- Urartéens
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Urartu
L'Urartu (en arménien Ուրարտու) est un royaume constitué vers le Xe siècle av. J.-C. autour du lac de Van, dans l'actuelle Turquie orientale ; son territoire s'étend également sur les pays voisins : Arménie, nord-ouest de l'Iran, nord de la Syrie et de l'Irak, sud de la Géorgie (expansion maximale). Cet État est appelé Biai ou Biainili par ses habitants mais Uruatri et Urartu dans les sources assyriennes.
L’Urartu a d’abord été connu par les sources historiques provenant de l’Assyrie, royaume qui est son principal adversaire au cours son histoire. Cela a permis de situer les rois urartéens dans la chronologie de l’histoire du Proche-Orient ancien. Les rois urartéens ont également fait graver leurs propres inscriptions, certaines reprenant le modèle des annales néo-assyriennes. À l’origine écrites en assyrien, elles sont progressivement remplacées par l’urartéen. Des tablettes administratives ne sont connues qu’à partir du VIIe siècle av. J.-C., avant tout grâce aux fouilles du site de Karmir Blur. Si on ne découvre plus de nouveaux textes, les fouilles de nouveaux sites font depuis plusieurs décennies progresser constamment notre connaissance de la civilisation urartéenne.
Sommaire
Histoire
Origines
Le peuple urartéen semble être tout comme les Hourrites un descendant de la culture du Kuro-Araxe, qui s'épanouit en Transcaucasie dans le courant du IVe ‑ IIIe millénaires av. J.-C. (datation mal connue), avant de s'étendre vers le sud. Le fait que la langue urartéenne présente de nombreux traits communs avec la langue hourrite de la fin du IIIe millénaire av. J.-C. (ou du moins de ce que l'on en connaît) semble indiquer que la séparation des deux groupes est alors récente, et a dû se faire vers le milieu de ce millénaire. La civilisation urartéenne telle qu'on la connaît par la suite prend naissance dans la seconde moitié du IIe millénaire av. J.-C. dans la région du lac de Van, qui reste longtemps le centre politique du royaume d'Urartu.
En face d'eux, les Urartéens ont vite été confrontés aux Assyriens, dont ils subissent une forte influence. L'apparition même du royaume urartéen est probablement due à l'émulation issue de la proximité d'un si grand voisin, dont les ambitions vers les régions situées au-delà de sa frontière septentrionale se manifeste dès sa montée en puissance aux XIVe-XIIIe siècles.
Dans les premiers temps, l'Urartu est un adversaire insignifiant pour la puissance assyrienne. Il est mentionné pour la première fois par Salmanazar Ier au XIIIe siècle av. J.-C., sous le nom d'Uruartri. Les Assyriens ne se privent néanmoins pas de campagnes punitives en direction des pays situés au nord de leur royaume, dans la région qu'ils nomment Nairi, dont la signification exacte est débattue. Tukulti-Ninurta Ier y mène une campagne victorieuse. Pendant l'affaiblissement de l'Assyrie au Xe siècle av. J.-C., un royaume se forme après la réunion des principautés urartéennes et prend petit à petit de l'importance au début du IXe siècle av. J.-C.. Vers 850, Salmanazar III attaque le faible roi Arame (850-840) et le chasse de sa capitale, Arzashkum, avant de piller la ville et le pays alentour.
La montée en puissance
Le successeur d'Arame (qui ne semble pas être son fils), Sarduri Ier (840-830), pose les bases de la future extension de son royaume malgré son court règne, en transférant sa capitale à Tushpa et en s'étendant sur la région environnante, devenant maître du lac de Van. L'Urartu suit l'exemple assyrien, et se lance dans des campagnes depuis les environs du lac de Van. Il peut même repousser une offensive de ses voisins du sud. Il se proclame alors dans une inscription en assyrien retrouvée à Tushpa « roi de l'Univers, roi des rois, roi de la terre de Nairi ».
