- Yapou, bétail humain
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Yapou, bétail humain (家畜人ヤプー, Kachikujin yapū?) est l'étonnant[réf. nécessaire] roman d'un auteur mystérieux[réf. nécessaire], Shōzō Numa (沼 正三, Numa Shōzō?). Le roman est une satire grinçante du Japon de l’après-guerre essayant de liquider les désillusions engendrées par la reddition sans condition du pays en 1945. Ce roman « politique » ou « idéologique », selon Yukio Mishima, est à la fois la représentation d’un « désenchantement du monde » et de son « réenchantement » tragicomique sous la forme d’une science-fiction fonctionnant sur le modèle de la dystopie (contre-utopie). Le parti-pris du roman est de montrer que la « culture japonaise » n’est qu’un « don » ou une construction (des Occidentaux ?) en vue de « domestiquer » les Japonais. Yapou, bétail humain opère une déconstruction parodique du « fantasme » de l’Occident pour le Japon et celle de cet « étrange objet de désir » que reste le « Japon » pour l’Occident. Ce rapport est décrit d’un point de vue « japonais », celui de l’auteur mystérieux de ce roman, hanté, traumatisé, charmé par la défaite de 1945 qui n’hésite pas à pousser l’auto-dérision jusqu’au masochisme.
Sommaire
L'argument du roman
Yapou, bétail humain est le fabuleux récit des « aventures » dans le futur de Clara Von Kotwick et de son fiancé japonais, Rinichiro Sebe, après la chute accidentelle d’un OVNI venu du futur, s’écrasant brutalement à la surface de la Terre au XXe siècle, non loin de Wiesbaden, en Allemagne de l’Ouest, dans les années 1960. Le vaisseau spatial vient en effet d’un Empire « situé » quelque 2000 années plus tard, depuis EHS, acronyme de « Empire of Hundred Suns », l’empire des cent soleils, parfois également désigné comme « l’empire britannique universel ». EHS est un « empire de la ségrégation » reposant sur la « chaîne tricolore » (Blanc, Noir, Jaune). Cette société a érigé la domination des femmes en système politique. Les rôles y sont inversés : les hommes (Blanc) s’occupent des enfants et de culture, ils sont coquets et efféminés, etc. Les « Noirs » sont traités comme des esclaves et s’ils sont regardés comme appartenant à la famille humaine, ils sont considérés comme des « demi-êtres humains » disposant en conséquence de « demi-droits de l’homme ». Les « Jaunes » enfin, autrement dit les Japonais, ne font plus partie du genre humain. Ce sont des pièces de bétail, des pièces de bétail « humain » à l’image du néologisme formé par Numa : kachikujin (家畜人?). Les Yapous sont des « singes intelligents » relevant de l’espèce « simius sapiens ». La perte de leur humanité confère au yapou un statut encore plus bas que celui de l’animal. C’est un dernier verrou dans l’exploitation de l’homme par l’homme qui saute. Le verrou qui voudrait considérer un être humain comme un être « inviolable » en raison de son intelligence, de sa raison. L’intelligence n’est plus le critère servant à définir l’humain dans le monde d’EHS mais la couleur de la peau puisque les Yapous apparaissant dans le roman sont des meubles, des biens. Ils sont transformés en meubles (kagu) au service des Blancs et forment un incroyable bestiaire : settens et vomitoirs qui ont rendu inutile l’usage des toilettes, jouets sexuels que sont les cunnilingers, penilingers, la paire de ski pouky, toutes sortes de yapous miniatures, mens-midjets, yapamatron, analer, pygmées de table, vivistylo, etc.
Le fil conducteur du récit suit le renversement de la relation Clara-Rinichiro. Le roman décrit le destin ironique de la relation amoureuse de ce couple germano-nippon (l’axe du mal) qui n’opposera bientôt plus qu’une « maîtresse » (domina /shujin) à son « animal » domestique (Pets/kachikujin). Le livre prend pour ce faire la forme d’une relation de voyage à la manière du roman de Jonathan Swift, Les Voyages de Gulliver, qui permet au lecteur de prendre la mesure de l’évolution du monde depuis le XXe siècle. Le roman se termine avec la « reddition sans condition » de Rin au 49e et dernier chapitre, soit quelque mille cinq cents pages plus loin mais à peine une trentaine d’heure plus tard, lorsque Rinichiro se résigne si bien à son sort qu’il n’hésite pas à se faire l’apôtre de la société éshienne.
Le mystère entourant l’identité de l’auteur
Yapou, bétail humain (家畜人ヤプー, Kachikujin yapū?)[1] est un roman étonnant et détonnant par sa fortune éditoriale, son contenu et le mystère entourant l’identité de son auteur. La revue Bungeishunjyū (文藝春秋?) dans son numéro de septembre 2004, le classe, avec une critique de Oniroku Dan 団鬼六 [2] , parmi les « 57 ouvrages qui auront fait trembler le Japon » (日本を震撼させた57冊, nihon wo shinkansaseta 57 satsu?) dans une liste rassemblant aussi bien le Daraku-ron[3] (La chute de Sakaguchi Andô , Hiroshima notto (Notes de Hiroshima) de Kenzaburo Oe [4] que le Aoi toki (l’heure bleue ?) de Yamaguchi Momoe.
