- Alexis de Redé
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Alexis Rosenberg, 3e baron de Redé (4 février 1922 — 8 juillet 2004), plus connu sous le nom de baron Alexis de Redé, est un aristocrate d'origine juive austro-hongroise, amateur d'art, esthète réputé et grand collectionneur de mobilier français du XVIIIe siècle.
Établi à Paris après la Deuxième Guerre mondiale, il a fait partie des plus hauts cercles de la société mondaine européenne et américaine pendant près de soixante ans.
Peu soucieux de célébrité médiatique et de son vivant quasi-inconnu du grand public, cet apparent dilettante a voulu vivre d'élégance et de goût, dans un faste qui étonnait déjà ses commensaux durant les années 1950. C'est ce qui rend d'autant plus inattendu le rôle de conseiller financier qui fut le sien, à un moment de sa vie, pour des "rock stars" comme les Rolling Stones, quoique Roger Peyrefitte l'ait qualifié de génie des affaires.
Sommaire
Enfance et éducation
Alexis de Redé est né le 4 février 1922 à Zurich, Suisse, dans un milieu éminemment privilégié.
Son père, Oskar Adolf Rosenberg, 1er baron de Redé, est un banquier juif austro-hongrois anobli en 1916 par l'empereur François-Joseph d'Autriche[1]. "Dans "Les Juifs", j'ai fait allusion à son origine; il m'a fait écrire par son avocat que le titre de baron de Rédé était reconnu dans la principauté de Liechenstein ! C'est vraiment une référence inattaquable."
Roger Peyrefitte ("Propos Secrets", Albin Michel, tome 1, 1977, p.42) .
Ce financier avisé est le fondé de pouvoir de souverains tel que le roi Nicolas de Monténégro[2] et il possède la plus jolie station balnéaire d'Allemagne, Heiligendamm, le "Deauville de la Baltique"[3]. La mère d'Alexis, Edith, née von Kaullas, appartient à une riche famille de banquiers juifs allemands eux-mêmes anoblis et associés au roi de Wurtemberg dans la propriété de la banque de Wurtemberg.À l'instar des riches familles aristocratiques d'Europe centrale de l'époque, les Rosenberg mènent une existence cosmopolite et voyageuse. Après s'être installé au Liechtenstein dont il prend la nationalité, Oskar Adolf Rosenberg loue un immense appartement (16 pièces[4]) dans un grand hôtel de Zurich où il installe sa femme, son fils aîné, Hubert, et sa fille, atteinte de déficience mentale. C'est dans cette ambiance viscontienne que naît Alexis. Une armada de gouvernantes et de précepteurs veille sur les trois enfants qui sont élevés dans la religion protestante, bien que les deux familles soient de confession juive. Pour sa part, le père vit principalement à Vienne d'où il mène ses affaires.
C'est en 1931 que s'annonce le déclin : apprenant qu'elle est atteinte de leucémie, la mère d'Alexis se rend à Vienne voir son mari, où elle apprend que celui-ci entretient une maîtresse à Paris. Qu'il s'agisse du choc causé par cette révélation ou des avancées de sa maladie, elle décède trois semaines plus tard. Alexis a neuf ans. Il est aussitôt envoyé par son père à l'Institut Le Rosey, célèbre pension suisse où se côtoient les rejetons de milliardaires et de familles royales.
Il y sera le condisciple du futur Rainier III de Monaco et du futur shah d'Iran, le jeune Mohammad Reza Pahlavi, qui se souviendra de lui comme d'un garçon d'une "gracieuse langueur"[5].
Alors qu'enfle l'ombre du nazisme, il y rencontrera aussi l'antisémitisme dont il ne soupçonnait pas l'existence : un jour, un camarade allemand s'excuse nonchalamment auprès de lui de ne plus jamais pouvoir lui adresser la parole.
Ruiné, son père se suicida.
Témoignages:(...) "Un jour Arturo Lopez (-Willshaw) entre dans une banque new-yorkaise et aperçoit un ravissant et mince employé blond. Il l'invite à dîner, lui demande son nom : Alexis Rosenberg. Que le Tout-Paris connaît maintenant sous le nom de baron de Rédé. Il a été un grand ami de Denise Bourdet (...) je l'ai rencontré à Taormina. C'est un homme très distingué, et qui a une sorte de génie des affaires. Il a réussi, non seulement à restaurer la fortune d'Arturo Lopez, mais encore à devenir plus riche que lui. Le Tout-Paris connaissait cette amitié, mais personne n'en parlait. Arturo était marié, Rédé faisait la cour aux baronnes de Rothschild ou aux jeunes filles du monde. On annonçait de temps en temps ses fiançailles, et on faisait semblant d'y croire. Il fut éconduit d'une manière humiliante, lorsqu'il sollicita la main d'une fille du comte de Paris".