Ishpuhini (830-810) conquiert la région de Musasir, à l'est, la ville sainte de la région, résidence du dieu national Haldi. L'Urartu possède maintenant ses deux principaux centres, Tushpa, sa capitale politique, citadelle bâtie sur les bord du lac de Van sur un site idéalement placé, dur à assiéger, et sa capitale religieuse, Musasir (dont la localisation est encore incertaine), grand lieu de pèlerinage et de ce fait ville très riche. L'organisation du royaume autour de ce type de forteresses, lieux de stationnement de troupes, d'échanges et d'entrepôts importants, se dessine à cette période. Ishpuhini poursuit sur sa lancée en s'emparant du lac d'Orumieh (pays de Parsua), où résident notamment les Mèdes. Il se nomme sobrement « roi de Biainili ».
Son fils Menua (810-786[1]), associé au trône vers la fin du règne d'Ishpuhini (820-810), s'empare de l'Alzi, au nord de l'Assyrie et oblige le roi de Milid à lui payer un tribut. Il prend possession de la vallée de la Murat, puis commence à imposer la puissance urartéenne dans la riche vallée de l'Araxe au nord.
Les règnes d'Ishpuhini et de Menua marquent un grand changement pour l'Urartu, qui devient un royaume puissant. C'est à cette époque que le panthéon du royaume s'établit. Les souverains commencent aussi à entreprendre de grand travaux, dont le plus remarquable est le canal de Menua, qui existe encore de nos jours, et amène de l'eau depuis le sud du lac de Van vers Tushpa sur plus de 80 km. Menua est un grand bâtisseur, qui construit ou répare des forteresses, et embellit divers temples.
Son successeur Argishti Ier (786-764) s'avère un redoutable guerrier. Il continue la poussée vers le nord, en direction du Caucase, et s'empare totalement de la riche vallée de l'Araxe, menant des campagnes jusque dans la région de l'actuelle Erevan. Il fonde d'autres villes destinées à servir de relais commerciaux entre les régions riches en minéraux du nord de l'Anatolie et les cités du lac de Van, notamment Erebouni dans la vallée de l'Araxe. Argishti Ier combat aussi vers l'ouest, en Mélitène, puis au Tabal, où il substitue son influence à celle de l'Assyrie, qui traverse alors une période difficile. Le général Shamshi-ilu, principale personnalité assyrienne de l'époque, mène six campagnes contre Argishti, mais il ne réussit pas à l'affaiblir. L'Urartu, situé au carrefour de régions riches, devient ainsi le maître d'un commerce très lucratif, qui va l'aider à gagner de la puissance.
Le royaume continue son ascension sous le règne de Sarduri II (764-735[2]), qui monte des expéditions visant à s'emparer de régions situées au nord-est de la Syrie, dans la vallée du haut Euphrate, et soumet définitivement le royaume de Milid. Il soumet la Mélitène et la Commagène (Kummuh), coupant la route amenant des métaux à l'Assyrie depuis le Taurus. Il finit aussi d'assurer sa domination dans la vallée de l'Araxe, et s'empare de la région autour des lacs de Çildir et de Sevan. Au nord-ouest, il affronte le roi de Kolkha (Colchide). Le royaume est alors le plus puissant de la région, et constitue un rival dangereux pour une Assyrie au plus mal, qui va devoir réagir face à cet ennemi qu'elle n'avait pas vu venir, et qui commence à l'encercler par son expansion vers l'ouest et l'est. Quelques petites troupes assyriennes sont défaites au cours d'affrontements de moyenne importance. Mais quand Sarduri II prend des alliés de son contemporain Assur-Nerari V, le véritable affrontement entre ces deux puissances s'annonce inévitable, et il tourne en la faveur de l'Urartéen, qui réussit à mettre en déroute son adversaire vers 753. C'est alors l'apogée de la puissance de l'Urartu.