Shōzō Numa est un pseudonyme et l’identité réelle de l’auteur se cachant sous ce nom reste à ce jour inconnue. Le correspondant du journal Le Monde Philippe Pons qui l’a rencontré à l’occasion de la sortie de la traduction française du roman rapporte[5] que Numa a longtemps travaillé dans le milieu de l’édition. Numa quant à lui avoue[6] avoir choisi ce pseudonyme en hommage à Ernest Sumpf, un spécialiste allemand du SM : Sumpf, en allemand, comme Numa, en japonais, signifient « marais » ou « marécage ». C’est d’abord sous ce pseudonyme que l’auteur commence à faire paraître sous le titre de Carnets d’un visionnaire (ある夢想家の手帳から, aru musōka no techō kara?) de courts essais dans la revue Kitan Club, et c’est dans cette même revue que les premiers feuilletons de Kachikujin Yapū seront publiés dès 1956. Plusieurs hypothèses (y compris la rumeur de sa mort) circulent au Japon sur son identité sans que jamais l’une ou l’autre ait pu être confirmée. La rumeur désigna même un temps Yukio Mishima, qui tenait ce livre comme « probablement le plus grand roman « idéologique » (kannen shōsetsu) de l’après-guerre écrit par un Japonais »[7]. D’après Kō Yoshio[8], l’agent de Shōzō Numa, Mishima est le véritable découvreur du texte dont il avait lu les feuilletons parus dans Kitan Club. Et c'est ce même Mishima qui lui a apporté les épisodes qu’il avait lui-même découpés dans cette revue en lui demandant d’agir pour que ce texte soit publié sous la forme d’un livre. Les soutiens que ce roman obtient auprès de Shibusawa Tatsuhiko[9] , Haniya Yutaka[10] ou encore Okuno Takeo[11] firent de ceux-ci des « prétendants » potentiels. Lorsque le bruit courut qu’un haut fonctionnaire du ministère de la justice[12] se cachait sous ce pseudonyme, Tetsuo Amano[13] qui se présentait jusqu’alors comme son représentant déclara être Shōzō Numa avant de se rétracter lorsque la rumeur cessa. Selon certains commentateurs, Numa serait un pseudonyme employé par plusieurs auteurs (y compris Amano Tetsuo) pour la rédaction non seulement de Yapou, bétail humain mais également des Carnets. Haniya Yutaka a avancé qu’il aurait pu être écrit par un étranger voire une femme. (Okuno Takeo, postface à l’édition Toshi, 1970). Le mystère concernant l’identité de Shōzō Numa reste à ce jour entier. Kō Yoshio, annonce qu’il la révèlera dans… son testament[14].
Un des aspects les plus intéressants de ce roman est d’avoir été écrit sur une période de plus de 40 années en réussissant à préserver l’« anonymat » de son ou de ses auteurs, anonymat que justifiaient les attaques dont le roman aura pu faire l’objet de la part de groupuscules d’extrême-droite[15] .
Yapou, bétail humain est d’abord le témoignage d’une algolagnie revendiquée. Écrit sous l’impulsion d’une « excitation masochiste » provoquée par la désillusion qu’entraîne chez son auteur l’annonce par Hirohito (empereur Shōwa qui règne de 1926 à 1989) de son « humanité », lors de son message de nouvel an, le 1er janvier 1946[16] et qui parachève aux yeux de l’auteur l’œuvre de démolition du Japon impérial.
« Le caractère divin de l'empereur : ce qui avait structuré ma psychologie pendant la guerre était soudain détruit. C'est sans doute cette désillusion qui se transforma en moi en excitation masochiste. Je ne pourrais pas dire que la nature de ce mécanisme psychologique me soit à présent totalement clair ». (Postface de l’édition Toshi, 1970)[17].
On comprendra que le mécanisme psychologique évoqué par Numa ne soit pas « totalement clair » si on part de l’hypothèse qu’au-delà de la dimension « personnelle » de cette œuvre, au-delà de la réaction d’un individu, Yapou, bétail humain illustre à sa manière le bouleversement des valeurs que connaît le Japon après la défaite de 1945 et que ce bouleversement engendre ce que l’on pourrait appeler le syndrome de « félicité du faible » touchant les élites intellectuelles de cet « après-guerre » qui ne veut pas dire son nom.
« On considère habituellement le 15 août 1945 comme le jour où prend fin la guerre. On parle alors de « fin de la guerre » comme si le phénomène pouvait être comparable à un phénomène naturel : la guerre aurait pris fin… naturellement. Cette expression est trompeuse et m’a toujours exaspéré que ce soit avant, pendant ou après la guerre. Car elle procède de la même logique, de la même amertume, qui voulait que chaque bataille perdue fut considérée comme un repli stratégique de nos troupes et la défaite du Japon comme une mort honorable. L’annonce de la reddition du pays est considérée comme la date marquant la fin de la guerre. Pourquoi ne peut-on parler simplement de la défaite ? »
Défaite personnelle ? Défaite de tout un peuple ? D’une idéologie ? La parodie grotesque, la fiction grinçante que représente ce roman « inachevé » de près de 1500 pages ne peut se lire hors de ce contexte.
Une fortune éditoriale : les différentes éditions et adaptations en manga
L’identité réelle de l’auteur restant un mystère, cette inconnue a contribué et contribue encore au succès commercial et éditorial de Yapou, bétail humain. Le roman ne compte plus ses rééditions et on estime qu’il s’est vendu à plus d’un million d’exemplaires. Il a connu deux adaptations en manga, celle de Egawa Tetsuya actuellement en cours de publication et celle de Ishinomori Shyotarō. Yapou a également été l’objet d’adaptations pour le théâtre ou le « music-hall ». Le livre a donné son nom à un fameux club SM de Tokyo. L’agent de Shōzō Numa, Kō Yoshio, a lancé en 2006 une souscription pour une adaptation cinématographique de l'œuvre.
