Divina Tragedia

Divina Tragedia

Le tableau Divina Tragedia de Paul Chenavard, présenté au Salon de 1869[1] est une huile sur toile de 400 cm sur 550 cm représentant la mort des dieux de lAntiquité et celle du Christ lui-même, qui sélèvent au Ciel, auprès de Dieu le Père. Cette œuvre se trouve actuellement au musée d'Orsay.

Sommaire

Liconographie

Elle est dune extrême complexité, mais heureusement lartiste nous a laissé une clé de lecture qui nous permet didentifier les différentes figures représentées:

« Vers la fin des religions antiques et à lavènement dans le ciel de la Trinité chrétienne, la Mort, aidée de lange de la Justice et de lEsprit, frappe les dieux qui doivent périr. Au centre : le Dieu nouveau expire, les bras en croix, sur le sein du Père dont la tête se voile dans les nuages. Au-dessus, dans le ciel séraphique, les bienheureux se retrouvent et sembrassent. Quelques chérubins ailés ont les traits de la Mort, parce que celle-ci est partout. En arrière du groupe central apparaissent, dun côté, Adam et Ève, de lautre la Vierge et lEnfant figurant la chute et la rédemption. Plus bas, sous larc-en-ciel qui sert de siège au Père, dun côté Satan lutte contre lAnge, de lautre le vautour dévore Prométhée enchaîné. Au bas : la vieille Maïa lIndienne[2] pleure sous les corps de Jupiter Ammon et dIsis-Cybèle à tête de vache et aux nombreuses mamelles, qui sont morts en se donnant la main et qui furent ses contemporains. À gauche : Minerve, accompagnée du serpent qui lui fut consacré, sarme de la tête de Méduse dont le sang a donné naissance à Pégase que monte Hercule, emblème de la force poétique de lantiquité. Le demi-dieu sétonne devant la force toute morale du Dieu nouveau. Diane-Hécate lance ses dernières flèches contre le Christ. En arrière : Apollon écorche Marsyas, figurant, à ce quil semble, le triomphe de lintelligence sur la bestialité. Au fond, dans lombre : Odin savance appuyé sur une branche de frêne, écoutant les deux corneilles qui lui disent lune le passé, lautre lavenir. Il est suivi du loup Fenris (Fenrir), toujours furieux. Près dOdin, son fils Hemdalt (Heimdall) souffle dans son cor pour appeler les autres dieux du Nord. Au-dessus : les Parques sous lastre changeant, et plus haut léternelle Androgyne <3> symbole de lharmonie des deux natures ou principes contraires, coiffée du bonnet phrygien et assise sur sa Chimère. À droite : Thor, armé de son lourd marteau, de son gantelet et du bouclier qui double ses forces, combat le monstre Jormoungardour (Jörmungand), lutte qui ne doit finir quavec le monde, puisquelle symbolise celle du Bien et du Mal. Bacchus et lAmour forment une triade avec ¨Vénus, quils transportent endormie. <4>. En arrière : Mercure emporte Pandore, qui sest évanouie en ouvrant la fatale boîte. Au-dessus, la Mort, lAnge et lEsprit précipitent dans labîme Typhon dÉgypte à la tête de chien, le noir Démiurge, Persan au corps de lion, ainsi que les planètes ailées et les astres enflammés. Dans langle inférieur, à droite, un spectateur, placé sur un segment de la ville de Rome, indique le lieu de la vision. » <5>.

Réception

Presentée au Salon de 1869, cette œuvre a choqué le public <6> et impressionné la critique. Pour Théophile Gautier, « quel que soit le jugement quon en porte, la Divina Tragedia, a fait événement au Salon ».<7> et Edmond About est de la même opinion:la Divine Tragédie de M. Chenavard est un événement, quoi quon dise”. <8> . Dans un écrit inédit, rédigé probablement en 1869 <9>, Baudelaire s'insurgeait contrelart philosophique suivant la conception de Chenavardqui a la prétention de remplacer le livre,.. Le cerveau de Chenavard […] est brumeux, flugineux, hérissé de pointes [….] Dans ce cerveau les choses ne se mirent pas clairement, elles ne se réfléchissent quà travers un milieu de vapeurs. » <10>.