L'opposition Urartu-Assyrie
Mais les dix dernières années du règne de Sarduri II coïncident en Assyrie avec l'avènement de Teglath-Phalasar III, qui rétablit la puissance de l'Assyrie, et cherche à abattre l'Urartu, devenu un rival trop dangereux. Peu de temps après son intronisation, il attaque les alliés et vassaux de Sarduri II, Arpad, le Milid, Gurgum, Kummuh, Karkemish, et Que. Ceux-ci sont mis à mal, et appellent au secours le roi d'Urartu. Ce dernier intervient, mais est battu à plate couture par les Assyriens en Kummuh, et bat en retraite. Les alliés des Urartéens en Syrie tombent les uns après les autres, et Teglath-Phalasar III raffermit la puissance de son pays. L'Urartu n'est plus de taille à lutter. Sarduri II a même à subir vers la fin de son règne une intervention de son impétueux adversaire, qui se glisse dans son pays jusqu'au portes de Tushpa, cependant trop bien gardée pour qu'il puisse s'en emparer.
Rusa Ier (730-714[3]), porté au pouvoir par une révolution de palais après la défaite de son père, hérite d'une situation peu avantageuse, les ambitions de l'Urartu ayant été réduites par leur ennemi. Mais Teglath-Phalasar laisse l'Urartu tranquille après la leçon qu'il lui a infligée. C'est Sargon II qui va porter un coup de grâce au royaume du nord, affaibli mais toujours gênant. Il s'empare de Karkemish, du Kummuh, de Milid, puis du Tabal. Rusa Ier voit sa tâche compliquée par un nouvel adversaire qui se présente : les Cimmériens, venus du nord du Caucase. Ils battent le dernier allié de l'Urartu, la Phrygie du roi Midas (Mita de Mushku dans les sources assyriennes), puis mettent en déroute Rusa Ier, et le forcent à battre en retraite. Sargon II a été informé de ces évènements par des espions postés en pays urartéen (des rapports envoyés par certains d'entre eux, postés jusqu'en Transcaucasie, ont d'ailleurs été retrouvés), et il juge le moment propice pour passer à l'offensive. C'est sa « huitième campagne » de 714, relatée dans un texte adressé par le roi à son dieu Assur. L'Urartu, qui n'a plus les moyens de se défendre, est mis à feu et à sang, la ville de Musasir est pillée, et la statue du dieu Haldi est emmenée en Assyrie. Sargon n'arrive néanmoins pas à frapper au cœur du pays urartéen, et Tushpa reste intacte. Dans le récit de Sargon, il est dit que Rusa s'est suicidé après sa défaite.
Les dernières années
Après la défaite infligée par Sargon II, une sorte de paix s'instaure entre les deux puissances, qui restent alors chacune de leur côté. La présence de nouveaux dangers dans la région (Scythes, Cimmériens, Mèdes) paraît avoir entraîné cette paix entre les deux anciens rivaux. Alors que les Assyriens vont s'étendre vers le Proche-Orient, les Urartéens poussent vers le nord, en direction du Caucase.
Le successeur de Rusa Ier, Argishti II (714-685), fait construire la forteresse d'Altintepe en Anatolie orientale près d'Erzincan. Les Cimmériens semblent ravager le pays sous son règne. Rusa II (685-645[4]), fils et successeur d'Argishti II, raffermit sa puissance et bâtit de grandes citadelles à Rusahinili/Toprakkale près de Van, et à Teishebani/Kamir Blur dans le vallée de l'Araxe après l'abandon d'Erebouni. Cette période paraît donc voir un regain de la puissance urartéenne, voire même son apogée, si l'on s'en tient aux réalisations matérielles de ses rois. C'est de cette période que datent les seules tablettes cunéiformes en argile qui nous sont parvenues de sites urartéens. Tout cela semble indiquer une réorganisation de l'administration urartéenne sous Rusa II.
Les évènements de la seconde moitié du VIIe siècle av. J.-C. sont très mal connus. On sait que les Scythes pillent la région avant de dominer les Mèdes. Les citadelles urartéennes disparaissent toutes dans des destructions à cette période, mais la cause de ces évènements reste incertaine. Si l'Urartu existe encore vers 590, le roi mède Cyaxare, après avoir abattu l'Assyrie, le prend, alors qu'il ne doit plus être qu'un obstacle dérisoire sur sa route vers l'Anatolie.