Yapou, bétail humain paraît pour la première fois en feuilletons dans la revue Kitan Club (綺譚クラブ) dans la livraison de décembre 1956. Kitan Club est une revue qui paraîtra de juin 1952 à mars 1975, connaissant une interruption en 1955 suite à une interdiction. Elle aura tour à tour été abritée par les éditions Akebono (曙出版), les éditionsTenno (天皇出版), les éditions Kawade shobo shinsha (河出書房新社). Spécialisé dans les œuvres littéraires traitant de comportements sexuels « déviants » (abnormal zasshi アブノーマル雑誌) qui publiera le célèbre Hana to Hebi (花と蛇 Flower and Snake) de Dan Oniroku. Le Musée de l’anormal (風俗資料館 Abnormal Museum) à Shinjuku (Tōkyō), abrite la collection complète des numéros de Kitan Club et d’autres revues traitant des mêmes matières[18] .
Shōzō Numa avait commencé à écrire dans cette revue de « petits essais » paraissant sous le titre Aru musoka no techo kara (Carnets d’un visionnaire) dans lesquels il détaillait ses « désirs d’humiliation ». Les parutions de Yapou se succèdent jusqu’en juin 1959 soit une vingtaine d’épisodes avant que Numa soit contraint d’arrêter sa « collaboration ». On lui renvoie en effet son manuscrit en lui demandant de « reprendre son texte et d’en assouplir certaines formules afin de répondre aux exigences de la censure » (Numa, postface de 1970). La revue dirigée par Shômei Hiraoka, Chi to Bara (Le Sang et la Rose) republie ensuite dans son numéro 4, la totalité des épisodes déjà parus à la fin des années 1960. Il faut cependant attendre 1970 pour que les éditions Toshi (都市出版) fasse paraître en un volume (28 chapitres) ce qui va s’appeler la « première partie » ou la « version originale ». Lors de sa parution, le livre est vendu 1000 yens, un prix relativement élevé à l’époque. Il s’en vend néanmoins 300 000 exemplaires. Réédité en poche en 1972, les éditions Kadogawa bunko (角川文庫) en écoulent 200 000 exemplaires. Entre temps, le texte a connu et connaîtra de nouvelles éditions chez différents éditeurs.
Les diverses éditions
1957 à 1959 : parution en feuilletons dans la revue Kitan Club
1970 : première édition aux éditions Toshi (都市出版)
1972 : réédition d’une version corrigée et augmentée aux éditions Toshi (都市出版)
1975 : édition Shubbansha (出帆社)
1984 : édition limitée chez Kadogawa (角川書店)
1988-1991 : parution dans la revue SM-Sniper
1991 : nouvelle édition corrigée et augmentée aux éditions Sukola (スコラ社)
1991 : une édition complète aux éditions Million (ミリオン出版)
1993 : édition en 3 volumes aux éditions OTA (太田出版)
1999 : édition complète et définitive aux éditions gentosha outlaw (幻冬舎アウトロー文庫) en poches et 5 volumes
Adaptations sous forme de manga
1971 : Gekiga Kachikujin Yapû, par Ishinomori Shyotarô aux éditions Toshi (都市出版)
1983 : reprise aux éditions Tatsumi (辰巳出版)
1984 : Kachikujin yapû, akumu no nihon-shi (Yapou, bétail humain, le cauchemar de l’histoire du Japon), par Sugar Sato aux éditions Tatsumi (辰巳出版)
1993 : Kachikujin yapû, kairaku no cho SM Bunmei (Yapou, bétail humain, la super civilisation SM du plaisir) aux éditions Tatsumi (辰巳出版)
1994 : Kachikujin yapû, mujyoken no kôfuku (Yapou, bétail humain, une reddition sans condition) aux éditions Tatsumi (辰巳出版)
2003 : Kachikujin yapû, nouvelle adaptation par Egawa Tatsuya aux éditions Gentôsha (幻冬舎)
Adaptation théâtrale
18-22 mai 2000 et 15 janvier 2005 : par la troupe Gesshokukageikidan (月食歌劇団 l’opéra de l’éclipse lunaire)
Les traductions
Ce roman est encore peu traduit. Il n’en existe qu’une traduction chinoise parue à Taiwan (2002). La traduction de Sylvain Cardonnel proposée aux éditions Désordres-Laurence Viallet en trois volumes est donc à ce jour la seule jamais réalisée en langue occidentale. Des traductions en russe et en turque seraient en cours. Il n’existe pas de traduction en anglais de ce texte. Véritable phénomène au Japon, cet ouvrage n’est pourtant mentionné en France dans aucune histoire de la littérature japonaise contemporaine. C’est sur les conseils d’un contact japonais que l’éditrice Laurence Viallet en a appris l’existence et en a commandé la traduction[19].
La réception de Yapou, bétail humain au Japon
Dans les dictionnaires de littérature japonaise
On trouve d’abord une première mention du roman à l’entrée « Shōzō Numa » dans le Nihon kindai bungaku daijiten (Le grand dictionnaire de la littérature moderne, 1978)[20]. L’article est signé Okuno Takeo.
