2+2=5

2+2=5

2 + 2 = 5

L'expression 2 + 2 = 5 (« deux plus deux égale cinq ») est parfois utilisée comme une représentation brève et frappante d'un sophisme destiné à perpétuer une idéologie politique. Elle illustre également le caractère formel de la logique, qui étudie les mécanismes du raisonnement indépendamment de la matière à laquelle celui-ci peut s'appliquer.

Sommaire

En logique

Bertrand Russell

Le philosophe et logicien britannique Bertrand Russell (1872-1970), afin d'illustrer le principe selon lequel n'importe quelle proposition peut être déduite d'une proposition fausse, a eu recours à cette identité mathématique. À un de ses étudiants en philosophie qui lui demandait : « Prétendez-vous que de 2 + 2 = 5, il s’ensuit que vous êtes le pape ? », Russell proposa la démonstration suivante :

  1. Supposons que 2 + 2 = 5.
  2. Soustrayons 2 de chaque membre de l’identité. Nous obtenons 2 = 3.
  3. Par symétrie, 3 = 2.
  4. Soustrayant 1 de chaque côté, il vient : 2 = 1.
  5. Maintenant, le pape et moi sommes deux. Puisque 2 = 1, le pape et moi sommes un. Par suite, je suis le pape.

En littérature

Dom Juan (dans la pièce de Molière de 1665) : "Je crois que deux et deux sont quatre, Sganarelle, et que quatre et quatre sont huit". (Acte III, sc. 1), à quoi Sganarelle, valet du libertin, répond : "Votre religion, à ce que je vois, est donc l'arithmétique ?"

Notes d'un souterrain (Dostoievski - 1864) : « Hé messieurs ! Quelle sera alors ma volonté quand on en arrivera au formulaire et à l'arithmétique, quand il n'y aura en usage que deux fois deux font quatre ? »

Lettre de Nietzsche à sa sœur (1865) : « En ce qui concerne ton principe selon lequel le vrai serait toujours du côté de la difficulté, je suis en partie d'accord avec toi. On a néanmoins du mal à concevoir que deux fois deux ne font pas quatre ; en est-ce plus vrai pour autant ? »

Lettre d'Ibsen à Brandes (17/02/1871) : « Qu'est-ce qui m'assure que, sur la planète Jupiter, 2 et 2 ne font pas 5 ? »
(De Stalker Éditeur - Paris)

Dans un sketch de Pierre Desproges : « Savez-vous seulement quelle différence il y a entre un psychotique et un névrosé ?
Un psychotique, c'est quelqu'un qui croit dur comme fer que 2 et 2 font 5, et qui en est pleinement satisfait. Un névrosé, c'est quelqu'un qui sait pertinemment que 2 et 2 font 4, et ça le rend malade. »

Orwell

George Orwell avait déjà utilisé ce concept avant la publication de 1984. À l'époque où il était employé à la BBC, il devint habitué aux méthodes de la propagande nazie. Dans son essai Looking Back on the Spanish War, publié quatre années avant 1984, Orwell explique que la théorie nazie nie l'existence d'une chose telle que la « vérité » et tente de prendre contrôle du passé en transformant les affirmations du leader en vérité absolue : « S'il dit que deux et deux font cinq, eh bien, deux et deux font cinq. Cette perspective m'effraie bien plus que les bombes[1]. »

Sur le plan politique, cet usage a été illustré par le roman 1984 (troisième partie, chapitre II), où cette formule est opposée au truisme « deux plus deux égale quatre ». Le héros, Winston Smith, se demande dans son journal si l'État a le pouvoir de définir la formule « deux plus deux égale cinq » comme exacte ; il se demande si le fait que tout le monde y croie en fait une vérité (Solipsisme)[2].

À la fin du livre, le héros écrit rêveusement l'équation « 2 + 2 =   ». Dans la version originale, il laisse un blanc énigmatique, tandis que dans la version française, il écrit « 5 ».

Lors de l'explication de la doctrine du parti, le dirigeant dit à Winston que le parti peut décider de dire que 2 + 2 = 5 dans certaines circonstances, mais que dans d'autres il est obligé d'admettre que 2 + 2 = 4. En pratique, la vérité scientifique officielle donnée au public doit coller avec la doctrine politique, tandis que les ingénieurs militaires utilisent des théories correctes dans leur travail. Cette contradiction apparente n'est qu'un aspect de la doublepensée.

Pour de nombreux biographes d'Orwell, la source principale de cette réflexion a été Assignment in Utopia de Eugene Lyons, récit décrivant l'Union soviétique à son époque. Il comporte un chapitre intitulé « 2 + 2 = 5 », slogan utilisé par le gouvernement de Staline pour annoncer que le plan quinquennal serait accompli sur une période de quatre ans, et qui fut pendant un moment utilisé largement à Moscou.

Parodie

En 1990, le mathématicien Houston Euler révéla au grand jour (dans un journal technique) un des secrets les mieux gardés de la communauté mathématique : 2 + 2 = 5 (pour des valeurs suffisamment grandes de 2)[3],[4].

En musique

« 2 + 2 = 5 » est le titre de la première chanson de l'album Hail to the Thief du groupe Radiohead. Les paroles permettent de supposer qu'il s'agit d'une référence au 1984 de George Orwell.

Approximation

Une blague courante chez les programmeurs s'énonce comme suit : « 2 + 2 = 5 pour des valeurs de 2 suffisamment grandes. » C'est une plaisanterie sur les calculs d'arrondis : par exemple, 2,4 peut être arrondi à 2 mais 4,8 sera arrondi à 5. Ceci peut même être trouvé sur des T-shirts[5].

C'est ainsi que la 2cv sahara, disposant de 2 moteurs de 2cv fiscaux se trouve déclarée dans la catégorie des 5cv. La somme des puissances fiscales n'étant pas égale à la puissance fiscale de la somme.

Autres fausses équations

On illustre souvent le principe de la synergie ou la supériorité de l'émulation sur le travail d'équipe par l'équation « 1 + 1 = 3 ». C. Northcote Parkinson, créateur de la Loi de Parkinson, se livra à l'opération inverse, se battant contre l'inefficacité inhérente selon lui au travail en groupe, dans un livre nommé "1=3 ou les règles d'or de M. Parkinson" (titre anglais : In-laws and Outlaws).

Nicolas Sarkozy exprima le principe d'accroissement des peines à l'égard des multi-récidivistes par la phrase « Pour eux, 2+2 doivent faire 8 » [6].

Notes et références

  1. « If he says that two and two are five—well, two and two are five. This prospect frightens me much more than bombs. »
  2. Quand Winston cherche ce mot, le penseur du parti lui dit : « Le mot que vous cherchez est solipsisme. Je vous avais dit que vous n'étiez pas doué pour la métaphysique ; mais ce n'est pas du solipsisme. Du solipsisme collectif, si vous voulez. »
  3. (en) Mathematics Magazine, Vol. 63, No. 5 (Dec., 1990), pp. 338-339
  4. (en) article à JimFormation.com
  5. Par exemple sur ThinkGeek
  6. (fr) Eric Mandonnet, Eric Pelletier et Jean-Marie Pontaut, « Sarkozy superfouettard », 16 mai 2002, L'Express. Mis en ligne le 16 mai 2002, consulté le 26 septembre 2008

Voir aussi

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