Contrôle et mise en valeur du territoire
La construction du territoire urartéen
Du fait de la conquête de nouveaux territoires, de même que par la nécessité d’organiser la région qui est au centre de leur royaume, à l’est du lac de Van, les rois urartéens ont rapidement pris en charge l’intégration et la mise en valeur du territoire qu’ils dominaient, et l’ont fait d’une façon qui leur est caractéristique. Cette fonction est souvent mise en avant dans les inscriptions royales, et ce dès le temps d’Argishti Ier :
- « Pour la grandeur de Haldi, Argishti, fils de Menua, parle : J’ai construit une grande forteresse et lui ai donné un nom à partir du mien, Argishtinhinili. La terre était sauvage, rien n’était construit là. À partir des rivières j’ai construit quatre canaux ; les vignobles et jardins ont été partagés. »
Une bonne maîtrise du territoire passe par le contrôle des routes principales, des plaines les plus fertiles, et leur mise en valeur. Aux endroits les plus stratégiques, des forteresses ont été bâties sur des hauteurs surplombant les plaines. Des aménagements hydrauliques remarquables ont été mis en œuvre pour approvisionner ces centres de commandement, et aussi pour permettre de développer l’agriculture. On ne pouvait du reste attendre de celle-ci de bons rendements que dans une vingtaine de « micro-régions » disséminées dans tout le royaume (dans des vallées alluviales), les conditions topographiques, pédologiques et/ou climatiques d’une grande part du territoire ne permettant qu’une agriculture très modeste, et même souvent aucune culture.
La nature exacte de la domination exercée par le pouvoir urartéen sur son territoire est débattue. La vision la plus ancienne veut y voir un État centralisé, très hiérarchisé, où le pouvoir organise la redistribution des ressources entre les régions. P. Zimansky a proposé de voir dans l’Urartu un État moins centralisé que cela, organisé en provinces distinctes dont la fonction est avant tout de pourvoir l’État central pour ses campagnes. Ce dernier modèle s’appuie notamment sur la fragmentation géographique du territoire urartéen, autour des vallées alluviales les plus importantes (correspondant aux endroits où l’on a retrouvé les principales forteresses) qui formeraient une sorte d’« archipel » une fois jointes les unes aux autres.
Le territoire urartéen est avant tout connu par deux régions : celle du lac de Van, cœur historique du royaume (sites de Van Kalesi, Toprakkale, Çavuştepe, Ayanis, « canal de Menua », « lac Rusa ») ; et celle bien plus au nord, autour de la vallée de l’Araxe, entre l’Ararat et le lac Sevan en Arménie actuelle (Arin Berd, Karmir Blur, Horom, Armavir). Ailleurs, on connaît quelques forteresses isolées (surtout Altintepe à l’ouest, et Bastam à l’est, au nord du lac d’Orumieh).
Les forteresses urartéennes
L'architecture urartéenne a connu un développement très important. Dans ce domaine, l'influence de la tradition hittite/anatolienne semble avoir été aussi importante que celle venue de Mésopotamie du nord. Certains palais de cette région reprennent ainsi le modèle des mégarons anatoliens. L'architecture des édifices urartéens est avant tout adaptée à la configuration du pays, très montagneux. On a retrouvé plusieurs édifices de ce type répartis sur tout le territoire dominé par l'Urartu : Tushpa, la citadelle de Van Kalesi, est représentative du plus ancien stade des forteresses urartéennes, puisqu'elle a été érigée par Sarduri Ier, mais rénovée par la suite ; un second élan est représenté par Erebuni (Arin Berd), Argishtihinili (Armavir) et Sardurihinili (Cavustepe) ; Altintepe (nom antique inconnu) ; puis enfin Teishebani (Kamir Blur), Rusahinili (Toprakkale), Rusahinili Eidurukai (Ayanis), Rusai-urutur (Bastam), les plus vastes, qui procèdent d'une réorganisation du contrôle du territoire sous Rusa II.