« Shōzō Numa : écrivain et essayiste. L’identité réelle de l’auteur est inconnue bien qu’il soit devenu un centre d’intérêt des médias. Le roman Kachikujin yapû paraîtra en vingt livraisons dans la revue Kitan Club à partir du mois de décembre de l’année shôwa 31. Ce roman-fleuve est une œuvre fantastique poussant le masochisme jusqu’à son comble dans laquelle l’auteur, servi par une impressionnante érudition dans le domaine de la SF, de l’Histoire et une riche imagination, décrit les kachiku-jin (Yapous) apprenant à se réjouir de leur transformation en objets sexuels (machines sexuels/godemichet), pygmées, chaussures, chiottes au service de belles femmes blanches. Remarqué et encensé par Yukio Mishima, Yutaka Haniya, Tatsuhiko Shibusawa, Takeo Okuno, ce livre finit par être publié entre louanges et critiques en janvier de l’année Shôwa 45 (1970) aux éditions Toshi et devient un best seller. »
Le Nihon gendai bungaku daijiten (le grand dictionnaire de la littérature japonaise contemporaine, 1994) [21] offre deux entrées rédigées par Yokoi Tsukasa, écrivain et spécialiste de science-fiction. La première est consacrée au roman et reprend les informations du Nihon gendai shosetsu daijiten figurant ci-dessus qu’il complète en précisant que la parution de l’œuvre dans la revue SM Sniper donna lieu à 38 livraisons entre février 1988 et mars 1991. L’article se poursuit avec un résumé plus fourni du roman se terminant par le commentaire suivant :
« Ce roman n’est pas un simple roman sensuel (kannō shosetsu) décrivant sadisme et masochisme, mais dénonce au travers de la relation « discrimination-victime de la discrimination », la structure du pouvoir de l’État et s’efforce de déconstruire la culture traditionnelle du Japon dans une parodie du Kojiki et du Nihonshoki reposant sur des jeux de mots et des calembours. Cette œuvre doit également retenir l'attention en tant qu’œuvre de SF prenant pour thème un autre monde (un monde étranger) ».
L’entrée Shōzō Numa apporte les informations suivantes :
« Date de naissance inconnue. Écrivain et essayiste. Auteur de Kachikujin Yapū (shōwa 45, 59 et heisei 3). Auteur dont le nom est caché depuis les premiers textes qu’il a fait paraître en revues. C’est à partir de la première publication de son livre que plusieurs hypothèses ont commencé à circuler sur son identité. Les noms de plusieurs écrivains tels Yukio Mishima, Tatsuhiko Shibusawa, Tamura Ryûichi, entre autres ont été avancés. Le nom d’un juge du tribunal de grande instance de Tokyo ayant été dévoilé par un magazine, son représentant auprès de l’éditeur, Amano Tetsuo (né en taishô 15, 1926) prétendit qu’il était Shōzō Numa, puis se rétracta : la véritable identité de l’auteur reste un mystère. Sous le pseudonyme de Shōzō Numa, sont également parus les Carnets d’un visionnaire (aru musôka no techo kara) en 5 volumes de shōwa 45 à shōwa 51 ».
Dans le Nihon gendai shosetsu daijiten, (le grand dictionnaire des romans japonais contemporains, 2004)[22], on trouve un article plus long sur ce roman, donnant la chronologie des éditions et rééditions successives de l’œuvre de Numa ainsi qu’un résumé conséquent de l’argument du roman, signé Suekuni Yoshimi.
« Roman fleuve publié pour la première fois en feuilletons dans la revue Kitan Club (de décembre de l’année shôwa 31 (1956) à juillet de l’année shôwa 33 (1958), ceux-ci sont réunis, complétés, sous la forme d’un livre publié chez Bessatsu Toshi puis dans les revues Erochika (Erotica) et Parodi (Parodie) avant que sa publication ne s’interrompe. Une version complète paraît dans la revue SM Sniper entre février de l’année shôwa 63 (1988) et mars de l’année heisei 3 (1991). La première édition en livre remonte à février shôwa 45 (1970) aux éditions Toshi. La suite du roman écrite après l’interruption ainsi que le début paraissent en mai de shôwa 59 (1984) chez Kadogawa Shoten. Une nouvelle version complétée paraît en décembre de l’année heisei 3 (1991) aux éditions Million. Enfin une édition récapitulative depuis les débuts paraît en 3 volumes aux éditions Ota entre janvier et mars de l’année Heisei 5 (1993).
« Grande œuvre représentative de la littérature masochiste du Japon. On peut dire qu’elle est fort représentative de l’après-guerre au sens où elle est une parodie de l’interprétation qui veut voir dans le masochisme l’origine de l’esprit de sacrifice (gisei seishin) et de fidélité (loyauté, chûgi) du Bushido, de cet esprit Bushidô qui envoya toute un génération à la mort. Le parti-pris du roman est de montrer que la culture japonaise n’est qu’un don des Blancs en vue de « domestiquer » les Japonais, il offre un éclairage intéressant sur le fait que personne ne remette en question et prenne pour argent comptant la « tradition » et la « culture » japonaises ou que ces interrogations quand elles existent restent superficielles. En s’appuyant sur une conception masochiste de l’Histoire et de la théorie sociale, cette œuvre a également un rôle important en tant que « roman intellectuel » (shisô shosetsu). Proposant une relecture de l’Histoire et de la structure sociale, il soulève les problèmes concernant la différence sexuelle (gender) et le pouvoir de l’Etat. »
Par la critique littéraire japonaise
Tanaka Miyoko
Si Yapou, bétail humain est le récit d’une algolagnie revendiquée, sa portée dépasse de loin l’éventuelle « pathologie » de son auteur. Dans un article, Réflexions sadiques sur le masochisme, Tanaka Miyoko s’interroge sur l’intention de Shōzō Numa :
« Pour l’auteur, le héros de cette aventure fantasmagorique, Sebe Rinichiro, jeune homme du XXe siècle qui se retrouve plongé dans cet empire des femmes blanches du XLème siècle, doit briller du lyrisme élégiaque des garçons japonais dont le front est ceint d’un bandeau marqué du soleil rouge. Ne peut-on pas alors voir en ce jeune homme dressé comme un animal par cet État féministe, la douleur de l’image héroïque du Japon humilié et outragé ? Ne peut-on pas voir dans l’expérience masochiste de Sebe Rinichiro, l’image exacte de l’évanouissement de l’esprit japonais qui a suivi la défaite, et de la farce de l’auto-justification sans limites qui lui a immédiatement succédé ? S’agenouillant devant les femmes blanches, recevant leur baptême d’urine, ce qu’il fait revivre par cet hymne masochiste, c’est précisément le rituel de la rédemption de tous les hommes japonais : il en est le représentant »[23].
