Éditeurindépendant

Éditeurindépendant

Édition indépendante

L'expression « édition indépendante » désigne l'ensemble des maisons d'édition, souvent de petite taille, mais pas toujours, indépendantes des différents groupes qui forment ensemble ce que Janine et Greg Brémond ont appelé dans leur livre L'Édition sous influence[1] « l'oligopole en réseau de l'édition et des médias ».

Sommaire

Définitions

Première approche de l'édition indépendante

Cette première définition, minimale, insiste surtout sur l'absence de liens juridiques ou financiers entre les maisons indépendantes et les majors de l'édition ; mais cette expression qualifie de plus la nature de l'activité éditoriale de ces maisons. Pour reprendre les termes d'Isabelle Kalinowski et Béatrice Vincent des Éditions Agone, un éditeur indépendant se doit d'avoir pour principe de « ne pas publier un livre au seul motif de sa rentabilité, un auteur sur le seul critère de sa notoriété, ne pas traiter un sujet en vertu de sa seule actualité[2] ».

L'indépendance juridique ou financière apparaît donc comme une condition de l'indépendance éditoriale, qui définit plus fondamentalement la nature et le travail de ce secteur de l'édition. On peut considérer préférable de parler d'autonomie plutôt que d'indépendance, si l'on considère que la politique éditoriale des maisons indépendantes est définie sans prendre en compte des impératifs commerciaux du type de ceux qui commandent celle des majors. Les maisons d'édition à but lucratif peuvent être considérées comme indépendantes pour autant que leur activité commerciale soit subordonnée à leur politique éditoriale.

Cette définition, avancée par les éditeurs indépendants, n'est pas sans poser problème quant aux critères de l'indépendance matérielle, économique et financière ou de l'autonomie éditoriale. Frédérice Joly[3] affirme ainsi que la question de l'indépendance est souvent mal posée : « on dépend toujours de quelqu'un, de son banquier, de son diffuseur ou des libraires[réf. nécessaire] ». On peut s'interroger sur la possibilité de l'existence concrète d'éditeurs autonomes mais aussi sur l'impossibilité de conduire une politique d'édition répondant aux critères exposés au sein même d'une grande maison d'édition.

D'autre part, de nombreuses maisons d'édition prétendent au titre d'éditeur indépendant sans pour autant former un ensemble homogène. On peut penser qu'il s'agit en premier lieu d'une forme d'autovalorisation, sa définition étant relative. Toutefois cette dernière est plutôt acceptée dans le discours commun, et la dimension polémique de la revendication d'indépendance de certains éditeurs ouvre un débat sur les conditions et la valeur de la production des éditeurs les plus importants.

L'autre de l'édition indépendante : les majors

Les éditeurs indépendants se définissent souvent négativement, par rapport aux majors de l'édition. André Schiffrin, dans L'Édition sans éditeur[4], et Greg et Janine Brémond dans leur ouvrage déjà cité[1], décrivent ainsi le processus de constitution en France d'un oligopole de l'édition, composé de quatre ou cinq groupes, eux-mêmes composés, à travers de nombreuses acquisitions, d'une multitudes de maisons d'édition subordonnées à la maison mère, et dont la multiplicité masque le mouvement de concentration à l'œuvre. Selon André Schiffrin, ce processus est déjà fort avancé, sinon abouti, aux États-Unis, et pourrait être actuellement observé en France et en Europe.

D'après ces auteurs, qui s'appuient sur l'étude de plusieurs cas exemplaires et leur expérience personnelle, la constitution de cet oligopole entraîne dans les maisons concernées l'imposition massive, au détriment de la qualité éditoriale, d'une logique de recherche du profit à court terme qui se traduit par l'importance prise dans ces sociétés par les contrôleurs de gestion. Par ailleurs, les majors, en raison de la baisse moyenne des ventes par titre, seraient engagées dans une politique de multiplication des publications, cette multiplication visant à compenser, précisément, la baisse des profits tirés en moyenne de chaque livre publié ; le marché du livre serait en conséquence saturé par un nombre astronomique de nouveaux titres d'une qualité amoindrie sinon médiocre.

Les éditeurs indépendants se posent souvent, face à l'oligopole de l'édition ainsi décrit, en « résistants » attachés à maintenir une politique de la qualité éditoriale contre la logique strictement mercantiliste des majors. On peut apporter quelques nuances au tableau ainsi dressé comme le fait qu'indépendance n'est pas forcement synonyme de qualité, ou celui qu'il subsiste toujours aux États-Unis de la production éditoriale de qualité, même parfois au sein des majors.