Pour disposer de plus d’espace sur les surfaces souvent exiguës des hauteurs qui étaient aménagées, les Urartéens étaient passés maîtres dans l’art de creuser des pièces dans la roche même, pour des usages variés (on a ainsi retrouvé une étable creusée dans la roche à Tushpa). Les bastions sont ceints d'une muraille cyclopéenne constituée avec des blocs de pierre de plus de 20 tonnes. Certaines salles de la zone résidentielle de la citadelle d'Altintepe ont un système d'évacuation des eaux, témoignant de la maîtrise dont font preuve les bâtisseurs urartéens. On trouve aussi dans ces citadelles des temples importants, comme les sanctuaires de Haldi retrouvés à Altintepe, à Erebuni. Mais elles ont aussi un rôle économique, car elles contiennent d'importantes zones de stockage, où sont emmagasinés les produits des impôts. Elles renferment aussi des ateliers, ou on travaille notamment les métaux, ainsi que des pièces où on transforme les produits agricoles (pour faire de l'huile et du vin). Elles ont donc un rôle certain dans les échanges, et on comprend mieux l'intérêt que les souverains urartéens ont à bâtir autant de forteresses de ce type dans leur royaume, dont elles sont une composante majeure, assurant son équilibre politique et économique, grâce à une gestion stricte. Le pillage du sanctuaire de Musasir par Sargon II témoigne de la richesse des forteresses urartéennes : le palais a livré un équivalent de plus d'une tonne d'or et de 5 tonnes d'argent en objets précieux, et le temple de Haldi a livré une quantité impressionnante d'armes (plus de 300 000 pièces selon le texte).
L'architecture urartéenne a exercé une forte influence sur les peuples voisins, Mannéens (Hasanlu), Mèdes (Godin Tepe, Nush-i Jân) et Perses (Pasargades), qui reprennent une partie de cet héritage pour développer leur art.
Aménagements hydrauliques
Parce que les eaux du lac de Van sont impropres à la consommation, et que les cours d’eau naturels sont insuffisants, il a fallu aménager un réseau d’irrigation pour permettre le développement d’une grande capitale autour de Tushpa et Toprakkale. Menua a donc fait construire un grand canal de 56 km allant chercher l’eau à une source située au sud de Tushpa, ayant nécessité la construction d’un aqueduc, et en certains endroits le creusement de murs de rétention de plus de 20 m de hauteur. Plusieurs inscriptions commémorent cette grande construction, tout le long de son parcours. Ce « canal de Menua » est resté en activité jusque dans les années 1950, quand son entretien est devenu trop compliqué et qu’on a mis en œuvre un nouveau canal. Un autre grand aménagement hydraulique a été mis en œuvre sous un des deux rois nommés Rusa, lors de la construction de Toprakkale, ayant abouti à la construction d’un lac artificiel (« lac de Rusa », l’actuel Kesis Gölü), servant à alimenter la ville nouvelle et les jardins de la campagne environnante. Les eaux du lac artificiel étaient retenues par deux barrages, système qui a tenu jusqu’en 1891, quand un des deux lâcha et dut être reconstruit ensuite. La longévité de ces deux ouvrages hydrauliques est exceptionnelle. La plaine de Van comptait à l’époque de l’Urartu d’autres aménagements divers de même type (barrages, réservoirs, canaux), de taille plus réduite. On sait également par des inscriptions que des aménagements de même types ont été réalisés dans la vallée de l’Araxe. La monarchie urartéenne a donc tout au long de son histoire fait en sorte d’approvisionner ses sujets et de permettre le développement d’une agriculture productive. Les réalisations de canaux vont en effet souvent de pair avec la création de zones d’agriculture intensive (champs de céréales – orge et blé –, jardins, vignobles).