Roger Peyrefitte (op.cit. pp.42 et 43).
Selon Pierre Bergé, Rosenberg avait 19 ans lors de leur rencontre, ce qui la place vers 1941-42; selon certains, il travaillait alors pour un antiquaire.
" Il existe à Paris une poignée d'hommes qui, depuis des décennies, semblent ne pas avoir vieilli, ou presqu.e (...) l'élégant baron de Rédé, souvent drapé dans une cape et chaussé d'escarpins d'une finesse extrême. Ses chheveux acajou sont tantôt plaqués, tantôt légèrement bouffants. De loin, sa silhouette est celle d'un homme de quarante ans".
Pierre Le Tan, "Rencontres d'une vie 1945-1984" (Aubier, 1986, p. 100 - portrait en buste dessiné p. 101).
Décorateur "grand genre" et collectionneur d'art
Rédé collectionnait différents types d'objets d'art et livres précieux dans le goût fastueux dit "Europe Centrale".
"(...) Arturo Lopez-Willshaw allait transformer sa vie toute entière. Ils vinrent vivre à Paris (en 1946) où Alexis occupa l'étage noble du fameux hôtel Lambert(...). Collectionneur avisé, il savait s'entourer d'objets d'art, de coupes de vermeil d'Augsbourg et de Dresde, d'émaux de Limoges et de Venise, qui ne pouvaient venir que de chez Nicolas Landau et de chez Kugel. Cet amateur aurait pu en remontrer à bien des professionnels (...) il était d'une insatiable curiosité. Il y a vingt ans (1975), lorsque l'hôtel Lambert fut à vendre, ses amis Guy et Marie-Hélène de Rotschild s'en rendirent les maîtres et le partagèrent avec lui. C'est là, dans ce lieu d'un autre âge, qu'il termina ses jours."
Pierre Bergé (op. cit.)
Le milliardaire chilien Lopez-Willshaw loua le premier étage de cet hôtel prestigieux de l'île Saint-Louis, que son jeune compagnon restaura pendant deux ans (1947-1949 ?) et meubla magnifiquement; il hérita ensuite de la moitié de la fortune et d'une partie de l'importante collection d'art de son ami, mort en 1962.
La collection de Rédé fut dispersée lors de deux grandes ventes aux enchères publiques: la première, survenue après la mort de son ami en 1975, aurait été causée par une situation financière altérée par de mauvais investissements;
- Meubles et Objets d'art provenant de l'Hôtel Lambert et du château de Ferrières, appartenant au Baron de Redé et au Baron Guy de Rothschild, Monaco, Sotheby's-Parke-Bernet, 25 et 26 mai 1975;
- la seconde, "Collection du Baron de Redé provenant de l'Hôtel Lambert" Paris, Sotheby's, 15 et 17 mars 2005 (2 volumes), fut faite dans le cadre de sa succession, dont selon sa dernière compagne Charlotte Aillaud, certains livres anciens de grande valeur furent exclus.
Bals et fêtes
Alexis de Redé fut connu notamment pour ses fêtes fastueuses - Alexandre Serebriakoff dessinait les plans de table de ses dîners - comme le Bal des Têtes en 1956 ou encore le Bal oriental en 1969 qu'il organisa à l'Hôtel Lambert qui fut pour lui une sorte 'd'apothésoe mondaine" et lui aurait coûté un million de dollars.