Jérôme Vidal, fondateur des Éditions Amsterdam, s'inquiète cependant de ce que cette focalisation de l'analyse sur les processus de concentration en cours occulte pour une part d'autres dimensions de la situation délicate de l'édition indépendante[5]. Il est certes difficile de saisir dans quelle mesure, par exemple, la baisse des ventes moyennes d'ouvrages de sciences sociales est liée aux transformations de l'atmosphère culturelle et politique intervenues en France. Reste qu'il serait assurément abusif de rapporter exclusivement ce genre de phénomène aux processus de concentration constatés. Jérôme Vidal insiste de son côté sur les conséquences des pratiques de lecture et de l'usage des manuels à l'école sur les pratiques de lecture et le rapport aux savoirs dans l'ensemble de la société. Il n'hésite pas à ce propos à parler de « production en masse de non-lecteurs ».

Propositions de réforme du secteur de l'édition

Depuis plusieurs années, certains éditeurs indépendants préconisent la mise en œuvre de mesures visant à assurer le maintien et le développement de leur activité, jugée essentielle à l'existence d'une culture publique critique elle-même nécessaire au débat démocratique. Parmi les propositions qui reviennent le plus souvent, citons[réf. nécessaire] :

  • Un renforcement de la limitation par la loi de la concentration dans l'édition (édition, diffusion, distribution, librairie) et les médias
  • La création d'un statut de maison d'édition à but non lucratif ou à bénéfices limités
  • Une réorientation de l'aide publique en faveur des éditions indépendantes, au détriment des majors qui bénéficient déjà d'un avantage concurrentiel considérable
  • Le financement d'un fonds d'aide aux éditeurs, libraires et médias indépendants par la soumission des ouvrages tombés dans le domaine public à un "droit d'auteur" de 1 à 3%
  • Un allègement des charges fiscales des librairies indépendantes
  • La création par La Poste d'un tarif spécifique réduit pour l'envoi des livres par courrier[6].

Développement de l'édition indépendante depuis les années 1990

Dans les années 1990, l'édition indépendante s'est développée en France en Belgique et au Québec, avec des maisons d'édition qui sont parvenues à s'inscrire dans la durée et à acquérir une véritable visibilité et légitimité.

Parmi elles, on peut compter Amsterdam, Le Temps des Cerises, La Fabrique, Raisons d'agir, Agone, La Dispute, Lux Éditeur, Le petit Pavé, Les Prairies ordinaires, les Éditions du Croquant, Kargo, L’éclat, Syllepse, Éditions Aden, etc.

Ces éditeurs ont engagé une réflexion collective sur l'avenir de l'édition indépendante, à travers des ouvrages collectifs (Livre blanc Pour l'édition indépendante), des actions communes (Interpellation du Ministre de la culture, Pétition pour un tarif postal du livre, Lettre aux candidats à la présidence de la République, Lettre aux groupes parlementaires de l'assemblée nationale et du Séna, etc.), des débats (au Salon du livre de la porte de Versailles et au marché de la poésie sur "La diffusion et la distribution des éditeurs", "Les tarifs postaux du livre et de la revue", "L'édition indépendante en péril ?", "Poésie vivante, édition indépendante, même combat ?"), des rencontres (Stands collectifs sur les salons, Etats généraux de l'édition indépendante, etc.), ainsi qu'un salon international de l'édition indépendante (Salon de l'autre LIVRE) organisé chaque année à Paris depuis 2003.

Ils se sont ainsi regroupés dans diverses structures : au sein de l'association LIVRE, de la plateforme Lekti-ecriture.com ou de réseaux de diffusion (Atheles et Co-errances) ou avec des diffuseurs (Harmonia Mundi (diffuseur) Les Belles Lettres).

Gilles Colleu décrit par ailleurs dans son livre Éditeurs indépendants : de l'âge de raison à l'offensive[7] la situation de l'édition indépendante dans les pays du Sud (notamment en Afrique francophone), les effets qu'il juge dévastateurs sur l'économie du livre de ces pays des pratiques des majors du Nord (notamment françaises), et les liens noués entre les éditeurs indépendants du Sud et du Nord à travers des associations comme l'Alliance des éditeurs indépendants.

Éditeurs indépendants

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Notes et références

  1. a  et b L'Édition sous influence, Janine et Greg Brémond, Paris, Liris, 2002.
  2. Gazette éditoriale de l'éditeur Agone, n°1
  3. Dont la maison d'édition, Climats, a été vendue au groupe Flammarion.
  4. L'Édition sans éditeur, André Schiffrin, Paris, La Fabrique, 1999
  5. Lire et penser ensemble : sur l'avenir de l'édition indépendante et la publicité de la pensée critique, Jérôme Vidal, Paris, Éditions Amsterdam, 2006
  6. Texte d'une pétition lancée par L'Atelier du Gué, éditeur indépendant
  7. Gilles Colleu, Éditeurs indépendants : de l'âge de raison à l'offensive, Paris, Alliance des éditeurs indépendants, 2007

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

Liens externes

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