Art
Sculpture
La sculpture urartéenne est avant tout connue par des réalisations en bas-relief[5]. On a retrouvé quelques cas de pierres sculptées isolées. De nombreuses stèles inscrites sont connues, provenant de divers sites, commémorant les hauts faits d’un roi, ou rendant grâce à une divinité. Le site d’Adilcevaz, datant du début du VIIe siècle av. J.-C., a livré des blocs sculptés et des orthostats. Leur contexte semble plutôt être religieux. Un bloc cubique représente ainsi une scène d’aspersion d’un arbre sacré, encadrée de motifs architecturaux. Le seul relief rupestre connu se trouve à Eski Dogubayazit, près du mont Ararat, sur la façade d’un tombeau.
Les sculpteurs urartéens se sont également illustrés sur le travail de l’ivoire, très finement réalisées. À Altintepe, on a ainsi retrouvé des éléments de meuble, représentant des lions, cerfs, griffons, ou encore des visages humains. Une statuette de déesse nue a été exhumée à Toprakkale. Souvent les pièces en ivoire ne sont à l’origine que des parties d’une œuvre plus importante, dans laquelle elles étaient incrustées, mais qui ne nous est pas parvenue.
Métallurgie
L’art urartéen est avant tout connu pour les nombreuses œuvres en bronze réalisées par les artisans de ce royaume, qui sont d’une grande variété. Le fait que beaucoup de ces objets soient issus de fouilles clandestines nous empêche souvent de mieux connaître la date et le contexte de leur élaboration.
La statuaire est représentée par des pièces de taille modeste, les plus grandes n’ayant pas survécu à l’épreuve du temps, probablement pillées et refondues. On a retrouvé sur différents sites des statuettes d’animaux fantastiques, d’hybrides. D’autres nous montrent des divinités ; une statuette provenant de Teishebani représente sans doute la divinité de la cité, le dieu de l’Orage Teisheba. Ces statuettes étaient par le passé incrustées de pierre blanche, voire de dorures, qui ont généralement été enlevées par des pilleurs.
L’armement est bien connu par les trouvailles effectuées sur les sites urartéens. Il s’agit généralement d’objets de qualité, très décorés, destinés à la parade, et portant des inscriptions (puisqu’il s’agit souvent d’objets ayant appartenu à un roi) qui permettent de resituer leur contexte. Les boucliers sont ronds, décorés d’une rosette centrale entourée de trois cercles concentriques, à motifs souvent animaliers. Les casques ont la forme d’un cône, se terminant par une pointe ; certains ont un décor gravé assez riche, comme le casque de Sarduri II, représentant des chars et des cavaliers, ainsi qu’une scène de culte. Les ceintures de bronze sont également bien décorées, représentant des scènes de combat, ou bien des animaux fantastiques. De nombreux éléments de harnachement de chevaux ont également été retrouvés.
L’une des pièces les plus célèbres de l’art urartéen est un chaudron en bronze retrouvé à Altintepe, datant de la fin du VIIIe ou du début du VIIe siècle av. J.-C.. Il dispose de quatre poignées, chacune ornée d’une tête de sirène. D’autres chaudrons avec des attaches similaires (dites en protomé, souvent en forme de têtes de taureaux), ou bien des attaches seules, ont été identifiés ailleurs, en Phrygie, et jusqu’en Grèce et en Étrurie ; la question de savoir si tous ces objets sont bien attribuables aux Urartéens, qui auraient dans ce cas été à l’origine d’exportations d’œuvres d’art vers l’ouest, reste débattue. Divers autres objets en bronze ont été conçus par les artisans urartéens : des coupes, clochettes, éléments de mobilier, candélabres, etc. Un type spécifique est celui des plaques votives en bronze retrouvées à Giyimli au sud-est de Van, représentant des scènes de culte dans un style assez fruste.
Les Urartéens ont également pratiqué la métallurgie de l’argent et de l’or. Seuls des petits objets ont été retrouvés : des situles en argent, des médaillons, et diverses pièces de bijouterie.
