- Baptistère de saint Louis
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Le bassin dit baptistère de saint Louis est un objet en laiton martelé avec un décor gravé et incrusté d'argent regravé, d'or, et de pâte noire, produit selon toutes vraisemblances au début du XIVe siècle en Syrie ou en Égypte sous la dynastie des Mamelouk par le dinandier Muhammad ibn al-Zayn. Il s'agit sans doute d'un des objets islamiques les plus célèbres et les plus énigmatiques au monde, actuellement conservé au musée du Louvre sous le numéro d'inventaire LP 16. Malgré son nom usuel, ce n'est pas un baptistère[1] et il n'a jamais servi pour le roi saint Louis.
Sommaire
Histoire muséographique
Le baptistère est entré dans les collections royales à une date inconnue. Il appartint tout d'abord au trésor de la Sainte-Chapelle de Vincennes et fut transféré au musée du Louvre après la Révolution en 1793. Depuis Louis XIII au moins, il servait de cuve baptismale lors des baptêmes des enfants de France, et servit pour la dernière fois à celui du prince Napoléon Eugène en 1856. Son surnom de « baptistère de saint Louis » lui fut donné au XVIIIe siècle mais ne correspond à aucune réalité historique, étant donné qu'il fut fabriqué après la mort de Louis IX en 1270.
La première étude écrite à son sujet date de 1791, mais la plus complète est celle de David Storm Rice, publiée en 1951.
Description
Le baptistère est un bassin aux flancs rentrant légèrement, mais dont les bords s'évasent à partir du tiers supérieur. Son décor extérieur se concentre sur les deux tiers inférieurs : deux bandeaux d'animaux passant encadrent une bande plus large ou prend place un défilé de personnages, interrompu par quatre médaillons où se trouve un cavalier chassant. Ces scènes se trouvent sur un fond d'arabesques végétales.
Sur le bord évasé, on note la présence d'une signature en argent donnant le nom de Muhammad ibn al-Zayn. Ce patronyme se retrouve à cinq autres endroits, mais caché sur un gobelet, une coupe, ou le montant d'un trône par exemple. L'épaisseur du métal est également marquée d'une frise d'animaux courant.
À l'intérieur, se trouvent sur le bord d'autres représentations figurées : sous une mince bande d'animaux courant, scandée par quatre petits blasons, se trouvent des cavaliers chassant ou combattant. Quatre médaillons interrompent ce défilé, avec des souverains en trône et des blasons aux armes de France ajoutés au XVIIe siècle. Au fond du bassin se trouvent une ronde de poissons très organisée à laquelle s'ajoutent toutes sortes d'animaux aquatiques : serpents, tortues, crabes, anguilles, canards, etc.
Éléments d'analyse
Cet objet tout à fait exceptionnel soulève de nombreuses questions controversées. Plusieurs points peuvent être pris en compte : l'auteur et le commanditaire, la technique utilisée, la forme, le décor et la datation.
- L'auteur et le commanditaire
Muhammad ibn al-Zayn est un dinandier connu, outre pour le baptistère, par un petit bassin également conservé au Louvre (MAO 331), assez proche de son grand frère pour le décor mais de forme différente. Bien que l'auteur ait signé six fois sur le baptistère, aucune mention d'un commanditaire n'est retrouvée sur l'objet, ce qui semble assez étrange pour un objet de cette qualité, qui ne peut avoir été réalisé que sur commande. S'agissait-il d'un Européen, reconnaissable à ses armes ? L'étude des blasons est malheureusement compliquée par les modifications qui y ont été apportées. Il semble qu'un second blason en forme de fleur de lys ait été apposé par dessus le premier figurant un lion rampant. Ce blason de lion pourrait indiquer que le bassin ait été commandé par Hugues IV de Lusignan, roi de Chypre, le seul non-musulman dont on connaisse le nom sur un objet mamelouk, à savoir un grand bassin désincrusté conservé toujours au Louvre. Cependant, il n'aurait alors jamais reçu sa commande, qui aurait ainsi été peut-être conservée par un dirigeant mamelouk. Le Louvre avance le nom d'An-Nâsir Muhammad ben Qalâ'ûn, dont le blason était justement un fleur de lis, mais ce symbole était déjà populaire sous le règne de son père Qalâ'ûn[2].
