- Économie industrielle
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L'économie industrielle est une branche des sciences économiques dont les fondements se trouvent dans les premiers travaux portant sur l'économie de la production tels qu'on peut les trouver chez Charles Gide. C'est néanmoins avec Alfred Marshall et sa publication d'Industry and Trade en 1919 que la discipline commence réellement à émerger.
L’économie industrielle – et plus encore l’économie de l’innovation – ne se sont développées que tardivement en France, par rapport à l’émergence de l’industrial organization aux Etats-Unis. Il faut en effet attendre les années 1970 pour que les premiers manuels soient publiés en français et que cet enseignement ne soit introduit dans le cursus de licence ou maîtrise de sciences économiques des universités.
Industrial organization versus Industrial Dynamics
L’économie industrielle se diffuse en France selon deux principales orientations correspondant aux deux voies suivies par la discipline:
- Un premier courant prolonge l’approche américaine où l’économie industrielle reste centrée sur les questions des structures de marché et sur l’évaluation de leur efficacité en matière d’allocation des ressources. L’Institut d’économie industrielle (IDEI) à Toulouse constitue le fleuron de cette démarche, grâce à l’implication de deux universitaires français, Jean-Jacques Laffont et Jean Tirole, qui feront le lien entre leurs deux attaches : l’une au Massachusetts Institute of Technology (Boston) aux États-Unis et l’autre à Toulouse, où ils vont créer l'un des meilleurs pôles européens en matière de recherches et de formation de docteurs dans le champ de l’industrial organization, connu aujourd’hui sous le nom de Toulouse School of Economics (TSE). Pour une grande part, l’économie industrielle concerne la microéconomie en situation d’information imparfaite.
- Un deuxième courant, prenant appui sur les différentes approches structuralistes très présentes parmi les économistes français et parmi certains gestionnaires travaillant sur la firme, va développer une approche de l’économie industrielle plus orientée vers la question productive que sur celle du marché. Prenant appui sur une association, l’Association pour le développement d’études sur la firme et l’industrie (ADEFI, association aujourd’hui en sommeil) et sur une revue scientifique (la Revue d’économie industrielle), proposant des outils de politique industrielle (notamment les politiques de filière des années 1980) et, plus tard, sur une école d’été (l’école méditerranéenne d’économie industrielle, Cargèse), l’étude des systèmes productifs devient centrale dans ces travaux. La publication du volumineux Traité d’économie industrielle en 1988 constitue le point d’orgue de cette démarche.
Ces travaux s’efforcent de fédérer un ensemble d’équipes dispersées (Paris, Nice, Strasbourg, Grenoble, Montpellier, Lyon, Bordeaux). Par opposition au courant précédent, ces analyses entendent se concentrer sur les processus de création des ressources en les replaçant dans un cadre contextuel large : stratégies des acteurs, analyses organisationnelles des firmes, prise en compte des technologies et de leurs modifications mais aussi place centrale des Institutions dont l’Etat. La montée des questionnements scientifiques associés aux différentes formes de l’informatisation de la société va réactualiser l’analyse de l’innovation, longtemps négligée, comme le propose Jean-Luc Gaffard (1990).
Quand Bo Carlsson (1987, 1992) proposera d’opposer l’Industrial Organization (IO) centré sur la question de l’allocation des ressources existantes à l’Industrial Dynamics (ID) orienté vers la création de ressources et l’innovation technologique, le second courant se revendiquera clairement du champ de la Dynamique industrielle (Arena, 1990). Ce dernier se décline cependant dans des approches hétérodoxes diversifiées (évolutionnisme, régulationisme, institutionalisme, etc.) et veut s’opposer à la « nouvelle économie industrielle ».
En français, il est assez classique de reprendre cette opposition en proposant les termes d'organisation industrielle et d'économie des organisations.
Une discipline irriguant la science économique
Les années 80 et début 90 correspondent à l’âge d’or de l’économie industrielle et de l’innovation, dans la diversité des approches développées. Plusieurs facteurs expliquent pourquoi elle va à cette époque prendre une position dominante dans l’ensemble du champ de la science économique et participer à son renouvellement.
- Premièrement, elle est productrice de concepts novateurs et de nouvelles approches (économie de l’innovation, théorie des coûts de transaction, théorie des marchés parfaitement disputables, économie de la connaissance, etc.).
- Deuxièmement, elle est en prise avec les problèmes auxquels sont alors confrontées les économies en termes de concurrence par l’innovation ou de reconversion industrielle (retour à Schumpeter et développement de l’évolutionnisme) : il s’agit de problèmes productifs.
- Troisièmement, la crise du keynésianisme a laissé la place libre aux approches néoclassiques en macro-économie et les courants hétérodoxes ont trouvé dans la méso-économie un espace et des outils pour penser dans leur propre champ (jusqu’au retour de l’institutionnalisme).
Les approches initiées dans le champ de l’économie industrielle et de l’innovation vont trouver des applications dans de nouveaux champs disciplinaires qu’ils vont contribuer à renouveler : économie bancaire, nouvelle économie internationale, l’économie spatiale et, plus tard, l’économie géographique, l’économie du développement, etc. On peut même parler d’une banalisation tant aujourd’hui il est communément admis que la rivalité concurrentielle ou l’avantage compétitif passe par l’aptitude des firmes et des économies à innover.
Notes et références
Carlsson B., 1987, Reflections on industrial dynamics: the challenges ahead, International Journal of Industrial Organization, 5(2) Carlsson B., 1992, Industrial Dynamics: A Framework for Analysis of Industrial Transformation. Revue d’économie industrielle, no.61, 7-32.
Arena R., 1990, La dynamique industrielle : tradition et renouveau, Revue d’économie industrielle, no.53, 5-17.
Arena R., de Bandt, J., Benzoni L., Romani P.M. (coord.), 1988, Traité d’économie industrielle, Economica, Paris. *
Gaffard J.L., 1990, Economie industrielle et de l’innovation. Précis Dalloz, Paris
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