Peinture
Des fragments de peintures murales ont été retrouvés sur les sites d’Arin Berd, Altintepe et Karmir Blur. Les décors représentent souvent des animaux, des hybrides, mais aussi des arbres sacrés, ou des motifs géométriques et floraux encadrant les scènes. Les couleurs dominantes sont le rouge, le bleu, le noir et le blanc.
Religion
Les dieux de l'Urartu
Le grand dieu de l'Urartu est Haldi, qui est à l'origine une divinité obscure originaire du pays de Musasir. Lorsque Ishpuhini s'empare de cette cité, il élève Haldi au rang de divinité tutélaire du royaume, à l'imitation de ce qu'est Assur en Assyrie. Le choix de cette divinité comme maître de l'Urartu peut paraître comme la volonté de ce peuple de se donner une divinité principale qui lui soit propre. Haldi est représenté comme un homme debout sur un lion. Son temple principal est situé dans la ville de Musasir. Sa parèdre est Bagbartu. Il est le dieu le plus révéré en Urartu, celui à qui s'adressent en priorité les souverains du royaume. Il est le dieu national du pays, qui guide les armées vers la victoire. Son animal-attribut est le lion.
Le couple Haldi/Bagbartu est propre au panthéon urartéen. Les autres divinités sont quant à elles communes avec le panthéon hourrite. On trouve ainsi en haut du panthéon le dieu Teisheba, équivalant du hourrite Teshub, dieu de l'orage, se tenant sur un taureau (il est proche du dieu syro-mésopotamien Addu/Adad), célébré dans la cité de Teishebani. Sa parèdre est Huba, l'équivalente de la déesse hourrite Hebat. Ensuite vient la déesse-soleil Shiwini, à rapprocher du hourrite Shimigi, et identifiable au mésopotamien Shamash, dont elle a le même attribut, le disque solaire ailé On trouve aussi d'autres divinités mineures.
Les lieux de culte
Les temples urartéens ont une forme particulière. Il s'agit de tours (c'est le sens du mot susi, désignant ces temples), aux murs très épais, constituées d'une seule cella de plan quadrangulaire. On n’a retrouvé que leur base, réalisée en pierre dure, les murs supérieurs bâtis en brique crue ayant généralement disparu.
Le temple le plus représentatif est celui du dieu Haldi à Altintepe. Il est situé au centre d'une cour carrée de 27 mètres de côté entourée par des galeries de colonnes en bois. Sa cella, ceinte par un mur de pierre épais, a une longueur approchant les 14 mètres. À l'intérieur ont été retrouvées de nombreuses armes offertes à Haldi : fers de lance, sceptres, masses d'armes, casques, boucliers. Elles étaient probablement accrochés au mur, comme on le voit dans la représentation du temple de Musasir que donne un bas-relief assyrien commémorant le pillage de celui-ci. Un autre temple dont les fondations sont bien conservées a été fouillé à Cavustepe.
Les dieux sont aussi vénérés dans des sanctuaires en plein air, dans des niches taillées dans la roche. C'est d'ailleurs à l'une d'elles, retrouvée dans le sanctuaire rupestre de Meher-Kapesi. Datant de la fin du IXe siècle av. J.-C., il est constitué de deux niches taillées dans la roche, une première plus vaste, surplombant la seconde, qui donne sur une plate-forme artificielle. C’est à ce site que l'on doit de nombreux renseignements sur le panthéon urartéen, puisqu'on y a retrouvé une liste de divinités vénérées dans ce pays ainsi que des sacrifices qu'on leur consacrait gravée sur le rocher dans la grande niche. Un sanctuaire de même type a été retrouvé à Ashrut Darga, à l’est de Van.
Langue et écriture
L'urartéen est une langue appartenant au même rameau linguistique que le hourrite. Il s'agit d'une langue agglutinante, peut-être apparentée à d'autres langues parlées à l'origine dans la Transcaucasie orientale. La langue urartéenne a pu être traduite par l'Allemand Johannes Friedrich dans les années 1930 grâce à des inscriptions bilingues urartéen-assyrien. Cependant, les textes écrits dans cette langue qui nous sont connus n'emploient pas suffisamment de termes ni de formes grammaticales pour qu'on puisse avoir une bonne connaissance de cette langue dans son ensemble. Il n'y a par exemple qu'un terme féminin attesté avec certitude dans tout le corpus en urartéen.