- Technique utilisée
Pour réaliser le bassin, la technique du martelage a été employée, pour étirer une feuille de laiton, puis lui donner sa forme. Cette méthode est alors couramment utilisée dans l'ensemble du monde islamique. La feuille a ensuite été incrustée d'or et d'argent, et de la pâte noire ajoutée pour mettre en valeur les métaux précieux. Au fil du temps, l’œuvre a vu certaines de ses incrustations disparaître.
- La forme
La forme est très différente de celle des bassins ayyoubides, en raison des flancs rentrants, et serait plutôt caractéristique du début du XIVe siècle, sous le règne d'An-Nâsir Muhammad ben Qalâ'ûn.
- Le décor
L'observation des défilés des personnages à l'extérieur permet de remarquer que certains portent une toue et d'autres un turban, pour distinguer sans doute les arabes des turcs (donc des mamelouks). Il s'agit de dignitaires de la cour, reconnaissables à des attributs et à des blasons qui ornent les bottes de certains. On a ainsi le porteur de massue (jumaqdâr[3]), le porteur de hache (tabardâr[4]), le porteur d'arc (bunduqdâr[5]), le maître de la garde-robe (jâmdâr[6]), le maître de polo (jukandâr[7]), le porteur d'épée (silahdâr[8]), le porteur de coupe (saqî[9]), etc. Tous se dirigent vers les médaillons représentant le sultan, terrassant un animal comme il terrasserait le mal. L'un des dignitaires est représenté prosterné devant le cavalier.
À l'intérieur, entourant le sultan en trône se trouvent un porteur d'écritoire et un porteur de lance, qui symbolisent les deux « courants » des charges des mamelouks, « d'épée » et « de plume ». La ronde de poissons est un motif fréquent, tant en Égypte que dans le monde iranien, et pourrait puiser son origine en Asie centrale. Cependant, son extrême développement ici est particulièrement remarquable.
Le décor du baptistère se démarque de celui des autres pièces mameloukes par son échelle imposante et son absence d'épigraphie. Il y règne également un certain humour volontaire (petit lièvre entre les jambes des dignitaires, par exemple) très exceptionnel.
- Datation
Plusieurs époques ont été proposées pour le réalisation de ce chef d'œuvre. La plus probable (à l'heure actuelle) se situerait sous le troisième règne d'An-Nâsir Muhammad ben Qalâ'ûn (1309-1340), au début du XIVe siècle[réf. nécessaire]. Certains[Qui ?], cependant, voudraient le placer plus tôt.
Images
Notes et références
- Un baptistère est une architecture. Ce bassin a servi comme font baptismal
- Baptistère de Saint Louis sur Musée du Louvre
- persan : čumaq-dār, چماق دار « porteur de massue » du
- تبر دار « porteur de hache ; hallebardier » du persan : tabar-dār,
- بندق دار « porteur de d'arbalète/fusil ; arbalétrier » du persan : bunduq-dār,
- جام دار « chargé de la garde robe ; mousquetaire » du persan : jām-dār
- جوکان دار « joueur de polo » du persan : jūkān-dār,
- سلاح دار « porteur d'épée ; homme d'arme » et de l'arabe silāḥ, سلاح « arme » du persan : silāḥ-dār,
- ساقٍ « échanson » de l'arabe : sāqin,
Voir aussi
Article connexe
Liens externes
- Baptistère de Saint Louis sur Musée du Louvre, une des « œuvres choisies » du département des arts de l'Islam.
Bibliographie
Voir dans l'article art mamelouk
- David Storm Rice, Le baptistère de Saint Louis, Éditions du Chêne, 1951, 26 p.
Catégories :- Arts d'Islam
- Œuvre conservée au Louvre
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