Tanaka Miyoko avance la thèse que ce roman est une tentative de rédemption dans le masochisme du Japon humilé par la guerre. Derrière l’anonymat de l’auteur, et au travers du personnage de Rinichiro Sebe, se voile et se dévoile la figure du masochiste. Numa avoue lui-même que le nom de Sebe est une référence au prénom, Séverin, du héros de Vénus à la fourrure de Leopold von Sacher-Masoch.
Yukio Mishima
Yukio Mishima s’est exprimé à plusieurs reprises sur le roman de Shōzō Numa. Rares sont cependant les traces écrites de la critique qu’il fait de Yapou. Outre l’entretien déjà cité avec Terayama Shûji, c’est dans la treizième livraison (1970) d’un essai sur le roman, intitulé Shôsetsu to ha nani ka ? (小説とは何かQu’est-ce que le roman ?) que l’on trouve le commentaire suivant.
« Ce qui donne à sentir que ce roman a une puissance de séduction aussi forte que les Cent vingt-journées de Sodome du marquis de Sade n’est pas sa ressemblance sur la scatologie mais pour le dire en un mot la logique de sa construction. Le monde de Kachikujin yapū n’est pas un monde de folie. Il est d’une crudité à vous en rendre malade tant sa logique est imparable, pour ainsi dire sociologique. L’écriture de ce roman n’est pas spécialement intéressante sur le plan littéraire, l’émotion ne tient pas particulièrement dans le détail de la phrase. Et sur ce point, il ressemble beaucoup au Cent-vingt journées. Ce qui est ahurissant est tout simplement le libre-arbitre (la volonté) à l’œuvre dans cette gigantesque construction. Ce monde qu’il décrit repose en réalité sur la même logique dominants/dominés à l’œuvre dans notre société. Et ce monde est si grotesque que cette œuvre ne doit pas être appréciée comme la simple analogie ou la satire du nôtre. Le masochisme est une perversion, mais lorsque la volonté (le libre arbitre) et la puissance d’une imagination sont poussées jusqu’à cet extrême, on peut dire qu’ils sont l’expression de la tentative d’opérer une expérience radicale d’où quelque chose peut surgir. En prenant une perversion comme base de départ, le frisson qui s’empare du lecteur, soudain convaincu qu’il faudra aller jusqu’à de telles extrémités, manifeste pleinement le ressort sur lequel ce roman est construit. Alors n’importe quel immondice (horreur) pourra se changer en beauté car cette beauté-là, nonobstant des différences de degré appartient à notre sensibilité abritant notre catégorie du beau ».
Okuno Takeo
Le témoignage d’Okuno Takeo, l’auteur de la notice consacrée à Shōzō Numa dans le Nihon kindai bungaku daijiten (le grand dictionnaire de la littérature moderne) est éclairante à plus d’un titre sur les circonstances et la réception de roman. Dans une postface qu’Okuno rédige lors de la publication de la première édition complète de Yapou en 1970 (édition Million) voilà ce qu’il écrit: « C’est Mishima Yukio qui a prononcé les paroles les plus dithyrambiques sur l’intérêt exceptionnel de Yapou, bétail humain de ce Shōzō Numa, son parfum sulfureux (gimi no warusa), l’exceptionnelle inspiration de ce roman et la forte imagination de son auteur. Nous nous retrouvions quatre ou cinq fois l’an à cette période (1957) à deux ou trois pour discuter et Mishima : « Toi qui lis Kitan Club, as-tu lu Yapou, bétail humain, cette histoire incroyable que publie cette revue ? » Évidemment, je la lisais. Mais ce qui m’intéressait le plus dans ce roman était la partie concernant la machine à remonter le temps (time machine) de cette société du futur décrit dans ce roman de science-fiction et j’ai été très intrigué (surpris) par la façon dont Mishima n’hésitait pas à recommander ce livre car je nourrissais malgré tout certains doutes sur cette œuvre. Autrement dit, je n’étais prêt à reconnaître la valeur de ce roman qu’à l’intérieur de cet univers que représentait de Kitan Club. C’est pour cela que je suis au regret de dire que Yukio Mishima fut le premier à découvrir (percevoir) la valeur universelle et littéraire de Yapou, bétail humain. » [24] Okuno s’explique ensuite sur les raisons des réserves qu’il avait d’abord eues concernant le livre contrairement à l’enthousiasme de Mishima. « En dix ans, entre le moment où j’ai lu ce roman lors de ses premières publications en 1957 (shôwa 32) et aujourd’hui, mon impression s’est profondément modifiée, non pas que le roman ait changé : c’est moi qui ai changé. À l’époque, je m’étais innocemment réjoui de de texte représentant le comble du masochisme et plusieurs obstacles m’avaient empêché d’apprécier pleinement l’existence heureuse des Yapous. Le premier de ces obstacles tient à ce nationalism qui avait pris forme inconsciemment en moi et qui était partagé par l’ensemble des Japonais durant ces dix dernières années. La fierté d’être Japonais. L’orgueil des Japonais dont le pays était devenu inopinément la seconde puissance du monde, un géant économique. Ce qui autrement dit correspondait à la dissolution du complexe d’infériorité (inferiority complex) que nous avions envers les Blancs issus des pays développés de l’Occident. Ce nationalism prenait chez la plupart la forme de l’illusion d’un retournement de ce complexe, l’illusion que seuls les Japonais se distinguaient au sein de la race jaune. Ce qui était d’ailleurs une réalité indubitable. Jadis, je veux dire il y a plus de dix ans, j’avais accepté sans douleur aucune – je l’avais compris du point de vue du rapport homme/femme - le parti-pris du roman décrivant l’empire universel d’EHS deux mille années plus tard comme un État aristocratique composé de Blancs qui plus est des descendants sélectionnés par la reine d’Angleterre où les Yapous, en vérité la race jaune comprenant les barbares (Yaban) ont été déchus de leurs droits humains et sont tenus pour une tribu des singes dont le statut est inférieur à celui des Noirs et réduits à l’état de bétail (kachikujin) au service des Blancs. Il était évident que les Japonais avaient été un peuple inférieur. Nous avions persévéré naturellement dans un complexe racial envers les anglo-saxons. Voilà la raison pour laquelle je ne l’avais pas ressenti il y a dix ans. Or, en relisant ce texte aujourd’hui, dix ans plus tard, sur cette question, je sens que cette fierté des Japonais n’est pas sans liens (avec ce complexe) » .