Pour transcrire leur langue, les Urartéens utilisent l'écriture cunéiforme, en s'inspirant de sa forme néo-assyrienne. Les premiers et la plupart des textes rédigés en cunéiforme qui sont connus sont des inscriptions royales. Si Sarduri Ier écrit en assyrien, à partir de son successeur Ishpuhini les inscriptions sont rédigées en urartéen. Quelques tablettes administratives ont été exhumées dans les forteresses construites par Rusa II au VIIe siècle, ainsi que de nombreuses bulles d'argile portant quelques inscriptions ou des marques de sceaux. Les scribes urartéens n'utilisèrent jamais beaucoup de signes, leur corpus dépassant à peine la centaine, surtout avec des valeurs phonétiques. Ils ont aussi utilisé une écriture hiéroglyphique inspirée de celle des Louvites, connue par peu d'inscriptions, et qui n'a pas pu être déchiffrée.
Liste des rois d'Urartu
- Arame (v.855-840).
- Sarduri Ier (840-830).
- Ishpuhini (830-810).
- Corégence d'Ishpuhini et de Menua (820-810).
- Menua (810-786).
- Argishti Ier (786-764).
- Sarduri II (764-735).
- Rusa Ier (735-714).
- Argishti II (714-685).
- Rusa II (685-645).
- Sarduri III (645-635) (dernier roi urartéen mentionné par les Annales royales assyriennes).
- Sarduri IV (635-625).
- Erimena (625-605).
- Rusa III (605-590).
- Rusa IV (590-585).
Sites archéologiques
- Tushpa (Van Kalesi)
- Erebouni (Arin Berd)
- Teishebani (Karmir Blur)
- Toprakkale
- Altintepe
- Bastam
- Ayanis
Notes et références
- ↑ Gérard Dédéyan (dir.), Histoire du peuple arménien, Privat, Toulouse, 2007 (ISBN 978-2-7089-6874-5), p. 86.
- ↑ Gérard Dédéyan (dir.), op. cit., p. 83.
- ↑ Gérard Dédéyan (dir.), op. cit., p. 73.
- ↑ Gérard Dédéyan (dir.), op. cit., p. 72.
- ↑ Un aperçu de l'art urartéen dans M. Salvini, « L'Urartu », dans B. Holtzmann (dir.), L'Art de l'Antiquité, 2. l'Égypte et le Proche-Orient, Paris, 1997, p. 320-351
Voir aussi
Bibliographie
- (de) V. Haas (dir.), Das Reich Urartu, Ein altorientalischer Staat im 1. Jahrtausend v. Chr., Constance, 1986 ;
- M. Salvini,
- « L'Urartu », in B. Holtzmann (dir.), L'Art de l'Antiquité, 2. l'Égypte et le Proche-Orient, Gallimard, R.M.N, 1997, p. 320-351 ;
- (de) Geschichte und Kultur der Urartäe, Darmstadt, 1995 ;
- P. E. Zimanski,
- (en) Ecology and Empire: The Structure of the Urartian State, Chicago, 1985 ;
- (en) « The Kingdom of Urartu in Eastern Anatolia », dans J. M. Sasson (dir.), Civilizations of the Ancient Near East, New York, 1995, p. 1135-1146 ;
- (en) Ancient Ararat: A Handbook of Urartian Studies, New York, 1998 ;
- (de) B. Wartke, Urartu: Das Reich am Ararat, Mainz, 1994 ;
- (en) A. Kalantar, Materials on Armenian and Urartian History (with a contribution by Mirjo Salvini), Civilisations du Proche-Orient, Neuchâtel, Paris, 2004 (ISBN 2-940032-14-9).
Lien externe
- Dominique Charpin, « L'Ourartou et les Ourartéens » sur Clio.fr, avril 2001. Consulté le 25 mai 2009.
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