Le Bal oriental
Rédé donna un Bal oriental à l'hôtel Lambert le 5 décembre 1969 dont il avait eu l'idée suite à l'achat d'un mouchoir indien, et les invitations étaient la copie de ce mouchoir[6]. Les personnalités les plus connues du Tout-Paris et de la la café society internationale y assistèrent :
- Baronne Marie-Hélène de Rothschild
- Baron Guy de Rothschild
- Baron David René de Rothschild
- Baronne Philippine de Rothschild
- Monsieur Anténor Patiño,
- Madame Anténor Patiño
- Vicomtesse Jacqueline de Ribes
- Aline Griffith, comtesse de Romanones
- Duc de Cadaval
- Duchesse de Cadaval
- Monsieur James Douglas
- Madame Pierre Schlumberger
- Baron Arnaud de Rosnay
- Monsieur Guy Baguenault de Puchesse
- Vicomtesse de Bonchamps
- Madame Vincente Minnelli
- Mademoiselle Marie Bell
- Madame Arturo Lopez-Willshaw
- Madame Graham Mattison
- Madame Aimée de Heeren
- Prince Rupert zu Loëwenstein
- Baron Thierry Van Zuylen van Nijevelt
- Baronne Gaby Van Zuylen van Nijevelt
- Baronne de Günzburg
- Baron Gérard de Waldner
- Madame Michel David-Weill
- Madame Jean-Claude Abreu
- Madame José Espirito Santo Silva
- Madame Angelica Lazenska
- Monsieur Serge Lifar
- Monsieur Kenneth Jay Lane
- Madame Konrad Henkel
- Johannes, 11th Prince of Thurn and Taxis
- Madame Porfirio Rubirosa
- Madame Aileen Mehle
- Monsieur Salvador Dalí
- Monsieur Valérian Styx-Rybar
- Monsieur Jean-François Daigre
- Madame Dolores Guinness
- Brigitte Bardot
- Reine Marguerite II de Danemark
- Henrik, Prince Consort du Danemark
Le maître de maison était costumé en prince mongol ; des éléphants en papier-maché accueillaient les invités dans la cour de l’hôtel, des "esclaves noirs" torse nu portait les torches dans le grand escalier menant à la salle de bal tandis que des automates jouaient de différents instruments de musique disposés dans la majestueuse galerie d'Hercule; cette fête restera l'une des plus célèbre de l'après-guerre, et fit l'objet de nombreux reportages, entre autres dans Vogue, et Paris-Match.
Rédé ne cachait pas son homosexualité et fut longtemps le compagnon d'Arturo Lopez-Willshaw qui, au demeurant, avait épousé sa cousine. Charlotte Aillaud - soeur de la chanteuse Juliette Greco - partagea ses dix dernières années.
Bibliographie.- ses mémoires posthumes : "Alexis: The Memoirs of the Baron de Redé" (Hugo Vickers, The Dovecote Press, 2005);
- Roger Peyrefitte, "Propos Secrets" (Albin-Michel,tome 1, 1977);
- Pierre Le Tan, "Rencontres d'une vie, 1945-1984 (souvenirs de M.P.)" (Aubier, 1986;
- Pierre Bergé, "Alexis de Rédé, un heureux du monde s'en est allé" (Point de Vue n°2921, 13-20/07/2004, pp.64 à 66); article reproduisant la photographie de Rédé costumé en prince oriental par Cecil Beaton lors du fameux "Bal des Masque et Dominos" de Carlos de Besteigui dans son palais vénitien le 3/09/1951).
Notes et références
- Almanach de Gotha, sa validité a souvent été mise en doute, sans doute à tort si l'on considère que l'année de création du titre, 1916, se situe en pleine Guerre Mondiale et précède de peu l'effondrement des principautés allemandes et des empires centraux : à ce moment, la mise à jour d'un almanach n'est peut-être pas une priorité. Confirmation d'anoblissement d'Oskar Adolf Rosenberg, reliure aux armes (catalogue Sotheby's, vente des 16 et 17 mars 2005) Le titre de "baron de Rédé" n'étant pas mentionné dans l'
- André Kostolany, Si la Bourse m'était contée, René Julliard, Paris 1961. Cité par
- Die Welt (en allemand) 7 juin 2003 Oskar Adolf fait l'acquisition de Heiligendamm en 1924, deux ans après la naissance d'Alexis. Au début des années 2000, la Jewish Claims Conference (Conférence de restitution des biens spoliés aux juifs) a ouvert un dossier d'examen sur la prise de contrôle de la station d'Heiligendamm, à l'époque nazie, par la Dresdner Bank, puis sa confiscation par le Troisième Reich. Elle a conséquemment ouvert un dossier d'éventuelle indemnisation des héritiers d'Oskar Rosenberg. Selon un historien local, Wolf Karge, le baron Alexis de Rédé, contacté, aurait décliné tout appel et toute demande, ne voulant "rien avoir à faire avec le passé". Le jeune Alexis aurait vécu à Heiligendamm lors de de l'été 1932, toujours selon Karge.
- Daily Telegraph (en anglais) 10 juillet 2004
- Référence à venir
- Jean-Claude Daufresne, Fêtes à Paris au XXe siècle: architectures éphémères de 1919 à 1989, Mauad Editora Ltda, 2001
Liens externes
- « Le dernier amateur » - Les Échos
- « The List - In memoriam » - New-York social diaries
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