T̩arafa ibn al-ʿAbd

T̩arafa ibn al-ʿAbd

T̩arafa (arabe : طرفة) est le nom donné à un poète antéislamique, auteur d’une Muʿallaqa. Son vrai nom est ʿAmr b. al-ʿAbd b. Sufyān b. Saʿd b. Mālik al-Bakrī al-Wā’ilī (arabe : عمرو بن العبد بن سفيان بن سعد أبو عمرو البكري الوائلي). Sa tribu, Qubay’a appartient aux Qays b. T̠aʿlaba qui sont eux-mêmes une subdivision des Bakr b. Wā’il. Il est issu d’une famille où la poésie tient un grand rôle, puisque sa sœur, Ḫirnīq, est connue pour avoir dit des vers et qu’il est apparenté aux poètes al-Muraqqiš l’Ancien, al-Muraqqiš le Jeune et al-Mutalammis.

Il serait né au Bahreïn et aurait vécu entre 543-569 environ d'après certaines sources, mais l'historicité de ce poète, comme celle de tous les poètes de l'antéislam, est sujette à caution. Comme le note J.E. Montgomery dans la deuxième édition de l'Encyclopédie de l'Islam, en évoquant les éléments biographiques qui nous sont parvenus sur le compte du poète: "On peut affirmer sans crainte de se tromper qu'aucun crédit historique ne doit être accordé à ces incidents, car ce sont tous des reconstructions basées sur - et parfois contenant des éléments tiré du - dīwān du poète."

Sommaire

Eléments de légende

Son père meurt alors qu'il est jeune ; il est alors élevé par ses oncles paternels, qui le négligent et le lèsent de ses droits. Il aime les plaisirs de la vie, et les scandales en résultant le forcent à quitter sa tribu. Il parcourt alors la péninsule et serait allé jusqu'en Abyssinie.

Il parvient à revenir chez les siens, provoque d'autres incidents, repart.

D’après Ibn Qutayba dans son livre la Poésie et les poètes[1], il serait mort à l’âge de 20 ans, après avoir offensé ʿAmr b. Hind, le roi d’al-H̩īra, par un vers désobligeant et, ajoute l’une des versions rapportées par Ibn Qutayba, parce qu’il aurait prononcé des vers galants à l’endroit de la sœur du roi. Ce dernier aurait donc remis deux lettres cachetées à T̩arafa et à son oncle al-Mutalammis et les aurait envoyés auprès de son représentant au Bahreïn afin qu’il leur remît une récompense. En chemin, pris de doute, al-Mutalammis prend connaissance de la lettre que lui a fait remettre le roi et découvre qu’elle contient l’ordre de le tuer. Il exhorte T̩arafa a ouvrir sa lettre, mais ce dernier s’y refuse. Arrivé auprès de représentant de ʿAmr, T̩arafa lui remet la missive. On lui offre alors du vin avant de lui trancher une artère du bras.

Sa mu'allaqât a été la première édité et traduite en latin, à Leyde, en 1742.

Extraits

Les différents extraits ci-dessous sont repris de l'ode incluse dans la Mu'allaqât, traduite par Jacques Berque.

La fin du poème est tragique, certains la trouvant prémonitoire par rapport à la fin du jeune homme :


Les jours te découvriront ce que tu ignores
ils t'apporteront des nouvelles dont tu n'étais pas pourvu
et te les apportera plus sûrement encore
celui auquel tu n'as
ni fourni manteau de voyage
ni fixé rendez-vous.


D'autres passages du poème montrent le même aspect personnel, et émouvant ; ici, par exemple, peu avant la fin de l'ode :


Non par ta vie, nul dessein qui
me reste clair-obscur
C'est le grand jour, non la nuit
qui pour moi perdure.


Et là, c'est une réflexion sur la vie et la mort que nous propose le poète :


Mais le généreux s'abreuve de lui-même en sa vie
que nous mourions demain, sais-tu qui de nous deux
sera mort sur sa soif ?
Ne vois-je pas que la tombe du cupide
avare de son argent ne diffère
en rien de celle du fol, prodigue de son oisiveté:
rien que deux tas de terre surmontés de sourdes
dalles taillées dans la roche ?
Ne vois-je pas que la mort prélève le généreux
aussi bien qu'elle s'arroge le plus précieux
des biens du scélérat qui se cramponne ?
Ne vois-je pas dans la vie un trésor que diminue chaque nuit?


Ici, une partie décrit sa vie de plaisir, l'opprobre familiale, et peut-être, montre comment il prévoit de finir :


Ah toujours boire des vins
servir ma volupté, vendre, dissiper et l'acquêt
et l'héritage,
jusqu'au jour ou ma famille unanime me frappera d'interdit
m'isolera comme on isole un chameau goudronné
pourvu que m'en aient doléance
ni les fils de la poussière ni les hôtes
de ce vaste pavillon de cuir
et si jamais, toi qui me censures, je me décrobais
au cris de la guerre
ne goûtais plus aux voluptés
pourras-tu m'en assurer l'éternité
Or donc, si tu ne peux ajourner ma destruction
laisse que je la provoque moi-même de ma légitime


Enfin, pour montrer la variété des thèmes abordés, voici un extrait décrivant une belle nuit avec une danseuse :


Mes commensaux brillent comme des étoiles
une chanteuse nous donne sa nuit
sa robe rayée colle à sa chair
généreuse d'elle-même au bas des échancrures
indulgente à laisser entrevoir sa tendre nudité
si nous lui disons « - Fais-nous entendre... »
elle nous offre
sa coulante et douce fêlure
un va-et-vient de la voix
une plainte alternée de gazelles mères
sur un petit mort.

