Amilcar Lobo Moreira

Amilcar Lobo Moreira

Amilcar Lobo Moreira da Silva était un médecin et aspirant-psychanalyste brésilien, qui participa activement aux séances de torture lors de la dictature militaire, en particulier pendant la première moitié des années 1970. Décédé depuis, il est survécu par sa veuve, Maria Helena Gomes de Souza. Révélée dès les années 1970, l'affaire ne prit toute son ampleur que dans les années 1980, le rôle de l'International Psychoanalytical Association (IPA), qui s'abstint de le condamner officiellement jusqu'à 1995, demeurant aujourd'hui encore controversé.

Sommaire

Affaire Lobo

Lors de la transition démocratique, il avouera au Jornal do Brasil, en 1986, sa participation, déclarant notamment que l'ancien député Rubens Paiva (en) était décédé suite à la torture en 1971. Il dira alors être devenu un rouage du système politico-militaire. Bien que ne manifestant aucun remords, il dénonça deux autres tortionnaires, et fut par la suite victime de deux tentatives d'assassinat [1].

Dès 1973, le journal clandestin Voz Operária dénonça les agissements d'Amilcar Lobo, membre de la SPRJ (Sociedade psicanalítica do Rio de Janeiro), qui avait commencé une analyse en 1970[1]et travaillait avec les militaires au DOI-CODI (en) (la police politique) de Rio lors des interrogatoires[2]. Une autre psychanalyste, membre de la société rivale SPBRJ, Helena Besserman Vianna, envoya la coupure de presse en Argentine, où elle fut publiée dans la revue Questionamos, dirigée par Maria Langer[2]. Cette dénonciation d'Amilcar Lobo et de son analyste, Leáo Cabernite, fut transmise à l'International Psychoanalytical Association (IPA) et à ses différentes branches régionales[2]. Mais ni Serge Lebovici, président de l'IPA, ni David Zimmermann (en), président du Coordinating Committee for Psychoanalytic Organizations in Latin America (en), ne prêtèrent foi à ces allégations. Une campagne de dénigrement voire de persécution fut initiée contre Helena Besserman Vianna, identifiée par la police à l'aide d'une expertise graphologique faite à la demande des deux sociétés de psychanalyse de Rio[3]. Un comité de l'IPA vint à Rio pour éclaircir l'affaire, sans résultats. Pour Füchtner, « la direction de la Société brésilienne de psychanalyse travaillait d'évidence main dans la main avec la police politique » [4]. Toutefois, en 1973, son analyste mit fin à sa cure, et Amilcar Lobo ne parvint à achever le parcours complet menant au titre de psychanalyste[3]. Cela ne l'empêcha pas d'ouvrir un cabinet: il avait six patients, en 1986, à sa clinique de Copacabana[3].

En octobre 1980, Amilcar Lobo fut finalement exclu de la SPRJ, et identifié l'année suivante par des ex-prisonniers politiques témoignant devant la Commission des droits de l'homme de l'Association du Barreau brésilien. Ceux-ci déclarèrent alors que Lobo n'avait pas lui-même torturé de façon personnelle les détenus, mais était chargé de les maintenir en vie afin de prolonger les séances. Outre cette supervision de l'état de santé, il administrait lui-même, par voie sanguine, des produits censés agir comme « sérum de vérité ».

Ces accusations furent réitérées en 1986, par un groupe d'anciens prisonniers politiques, devant le SPRJ. Le 1er octobre 1986, la revue Istoé publie ainsi un article titré « La psychanalyse de la peur ». Plusieurs psychanalystes, dont Hélio Pellegrino et Eduardo Mascarenhas, avaient été exclus de cette dernière pour avoir dénoncé les actes passés d'Amilcar Lobo[5].

Sa culpabilité avérée, Lobo fut radié du registre des médecins par le conseil médical régional en 1988. Le Grupo Tortura Nunca Mais/RJ participa activement aux débats, lors desquels le médecin Ricardo Agnese Fayad, qui vit sa licence retirée en 1994, fut aussi mis en cause[6].

Cette sentence fut cependant commuée par le conseil fédéral, qui l'allégea en suspension de 30 jours. Le scandale rebondit lorsque le SPRJ ré-intégré son analyste, Leáo Cabernite, qui avait démissionné auparavant en protestation contre la suspension d'Amilcar Lobo, menant en 1995 à une scission avec la création du Groupo Pró-Etica et de son journal, Destacamento. En 1995, sous la présidence d'Horacio Etchegoyen, le comité exécutif réhabilita Helena Besserman Vianna. Deux ans plus tard, Cabernite démissionna finalement, étant interdit d'adhérer à quelque branche que ce soit de l'IPA.

En 2000, le gynécologue José Lino Coutinho fut le troisième médecin à être radié par le Conseil fédéral des médecins, après Amilcar Lobo et Ricardo Agnese Fayad, pour sa participation à la torture sous la dictature[7].

Références

  1. a et b Torsten Lucas et Christian Pross, Human Rights Violations and the Health Professions: Caught Between Conscience and Complicity, Medicine and Global Surval 19/95, 18 p. 
  2. a, b et c Hans Fütchner, Le cas Werner Kemper: psychanalyste, collaborateur, nazi, membre de la Gestapo, marxiste militant ?, États généraux de la psychanalyse: Seconde Rencontre Mondiale – Rio de Janeiro, 2003
  3. a, b et c « La psychanalyse de la peur », Istoé, 1er octobre 1986, sur le site des Arquivo Ana Lagoa (AAL), du département des sciences sociales de l'Universidade Federal de São Carlos.
  4. Füchtner, H.: "Politische Folter, Psychoanalyse und Gesellschaftliche Macht -Anmerkungen zu einem brasilianischen Beispiel," in: "Seelenmord -Psychosoziale Aspekte der Folter," IWKMitteilungen, Institut für Wissenschaft und Kunst, Wien, 1 (1992), 18-24. Cité par Lucas et Pross, art.cit.
  5. Humberto Werneck (rédacteur en chef de la revue Istoé), Hélio Pellegrino, Um homem e seu pensamento
  6. Grupo Tortura Nunca Mais/RJ, Médicos Legistas e tortura no Brasil, 28 juin 2008
  7. Médico é cassado por acompanhar tortura, Folha de Sao Paulo, 16 juin 2000

Source principale

  • Marialzira Perestrello, Notice Brazil sur l'International Dictionary of Psychoanalysis

Voir aussi

  • Werner Kemper (1899-1976), psychanalyste qui travailla à l'Institut Göring sous le nazisme
  • Dolcey Britos, psychologue uruguayen accusé d'avoir participé aux interrogatoires et à la torture à la prison Libertad ((sic)) lors de la dictature uruguayenne
  • Programme SERE

Bibliographie

  • Amilcar Lobo, A Hora do Lobo. A Hora do Carneiro, Ed. Vozes, 1989, 111 p. 
  • « Psychanalyse do medo », Istoé, 1er octobre 1986, sur le site des Arquivo Ana Lagoa (AAL), du département des sciences sociales de l'Universidade Federal de São Carlos.

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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Amilcar Lobo Moreira de Wikipédia en français (auteurs)

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