Abe Masao
Abe Masao[25] dans La culture japonaise à la recherche de son identité, in Esprit, numéro 421, février 1973, (p 295-314), analyse ce phénomène en revenant sur cette insistance que les Japonais ont à mettre en avant leur particularité, sur l’impossibilité supposée pour un non-japonais de les comprendre. Le Japon pense sa « modernité » dans le cadre de l’opposition Japonais/occidental souvent reformulée sur le mode de l’opposition particulier/universel tout en semblant refuser que l’intelligence occidentale puisse avoir une efficacité universelle qui la rende propre à comprendre la singularité japonaise. La Raison serait incapable à tout rationaliser. Si cette attitude (japonaise) peut apparaître comme une tentative de sauvegarder une « identité culturelle » face au système rationaliste d’Occident que le Japon a consenti à adopter dans sa majeur partie (administration, techniques, sciences, philosophie, voire religion), elle n’en a pas moins un effet secondaire et pervers. Si cette « modernisation du Japon » est vécue ou présentée comme un progrès, cette attitude contribue à développer le schéma « Japonais/occidental ou particulier/universel » en posant d’un côté « l’occidental – l’universel – l’avancé » opposé à : « le japonais – le particulier – l’attardé ». C’est ce schéma, ajoute Abe, qui a soutendu plus ou moins tout choix culturel lorsqu’il s’est agi de remplacer un élément jugé indigne (indigène) par un élément occidental (le kimono par la redingote). La conséquence de cette attitude est la formation d’un « complexe d’infériorité que l’on contracte souvent vis-à–vis du modèle » explique Abe Masao en 1970. « Les années d’immédiat après-guerre offraient l’image saisissante d’une colonisation pour ainsi dire esthético-érotico-culturelle aboutissant, dans ses formes extrêmes au cas typique du mâle japonais physiquement complexé, en situation d’idolâtrerie aux pieds de l’orgueilleuse blonde. Cette vision que l’on rencontrait dans des magazines destinés à une clientèle spéciale (les « sado-masochistes ») et qui se retrouve sublimée dans le monumental roman de science-fiction du mystérieux auteur Shozo Numa, Kachikujin Yapoo (« Yapoo l’homme domestiqué », 1968), représente un cas limite de cette image, masochiste et narcissique, que le Japonais se complaît parfois à se faire renvoyer par le miroir de l’universalité occidentale devant lequel il se place volontiers pour voir combien il est loin de dépasser sa particularité et de se transformer selon le modèle occidental ». P 302.
Shōzō Numa va encore plus loin. Car c’est précisément à une critique de la supercherie que dissimule ce « nationalisme japonais » qu’il se livre en paraissant démontrer (au-dela de son cas personnel) que ce nationalisme est en réalité l’expression d’un masochisme de masse que la défaite n’a fait que révéler, masochisme de masse qui peut se lire dans le phénomène de la repentance (le pacifisme) ou dans les mouvements négationnistes de l’Histoire. Pour Shōzō Numa, la défaite de 1945 est un échec non pas seulement militaire et idéologique mais psychologique dont les effets se sont sentir dans le Japon de l’après-guerre (« rejet du Japon » par les Japonais, féminisation des hommes japonais, libération de la femme, culte du Blanc, sentiment d’infériorité, désir de reconnaissance). Selon Shōzō Numa, l’avènement de ce Japon « moderne », incarné par la figure de Rinichiro dans le roman, aura été une construction idéologique qui aura manqué son objectif mais en aura réalisé un autre : l’aliénation totale du Japon à l’Occident (aux Blancs). Il s’agit d’en tirer les conséquences. L’auteur utilise pour ce faire le procédé de la science-fiction pour mieux dénoncer ce masochisme (compris comme désir de soumission mais également comme inaugurant la seule attitude pouvant servir à dénoncer le fort) à la source de l’esprit de sacrifice et de loyauté du Japonais « moderne » (éthique du bushidô) qui survit à la défaite. Cette éthique du bushidô (pêtrie de confucianisme) n’aura en définitive réussi qu’à conduire toute une génération à la mort. Le parti-pris du roman de « démontrer » que cette « culture » ou « cette identité » japonaises ne sont en réalité qu’un « don » ou une construction (des Occidentaux) en vue de « domestiquer » les Japonais devient ainsi la conséquence directe de la soi-disant « lutte des races »[26] qui caractérise la marche du monde depuis la fin du XIXe siècle.
