- Uti possidetis juris
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L'uti possidetis juris est un principe de droit international par lequel les belligérants d'un conflit conservent leur possession à la fin dudit conflit, nonobstant les conditions d'un traité. L'expression provient de la phrase uti possidetis, ita possideatis qui signifie : « Comme vous avez possédé, vous continuerez à posséder »[1].
Provenant du droit romain, le principe autorise une partie à contester et à réclamer un territoire qui a été acquis par la guerre. Le terme a été historiquement utilisé pour légitimer les conquêtes territoriales, par exemple l'annexion de l'Alsace-Lorraine par l'Empire allemand en 1871.
Histoire
Plus récemment, on a recouru à ce principe pour établir les frontières des nouveaux États indépendants après la décolonisation ou la dislocation d'états fédéraux (URSS, Yougoslavie) en s'assurant que les frontières s'accordent avec celles des anciens territoires coloniaux ou fédéraux.
On fit appel à ce principe après le retrait de l'Empire espagnol d'Amérique du Sud, au XIXe siècle. En déclarant l'application de l'uti possidetis juris, les nouveaux États cherchèrent à s'assurer qu'il n'y aurait pas de terra nullius en Amérique latine lors du retrait espagnol. Il s'agissait aussi de réduire la possibilité de guerres frontalières entre les nouveaux États indépendants. Cette politique ne fut pas totalement couronnée de succès, comme le prouva la Guerre du Pacifique (1879-1884).
Le même principe fut appliqué à l'Afrique et à l'Asie lors du retrait des puissances européennes. Suite à la « guerre des sables » entre le Maroc et l'Algérie, l'Organisation de l'unité africaine décida en 1964 que le principe de l'intangibilité des frontières coloniales — le principe-clé de l’uti possidetis juris — serait appliqué à travers toute l'Afrique. Une grande partie de l'Afrique était déjà indépendante à ce moment, la résolution était donc une directive politique pour régler les contestations territoriales grâce à un traité se fondant sur les frontières pré-existantes. Notons cependant une exception : la guerre Éthiopie-Érythrée de 1998-2000 éclata suite à la sécession d'un pays africain indépendant et non à cause d'un conflit entre deux pays limitrophes simultanément décolonisés.
Le principe "principe de l'intangibilité des frontières" fut également appliqué aux nouveaux états indépendants des anciennes Union soviétique et Yougoslavie, sur la base qu'une "République soviétique" ou une "République fédérale yougoslave" (sujets fédéraux juridiquement égaux aux autres membres de la fédération) pouvait devenir un état souverain, mais non une république ou une région "autonome" (subordonnée à un sujet fédéral): c'est pourquoi, en 1991, les anciennes "Régions autonomes" qui ont tenté de proclamer leur indépendance (Tatarstan, Tchétchénie et bien d'autres) n'ont pas été juridiquement reconnues. Cependant, depuis 2008, on a dérogé à ce principe avec la reconnaissance par un quart de la communauté internationale du Kosovo (ancienne "région autonome" de la Serbie) et, par la Russie et quelques autres pays, de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie ("régions autonomes" de la Géorgie).
Note
- Cour internationale de justice dans l'arrêt Burkina Faso/République du Mali, Recueils, 1986, p. 566 et suiv.: Le principe de l'intangibilité des frontières vise avant tout à assurer le respect des limites territoriales d'un état au moment de son indépendance. Si ces limites n'étaient que des limites entre divisions administratives relevant initialement de la même souveraineté, l'application de l'uti posseditis emportait leur transposition en frontières internationales proprement dites. La
Bibliographie
- Anouche Beaudouin, Uti possidetis et sécession, Paris, Dalloz, 2011, 667 p.
- A. Benmessoud-Tredano, Intangibilité des frontières et espace étatique en Afrique, LGDJ, Paris, 1989, 255 p.
- D. Bourjoll-Flech, Heurs et malheurs de l'Uti posseditis, RJPIC n°3, été 1981, pp. 811-835.
- Jean Maurice Djossou, L'Afrique, le GATT et l'OMC: entre territoires douaniers et régions commerciales, L'Harmattan, 2000, 265 p.
- T. Van Minh, Remarques sur le principe de l'intangibilité des frontières, in: Peuples et états du tiers-monde face à l'ordre international, PUF, Paris, 1978, pp.: 51-108.
Catégories :- Droit international
- Expression latine utilisée en droit
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