- Économies de la grandeur
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Article principal : Sociologie des organisations.
Le courant des économies de la grandeur analyse les organisations en termes de conventions et d'accords. Il est issu des travaux communs d'un économiste des conventions, Laurent Thévenot et d'un sociologue disciple de Pierre Bourdieu, Luc Boltanski. C'est une approche interdisciplinaire.
Le modèle des économies de la grandeur apporte alors un éclairage à la problématique de la coordination et de l'accord en entreprise qui est souvent délaissée en sociologie des organisations au profit de l'analyse du conflit, du pouvoir et de la rationalité. Il tente de répondre en partie aux questions suivantes. Comment sont produits les accords ? Comment se réalise la coordination entre les personnes au sein d'une entreprise ?
Sommaire
Principes
Selon Luc Boltanski et Laurent Thévenot, l'organisation ou l'entreprise sont par nature un espace de règles et de circulation des biens. On ne peut donc se permettre de mettre en place deux lectures antinomiques du phénomène organisationnel. Les acteurs sont insérés dans des situations à la fois conflictuelles et coopératives.
L'économie des conventions
Luc Boltanski et Laurent Thévenot rejettent donc naturellement le clivage qui existe entre deux types d'explication, les explications exclusivement économiques et les explications exclusivement sociologiques. Ils rejettent donc deux types de modèles.
- Les modèles sociologiques expliquant la coordination entre les acteurs par la conformité à une norme qui s'imposerait à tous. Par conséquent, l'ordre organisationnel ne peut découler de règles sociales réifiées ou de phénomènes purement culturels.
- Les modèles économiques qui se centrent sur les rapports constitués au travers de l'échange et de la circulation des biens qui sont des rapports de force et de pouvoir visant à accaparer les ressources rares.
À ces approches, ils substituent un modèle fondé sur l'économie des conventions. Celui-ci part de l'idée que pour qu'il y ait échange, coordination, coopération entre des agents, il faut qu'il y ait des conventions entre les personnes concernées ; c’est-à-dire un système d'attentes réciproques entre les personnes sur leurs comportements. Ces conventions peuvent être écrites ou non.
Les systèmes d'équivalence
Pour tenter, à partir de ce modèle, de comprendre comment les situations de travail arrivent à « se tenir » dans les organisations, et pour expliquer comment les acteurs parviennent à mettre en place les conditions de production des accords, Boltanski et Thévenot insistent sur certains traits essentiels de toutes situations sociales :
- Toute situation doit être analysée dans le cadre d'une sociologie compréhensive. Il faut les étudier à travers les représentations qu'en donnent les personnes.
- Le chercheur en sociologie doit se pencher en priorité sur les compétences des individus à évaluer les situations à travers des systèmes d'équivalence partagés.
C'est grâce à des systèmes d'équivalences partagés, des grandeurs communes, permettant à chacun de retrouver les repères qui vont guider ses relations dans la situation, la caractériser, que des relations entre personnes peuvent se nouer. Selon Boltanski et Thévenot, « ces grandeurs, ces systèmes se déploient dans des mondes régis par la cohérence des principes qui y sont activés. »
Les différentes cités
Ils distinguent alors différentes cités, au nombre de six. Ces cités impliquent des formes d'accords, des objets sociaux différents, qui permettront de reconnaître la nature de la situation, et de savoir sur quel mode de résolution des conflits et des controverses il faut se positionner.
- La cité de l'inspiration. Les objets valorisés sont ceux qui renvoient au génie créateur.
- La cité domestique. Les figures de référence sont celles de la famille et de la tradition.
- La cité de l'opinion. Le principal fondement est le renom, l'opinion de l'autre.
- La cité civique. L'intérêt collectif y prime sur l'intérêt particulier.
- La cité marchande. Au centre des préoccupations se trouvent les lois du marché.
- La cité industrielle. La performance, la science sont au fondement de l'efficacité.
Controverses
Partant de là, les acteurs peuvent entrer dans plusieurs types de relations.
- Il survient une controverse dans une même cité. Pour la clore, on recourt à un principe supérieur commun. Car les personnes engagées dans une même cité ont un même système d'équivalence, ils se déplacent dans une grandeur identique. Les objets sont identifiés et hiérarchisés de manière compatible.
- Il peut coexister des cités différentes sans discordes. Mais dans ce cas l'équilibre reste provisoire.
- Il peut survenir un différend entre des cités. La discorde doit, pour être clarifiée, être rapportée à une cité et une seule. Elle peut également être résolue par un arrangement, les partenaires se mettent localement d'accord sur une transaction. Enfin, les acteurs peuvent arriver à un compromis, et dans ce cas, ils réunissent plusieurs cités à travers un bien commun.
Pluralisme des logiques en entreprise
Cette approche souligne l'intérêt d'une technique qui prend en compte la variété des logiques à l'œuvre dans les entreprises. Des justifications multiples sont avancées par les acteurs pour légitimer leurs actions, et à chaque fois des formes d'accords ou de compromis différents vont être nécessaires pour se coordonner. Par conséquent, la mise en place d'une politique organisationnelle, si elle ne tient pas compte des systèmes d'équivalence partagés et des conventions propres à une organisation, risque fort bien d'être vouée par avance à l'échec. Tel est l'un des principaux enseignement du modèle des économies de la grandeur.
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