Le roman Yapou, bétail humain a obtenu le Prix Sade en 2006.
Notes et références
- Jonathan Swift dans Les Voyages de Gulliver Le titre kachikujin yapū renferme un néologisme formé de kachiku 家畜 bête, animal et de jin 人 homme, Yapou, bétail humain ou domestic yapoo comme le propose également une traduction anglaise de l’expression proposée par l’adaptation manga de Ishinomori. Le néologisme yapū est une allusion aux Yahoos de
- Oniroku Dan 団鬼六(né en 1931), écrivain, scénariste, il est l’auteur très populaire de romans sadomasochistes. adaptés au cinéma entre autres par la firme Nikkatsu dans sa série Roman porno. Son roman le plus célèbre est Hana to hebi (la fleur et le serpent) qui paraît dans la revue Kitan Club en 1961.
- La Chute, traduction française par Yves-Marie Allioux et Yamada Minoru, in Cent ans de pensée au Japon, tome I, éditions Philippe Picquier, Arles, 1996.
- Oé Kenzaburô, Notes de Hiroshima, traduit par Dominique Palmé, édition Gallimard, Paris, 1996.
- http://www.editions-desordres.com/auteurs/shozo_numa_monde.php Le Monde du 4 novembre 2005, supplément littéraire. Le cauchemar de Shōzō Numa, interview de Shōzō Numa recueillie par Philippe Pons. À lire sur le site des éditions Desordres-Laurence Viallet.
- Shōzō Numa, postface à l’édition Toshi (1970), in Yapou, bétail humain, volume 1, p 433, éditions Désordres- Laurence Viallet, 2005.
- Shūji Terayama 寺山修司 paru dans la revue Shio (潮) du mois de juillet de l’année shôwa 45. (1970) Erosu ha teiko no kyoten ni naieru ka (Eros peut-il devenir un point de résistance ?) p 671-688, in Ketteiban Mishima Yukio zenshû <40> (Œuvres complètes de Yukio Mishima), volume 40, édition Shishosha, 2004. Mishima : À ce propos, avez-vous lu « Yapou, bétail humain » ? Terayama : Oui, c’est très intéressant. Mishima : Ce qui m’a vraiment exaspéré, c’est que Okuno Takeo a écrit dans sa postface que je m’étais mis à détester ce roman depuis que j’avais fondé la « société du bouclier ». Je ne suis pas aussi stupide. Ce que je déteste, c’est ce rapport familier qu’ont les Japonais d’aujourd’hui avec ce roman. C’est probablement le plus grand roman idéologique qu’un Japonais ait jamais écrit après-guerre. Terayama : Oui, d’ailleurs ça m’écœure qu’avec cette présentation, ce soit devenu un best-seller. Mishima : Les illustrations devraient être beaucoup plus réalistes. Ce côté abstrait ne colle pas du tout au projet. Mais si elles étaient plus réalistes, il y aurait sans doute des problèmes avec la censure. Terayama : Même si ce n’est pas dessiné très habilement, ce côté à la fois réaliste et maladroit n’est finalement pas plus mal. Le fait que toutes les illustrations de cette revue érotique éditée clandestinement soient plutôt réalistes et assez médiocres les rendent encore plus érotiques. Mishima : Un réalisme digne de magazines pour adolescent est important pour un roman tel que « Yapou, bétail humain ». Ce qui retient mon intérêt dans ce roman, le présupposé sur lequel il repose, est qu’il prouve que le monde va changer. Ce que l’on dit en général du masochisme et qui repose sur le présupposé que l’humiliation est une jouissance, et à partir de là quelque chose peut commencer. Et quand ça commencera, cela prendra la forme d’un système recouvrant le monde entier. Plus personne ne pourra alors résister à ce système théorique. Tout finira par y être englobé, la politique, l’économie, la littérature, la morale. Ce roman écrit cette terreur. Terayama : C’est vraiment rare de constater que ce roman malgré son inspiration (idée de départ) réussisse à rester un roman sensuel et à ne jamais prendre la forme d’une allégorie. D’habitude, avec un tel point de départ, le roman aurait dû virer à la SF. J’ai d’ailleurs fini par le lire en oubliant les « yahoo » de Swift. Traduit du japonais par Sylvain Samson. 「戦後の日本人が書いた観念小説としては絶頂だろう」. Dialogue entre Yukio Mishima 三島由起夫 et
- Monstre du Loch Ness Kō Yoshio (康芳夫) né en 1937 à Tokyo est un producteur d'événement de toute sortes. On lui doit au Japon, aussi bien la venue du boxeur Mohammed Ali que celles de musiciens de Jazz, Sonny Rollings, Miles Davis, que la tournée d'Oliver, un chimpanzé présenté comme le chaînon manquant entre l'homme et le singe. Kō est encore l'organisateur d'une expédition partie à la recherche du
- Jean Cocteau (Le grand écart) mais c’est surtout sa traduction de L’histoire de Juliette ou les prospérité du vice (Akutoku no sakae, 1959) qui lui vaut en 1960 un procès pour « obscénité publique » qui sera appelé au Japon Sado saiban (le « procès sade » dont semble s’être inspiré Shōzō Numa dans le volume III de Yapou, bétail humain avec le procès Rick). Durant le procès, des auteurs tels que Oé Kenzaburô, Endo Shusaku, Ooka Shohei, témoignèrent en sa faveur. En 1969 au bout de neuf années d’instruction, lui est infligé le paiement d’une amende dont le montant dérisoire (70 000 yens) provoque la colère de l’intéressé. Shibusawa était un ami de Yukio Mishima. Sa biographie du marquis de Sade servit de base à la pièce de théâtre Madame de Sadede Mishima. Shibusawa est également l’introducteur de Georges Bataille au Japon dont il traduit et présente L’érotisme. Shibusawa Tatsuhiko (澁澤龍彦 1928-1988), écrivain et critique d’art. Traducteur et introducteur de littérature française au Japon. Il traduit
- Haniya Yutaka 埴谷雄高(1909-1997), écrivain prolifique, récompensé par le prix Tanizaki en 1970 pour son recueil de nouvelles intitulé Yami no naka no kuroi uma, (Chevaux noirs dans les ténèbres). Il est le fondateur de la revue Kindai bungaku (littérature moderne) qui découvrit et publia Abe Kôbô. Il faisait partie d’un groupe d’avant-garde appelé Yoru no kai (le groupe de la nuit).