Bibliographie

  • J.-E. Montgomery, T̩arafa in Encyclopaedia of Islam CD-Rom Edition, 2004, Brill, Leyde
  • ʿAbd Allāh b. Muslim b. Qutayba, al-Šiʿr wa-l-šuʿarā’, édition en ligne alwaraq.net (inscription obligatoire gratuite)
  • Les dix grandes odes arabes de l'Anté-Islam, Les Mu'allaquât traduites et présentées par Jacques Berque, La bibliothèque arabe, Éditions Sindbad (1979)
  • Les Mu'allaqât, Les Sept poèmes préislamiques, préfacés par André Miquel, traduits et commentés par Pierre Larcher, Éditions Les immémoriaux / Fata Morgana (2000).
  • Les Mou'allaqât, Poésie arabe pré-islamique, présentation et traduction Jean-Jacques Schmidt, Éditions Seghers.

Voir aussi

  1. * ʿAbd Allāh b. Muslim b. Qutayba, al-Šiʿr wa-l-šuʿarā’, édition en ligne alwaraq.net, p. 33

Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article T̩arafa ibn al-ʿAbd de Wikipédia en français (auteurs)

Игры ⚽ Поможем написать реферат

Regardez d'autres dictionnaires:

  • Ibn-Khaldoun —  Cet article concerne Abderrahman ben Khaldoun, dit « ibn Khaldoun ». Pour son frère Yahya, voir Yahya ben Khaldoun. Ibn Khaldoun …   Wikipédia en Français

  • Ibn Khaldoun Abdel Rahman — Ibn Khaldoun  Cet article concerne Abderrahman ben Khaldoun, dit « ibn Khaldoun ». Pour son frère Yahya, voir Yahya ben Khaldoun. Ibn Khaldoun …   Wikipédia en Français

  • Ibn Khaldun — Ibn Khaldoun  Cet article concerne Abderrahman ben Khaldoun, dit « ibn Khaldoun ». Pour son frère Yahya, voir Yahya ben Khaldoun. Ibn Khaldoun …   Wikipédia en Français

  • Ibn Khaldûn — Ibn Khaldoun  Cet article concerne Abderrahman ben Khaldoun, dit « ibn Khaldoun ». Pour son frère Yahya, voir Yahya ben Khaldoun. Ibn Khaldoun …   Wikipédia en Français

  • Abd al-Aziz (Marokko) — Abd al Aziz Abd al Aziz (arabisch ‏عبد العزيز بن الحسن‎, DMG ʿAbd al ʿAzīz b. al Ḥassan, auch Mulai Abd al Aziz; * 1880; † 1943) war Sultan der Alawiden in Marokko von 1894 bis 1908. Als Sohn des Alawidensul …   Deutsch Wikipedia

  • Ibn Khaldoun — Cet article concerne Abderrahman bin Khaldoun, dit « Ibn Khaldoun ». Pour son frère Yahya, voir Yahya Ibn Khaldoun. Ibn Khaldoun …   Wikipédia en Français

  • Saud ibn Abd al-Asis — Saud ibn Abd al Aziz (arabisch ‏سعود بن عبد العزيز آل سعود‎, DMG Saʿūd ibn ʿAbd al ʿAzīz Āl Saʿūd; * 15. Januar 1902; † 23. Februar 1969 in Athen) war König von Saudi Arabien von 1953–1964. Leben Saud wurde am 15. Januar 1902 als zweitältester… …   Deutsch Wikipedia

  • Abdel Rahman Ibn Khaldoun — Ibn Khaldoun  Cet article concerne Abderrahman ben Khaldoun, dit « ibn Khaldoun ». Pour son frère Yahya, voir Yahya ben Khaldoun. Ibn Khaldoun …   Wikipédia en Français

  • Abderrahman Ibn Khaldoun — Ibn Khaldoun  Cet article concerne Abderrahman ben Khaldoun, dit « ibn Khaldoun ». Pour son frère Yahya, voir Yahya ben Khaldoun. Ibn Khaldoun …   Wikipédia en Français

  • Muhammad VI. ibn Arafa (Marokko) — Mohammed Ibn Arafa (* 1889 in Fès; † 17. Juli 1976 in Nizza) war von 1953 bis 1955 Sultan von Marokko. Er wurde von der französischen Regierung als Herrscher über Marokko eingesetzt, nachdem sein Cousin, der amtierende Sultan von Marokko,… …   Deutsch Wikipedia

Share the article and excerpts

Direct link
Do a right-click on the link above
and select “Copy Link”