservé demaki traitant dun fait historique[10]. De nos jours, il est exposé au musée dart Idemitsu à Tōkyō, et a été reconnu comme trésor national du Japon.

Style et composition

Gros plans sur les visages expressifs des personnes dans la foule.

Comme la majorité des emaki, le Ban dainagon ekotoba appartient au style yamato-e. Plus précisément, les rouleaux mélangent plusieurs caractéristiques des œuvres précédentes, qui se catégorisaient alors en deux genres bien distincts du yamato-e, lonna-e (comme le Genji monogatari emaki) et lotoko-e (comme le Shigisan engi emaki). Toutefois, H. Okudaira en particulier catégorise le Ban dainagon ekotoba dans le mouvement otoko-e[11], car il en présente les caractéristiques principales. En effet, sa composition consiste en une suite continue de peintures, sans interruption de texte, et la narration est tournée vers lenchaînement des événements[8]. Le trait, vif et rapide, confère une impression de mouvement et permet de faire ressortir les passions et le ridicule[9], une approche très japonaise que lon trouve dans le Shigisan engi emaki. Comme dans la plupart des rouleaux continus, lauteur utilise la technique du hampuku byōsha, cest-à-dire la représentation dun personnage plusieurs fois dans une même scène, afin de suggérer la notion temporelle et le rythme[12]. Des œuvres de cour comme le Genji monogatari emaki, les rouleaux reprennent principalement la couleur, appliquée en couche épaisse et vive selon la méthode du tsukuri-e, ou peinture construite. Lemploi de cette technique napparaît toutefois pas systématique et des scènes arborent un style plus libre et dynamique[11]. Lusage de la couleur illustre le mélange des styles, approche dominante à lépoque de Kamakura[13].

Lamentation des femmes peu avant larrestation de Tomo no Yoshio, peinture vive réalisée avec la technique tsukuri-e.

Lartiste sefforce également de retranscrire les émotions très humaines des personnages, comme la peur ou lagitation[5] ; la scène de lincendie de la porte illustre notamment cela, exprimant l« intensité dramatique dans la foule »[8]. Pour H. Okudaira, la représentation de la vaste foule est dailleurs particulièrement réussie dans les rouleaux[11]. De plus, les traits des visages apparaissent de façon réaliste et détaillée, ils expriment directement les sentiments. Un exemple frappant reste les dernières scènes dans la riche demeure de Tomo no Yoshio peu avant son arrestation : les femmes se laissent aller à leur chagrin sans retenu[5]. La composition en couleur vive montre directement lintérieur, utilisant la technique du funkinuki yatai (consistant en ne pas dessiner les toits des bâtiments)[5].

Valeur historiographique

Lintérieur du palais lorsque Fujiwara Yoshifusa en appelle à la justice de lempereur Seiwa après lincendie.

Le Ban dainagon ekotoba a été étudié par de nombreux universitaires depuis lère Meiji[6]. Lépisode de la conspiration dŌtemon, datant de 866, est rapporté dans le Nihon sandai jitsuroku (日本三代実録?, les chroniques officielles de lÉtat), ainsi que plus tard dans le recueil de contes Uji shūi monogatari (宇治拾遺物語?)[14]. Toutefois, les rouleaux illustrent bien plus la vie à Kyōto du XIIe siècle (époque de leur confection), et donnent un témoignage précieux sur divers aspects de la vie quotidienne comme la chambre à coucher, les postures, les combats et surtout, les vêtements. Une étude de luniversité de Kanagawa porte sur ce sujet, décortiquant les habits des hommes et femmes, des pauvres, des citadins ou encore des gardes[14]. De plus, quelques scènes à lintérieur du palais renseignent également sur son agencement intérieur[15].

Annexes

Articles connexes

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Bibliographie

  • Elise Grilli (trad. Marcel Requien), Rouleaux peints japonais, Arthaud, 1962, 56 p. 
  • (en) Hideo Okudaira (trad. Elizabeth Ten Grotenhuis), Narrative picture scrolls, vol. 5, Weatherhill, coll. « Arts of Japan », 1973, 151 p. (ISBN 9780834827103) 
  • (ja) Ichimatsu Tanaka, 伴大納言絵詞 (Ban dainagon ekotoba), vol. 4, Kadokawa Shoten, coll. « Nihon emakimono zenshū », 1961, 100 p. 

Notes et références

  1. (en) Louis Frédéric, Japan encyclopedia, Harvard University Press, 2005 (ISBN 0674017536) [lire en ligne], p. 68 
  2. Christine Shimizu, Lart japonais, Flammarion, coll. « Tout lart », 2001 (ISBN 9782080137012), p. 193 
  3. Grilli 1962, p. 14
  4. Okudaira 1973, p. 46, 95
  5. a, b, c et d (en) Penelope E. Mason et Donald Dinwiddie, History of Japanese art, Pearson Prentice Hall, 2005 (ISBN 9780131176010), p. 120-122 
  6. a et b (en) Kenji Matsuo (trad. Kevin Gray Carr), « Explaining the "Mystery" of Ban Dainagon ekotoba », dans Japanese Journal of Religious Studies, vol. 28, no 1/2, 2001 [texte intégral] 
  7. Shimizu 2001, p. 148
  8. a, b et c Seiichi Iwao et Hervé Benhamou, Dictionnaire historique du Japon, vol. 2, Maisonneuve & Larose, 2002 (ISBN 2706816325), p. 121-122 
  9. a et b Théo Lésoualch, La Peinture japonaise, vol. 25, Lausanne, Éditions Rencontre, coll. « Histoire générale de la peinture », 1967, p. 44-45 
  10. Okudaira 1973, p. 95
  11. a, b et c Okudaira 1973, p. 29-30
  12. Okudaira 1973, p. 67-70
  13. Grilli 1962, p. 11
  14. a et b (en) Keizo Shibusawa et al., « Pictopedia of Everyday Life in Medieval Japan compiled from picture scrolls », dans Report of "Systematization of Nonwritten Cultural Materials for the Study of Human Societies", université de Kanagawa, 1984 [texte intégral] 
  15. Mason et Dinwiddie 2005, p. 104-105

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