- Okuno Takeo 奥野健男 (1926-1997), universitaire et critique littéraire, auteur de nombreux essais dont un Daizai Osamu, un Sakaguchi Andô, Topologie de la littérature (bungaku no topoloji), La légende de Yukio Mishima (Mishima Yukio no densetsu), La structure du ma (ma no kôzô), Les « paysages originaux » dans la littérature (bungaku ni okeru genfûkei).
- Il s’agirait de Kurata Takuji 倉田卓次 (1922-2011), magistrat jusqu’en 1982, avocat depuis, spécialisé dans les affaires concernant des accidents de la route. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages sur ces matières mais aussi en 1972, d’un Rosenberugu shyômei sekininron (Discours sur les preuves de la responsabilité de Rosenberg) et une série de livre intitulé Saibankan no shosai (Le bureau du juge) entendu comme « le lieu où on lit des livres », série dans laquelle il présente et commente ses lectures préférées.
- Amano Tetsuo 天野哲夫(1926-2008 ), écrivain et critique littéraire.
- Revue Shinshio 新潮, février 2009, p 254
- Shōzō Numa, postface à l’édition Ota, in kachikujin yapû, volume I, éditions Gentosha Outlaw, p 350, ou Yapou bétail humain, volume III édition Désordres, Laurence Viallet, 2007, p 537. Voir aussi Okuno Takeo, kachikujin yapû dentetsu (la légende de Yapou, bétail humain), édition Toshi, février 1970, reprise dans l’édition définitive parue aux éditions gentosha outlaw, 1999, volume I, page 353. cf la revue Shinshio 新潮, février 2009, p 254
- 朕ト爾等国民トノ間ノ紐帯(ちゅうたい)ハ、終始相互ノ信頼ト敬愛>トニ依リテ結バレ、単ナル神話ト伝説トニ依リテ生ゼルモノニ非(あら)ズ。Les liens Nous unissant à Notre peuple ont toujours reposé sur une confiance et une affection respectueuse mutuelles : ils n’ont jamais dépendu de mythes ou de légendes. 天皇ヲ以テ現御神(あきつみかみ)トシ、且(かつ)日本国民ヲ以テ他ノ民族ニ優越セル民族ニシテ、延(ひい)テ世界ヲ支配スベキ運命ヲ有ストノ架空ナル観念ニ基クモノニモ非ズ。Aucune idéologie ne permet d’affirmer que l’empereur est un dieu vivant en ce monde et que le peuple japonais est supérieur aux autres et qu’il a pour destin de les gouverner. (Extrait du Rescrit impérial sur la construction du nouveau Japon. 1 janvier 1946.)
- Shōzō Numa, Postface au volume 1 de l’adaptation manga de Egawa Tatsuya, Yapou, bétail humain, 2007.
- site en japonais de la bibliothèque propose la consultation en ligne des sommaires de la revue. Le
- http://www.boojum-mag.net/f/index.php?sp=liv&livre_id=925
- Nihon kindai bungaku daijiten (Le grand dictionnaire de la littérature moderne (日本近代文学大辞典) Shōwa 53 (1978) éditions Kodansha (講談社出版) 3ème tome (ni-wa), p 23,24
- Nihon gendai bungaku daijiten (Le grand dictionnaire de la littérature japonaise contemporaine (日本現代文学大事典) éditions Meiji Shobô (明治書房), 1994. Article Kachikujin yapû, p 171 dans le répertoire des œuvres (作品篇). Article Shōzō Numa, p 265 du répertoire des auteurs (>人名・事項編).
- Nihon gendai shosetsu daijiten, (Le grand dictionnaire des romans japonais contemporain), sous la direction de Asai Kiyoshi et Satô Masaru, éditions Meiji Shobô. p 222-223『日本現代小説大辞典』明治書房(平成16)2004 編集 浅井清/佐藤勝.
- Traduction du japonais par Sylvain Samson in Cahier critique des éditions Désordres, Laurence Viallet.
- Okuno Takeo, kachikujin yapû dentetsu (la légende de Yapou, bétail humain), édition Toshi, février 1970, reprise dans l’édition définitive parue chez aux éditions Gentosha Outlaw, 1999, volume I, page 353.
- Abe Yoshio, né en 1932, professeur adjoint de littérature française à l’université de Tokyo. Attaché au CNRS (1966-1970), études sur Baudelaire publiées dans la Revue de l’Art, French Studies, etc…
- péril jaune » en Occident au tournant du XXeme siècle. Illustrée par la rhétorique du «
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