- Bandage des pieds
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Pieds bandés
La coutume des pieds bandés, tout d'abord pratiquée dans certaines parties de la Chine médiévale sur des jeunes femmes, s'étendit progressivement et persista jusqu'au début du XXe siècle où elle fut interdite. Certains, comme Sigmund Freud, considèrent cette pratique comme du fétichisme, car elle était pratiquée pour des raisons esthétiques, comme en peuvent témoigner les manuels érotiques chinois qui cataloguaient toutes les manières possibles d'utiliser les pieds bandés, considérés comme des zones érogènes.
Les pieds des petites filles, en général à l’âge de six ans, mais souvent dès cinq ans, étaient enveloppés de bandages serrés de telle manière qu’ils ne pouvaient pas grandir normalement et se déformaient au fur et à mesure qu'elles grandissaient. Même à l'âge adulte, le pied restait petit et dysfonctionnel, enclin à des surinfections, paralysies, et des atrophies musculaires.
La coutume des pieds bandés a été pratiquée en Chine pendant plus de mille ans. Son origine remonterait à la fin des Tang, au Xe siècle, quand l’empereur demanda à sa jeune concubine de se bander les pieds pour exécuter la traditionnelle danse du lotus et ainsi accroître son désir. Un siècle plus tard, la coutume entre dans les mœurs et devient à la mode chez toutes les femmes de l’empire, devenant ainsi une tradition familiale qui symbolise la richesse et la distinction. En effet les femmes aux pieds bandés ne peuvent travailler qu'à des tâches domestiques simples, ce que ne peuvent se permettre les familles pauvres. Le statut d'une femme dépend en grande partie de ses talents de brodeuse exercés dans la fabrication de minuscules souliers et de jambières qu'elle coud pour sa famille et pour elle-même. Les chaussures, finement brodées, témoignent de l’importance donnée à l’esthétique féminine. Plus tard, à la fin de la dynastie Qing, on pouvait voir des femmes aux pieds bandés dans toutes les classes sociales de la société Han, à l'exception des plus misérables et du groupe des Hakka chez qui les femmes assumaient une partie des travaux dévolus aux hommes dans les autres ethnies.
Bien entendu, les femmes mandchoues et mongoles, elles, ne pratiquaient pas le bandage des pieds (alors qu'elles occupaient le sommet de la hiérarchie sociale sous la dynastie mandchoue des Qing), et surprenaient aussi bien les Chinois Han que les occidentaux de passage par leur vie beaucoup plus active et leurs capacités équestres.Longtemps enviées et admirées — le pied bandé était appelé « lotus doré » ou « lis doré » et était célébré dans de nombreux poèmes ou essais[1] —, les dernières Chinoises aux pieds bandés sont aujourd’hui regardées comme des curiosités, derniers témoins d’un millénaire d’oppression.
Le livre de Lisa See, Fleur de neige', décrit la vie des femmes et jeunes filles en Chine au XIXe siècle. On y comprend le fondement de cette coutume, dont on ressent douloureusement la grande cruauté, et l'on y voit se dérouler le destin tragique des femmes de Chine, enfermées dans l'inutilité de leur condition et dans le respect de traditions séculaires qui pourtant les oppriment.
Notes et références
- ↑ Le poète Su Shi (1036-1101) écrit ainsi :
- « Embaumant le parfum, elle esquisse des pas de lotus ;
- Et malgré la tristesse, marche le pied léger.
- Elle danse à la manière du vent, sans laisser de trace physique.
- Une autre, subrepticement, tente gaiement de suivre le style du palais,
- Mais grande est sa douleur sitôt qu'elle veut marcher !
- Regarde-les dans le creux de ta main, si incroyablement petits
- Qu'il n'est de mot pour les décrire. »
Bibliographie
- (fr) John King Fairbank, La grande révolution chinoise 1800-1989, traduit de l'anglais par Sylvie Dreyfus, Flammarion, collection « Champs », 1997, 548 p. ISBN 2-08-081380-3
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Catégories : Culture chinoise | Pied - ↑ Le poète Su Shi (1036-1101) écrit ainsi :
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