Analyse du tableau

Cette œuvre a frappé les esprits contemporains tout dabord par son coloris ton livide. <11>. Paul Chenavard voulait ainsi signifier que la scène se passe en dehors du temps. A travers la mort des dieux, on expose lévolution de toute lHumanité a travers les croyances des peuples de lHistoire depuis les époques les plus reculées, évolution non pas linéaire mais procédant par bonds successifs appelés Palingénésie, mot qui signifie « renaître de nouveau ». « La Divine tragédie ne peut sexpliquer que par une conception « gnostique » (néo-platoniste) du destin de lhomme : lêtre primitif, androgyne, a commis la faute, et a été puni par la séparation des sexes ; il va dès lors traverser une succession d’ « épreuves » jusquà ce que, purifié, aidé par de multiples « médiateurs », dont le Christ nest que le principal, il va pouvoir devenir androgyne et retourner à lunité fondamentale quest Dieu » <12>. « Léternelle Androgyne,» (voir ci-dessus), figure la plus complexe de cette œuvre semble la meilleure illustration de la philosophie de son auteur :cest un personnage nimbé (le seul dans ce tableau), ailé, jouant dune lyre et coiffé dun bonnet phrygien comme Orphée (13), dominant la force brutale mais efficace de Chimère.

Notes et références,remarques diverses

  1. Divina Tragedia, sur musee-orsay.fr (consulté le 22 juillet 2011)
  2. Maya, divinité indienne, est la nature, divinisée, la mère de tous les êtres le principe fécondateur féminin et passif. Comme le monde n'est, dans les conceptions des Hindous, qu'apparence et illusion, elle est encore la mère des illusions, ou l'illusion personnifiée. « Maya », Imago Mundi, www.cosmovisions.com/$Maya.htm


<3>- Voir ci-dessous, analyse du tableau.

<4>-.( « Bacchus aidé de lAmour entraîne cette Vénus, « adorablement épuisée », qui sévanouit entre leurs bras comme un rêve… » Théophile Gautier, , “Le Salon de 1869”, article paru dans LIllustration, 15 mai 1869, et publié par Fabio Cancellieri sous la direction de F.Brunet, , www.theophilegautier.fr/wp-ntent/.../Salon-de-1869.pdf).

<5>- Transcrit par Théophile Gautier, article cité ci-dessus

<6>- Musée d'Orsay: Paul Chenavard, Divina Tragedia www.musee-orsay.fr/.../divina-tragedia-16140.html?...

<7>- Théophile Gautier, article cité.

<8>- Edmond About, Le salon de 1869, Revue des Deux Mondes T.81, 1869, Wikisource, r.wikisource.org/wiki/Le_salon_de_1869

<9>- Yves Florenne, in Baudelaire Ecrits sur lart , Livres de Poche, 1971

<10>- Baudelaire, L'art philosophique, Wikisource, fr.wikisource.org/wiki/LArt_philosophique

<11>- « Lœuvresurprend les yeux habitués aux couleurs réelles des tableauxMais ici la nature nexiste pas ; nous sommes dans le vague domaine de labstraction que néclaire pas le soleil des vivants, par delà le temps, par delà lespaceDes chairs colorées de sang y produiraient une grossière dissonance. Aussi le peintre a-t-il adopté, pour ses nus, une gamme dun gris bleuâtre pareille à celle des émaux de Limoges, faisant trembler sur les lumières une faible vapeur rose, comme peut la produire le sang immatériel dune personnification didée ou dun fantôme mythologique. .. Théophile Gautier, cit. ci-dessus. ..”cette lumière exceptionnelle qui nappartient ni au jour ni à la nuit. Libre à lui [lartiste] dégarer au milieu dune vaste grisaille quelques tons rouges, verts et bleus, qui ne sont ni rouges, ni verts, ni bleus, et un arc-en-ciel attristé”. Edmond About, cité ci-dessus.“ Ce nest point par atonie de lorgane visuel que M. Chenavard a laissé [la couleur, le ton] dans cette gamme éteinte, chimérique et presque lividePaul Casimir-Périer, Propos d'art à l'occasion du Salon de 1869, Paris, 1869, p. 53, gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k815603

<12>- M. A. Grunewald, « Paul Chenavard », Dictionnaire du monde religieux dans la France contemporaine, Jean-Marie Mayeur, Xavier de Montclos, Vol. VI, Paris, 1994, p. 116

<13>- Exemple : Orphée charmant les bêtes sauvages avec sa lyre, sarcophage du IIIe siècle av. J. C., Musée archéologique de Thessalonique (Inv. 1246), Orphée - Wikipédia, fr.wikipedia.org/wiki/Orphée

Sources

Théophile Gautier, “Le Salon de 1869”, article paru dans LIllustration, 15 mai 1869, et publié par Fabio Cancellieri sous la direction de F.Brunet , www.theophilegautier.fr/wp-ntent/.../Salon-de-1869.pdf).

Edmond About, Le salon de 1869, Revue des Deux Mondes T.81, 1869, Wikisource, r.wikisource.org/wiki/Le_salon_de_1869



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