- Théorie du genre
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- Robert Stoller, Sex and Gender: On the Development of Masculinity and Femininity, Science House, New York , 1968.
- Ann Oakley, Sex, Gender and Society, Temple Smith, London, 1972, p. 16. Elle explique que le sexe renvoie aux différences biologiques entre mâle et femelle, Gender, quant à lui, relève de la culture, il renvoie à la classification en masculin et féminin.
- Françoise Héritier, Homme, femmes : la construction de la différence, Le Pommier/EPPDCSI, Paris, 2010, p.13
- Elsa Dorlin, Sexe, genre et sexualités, PUF, 2008
- Judith Butler, Gender Trouble. Feminism and the Subversion of Identity, Routledge, New York–London, 1990 ; (Trouble dans le genre. Pour un féminisme de la subversion, préface d'Eric Fassin, traduction de Cynthia Kraus, La Découverte, Paris, 2005).
- Eric Fassin ; Elsa Dorlin
- Rose-Marie Lagrave, Recherche féministe ou recherche sur les femmes ?, Actes de la recherche en Sciences Sociales, n° 83, juin 1990, pp. 27-39
- Laure Bereni, Sebastien Chauvin, Alexandre Jaunait, Anne Revillard, Introduction aux Gender Studies. Manuel des études sur le genre, de boeck, Bruxelles, 2008
- On désigne ici par essentialistes, terme péjoratif, les pensées posant une essence qui semblent figer les identités de genre, notamment à partir des caractéristiques biologiques
- Ceci explique que les études de genre soient en relation avec les études sur le racisme, le colonialisme, l’antisémitisme, le sexisme, les discriminations au travail, etc. Cf. Elsa Dorlin, op. cit
- Irène Théry, La Distinction de sexe, Une nouvelle approche de l’égalité, Odile Jacob, Paris, 2007 ; Françoise Héritier, Homme, femmes : la construction de la différence, Le Pommier/EPPDCSI, Paris, 2010, p.13
- Sur ces analyses psychologiques et philosophiques du masculin et du féminin: Tony Anatrella, Le règne de Narcisse. Les enjeux du déni de la différence sexuelle, Presses de la Renaissance, Paris, 2005 ; Michel Boyancé, Masculin, féminin, quel avenir ?, Edifa-Mame, Paris, 2007 ; Thibaut Collin, Le mariage gay. Les enjeux d’une revendication, Eyrolles, Paris, 2005 ; Jean-Claude Guillebaud, La vie vivante. Contre les nouveaux pudibonds, Les Arênes, Paris, 2011 ; X. Lacroix (dir.), Homme et femme. L’insaisissable différence, Cerf, Paris, 1993 ; F. de Muizon, Homme et femme. L’altérité fondatrice, Cerf, Paris, 2008
- [1] Lettre du 30 aout 2011 et liste des signataires
La théorie du genre (en anglais, queer theory) est une théorie sociologique. Elle critique principalement l'idée que le genre sexuel et l'orientation sexuelle seraient déterminée génétiquement en arguant que la sexualité mais aussi le genre social (masculin ou féminin) d'un individu n'est pas déterminé exclusivement par son sexe biologique (mâle ou femelle) mais également par tout un environnement socio-culturel et une histoire de vie.
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Théorie ou concept de genre
Il est nécessaire de distinguer dans ce que l’on nomme la « théorie du genre », qu’il convient d’appeler plus justement « concept de genre », deux aspects à ne pas confondre.
Concept en sciences sociales
En premier lieu, le concept de genre est scientifique dans la mesure où il appartient aux sciences sociales (et non aux sciences biologiques). Il désigne le domaine des études de genre (gender studies). Mise en place du concept, quelques dates principales. - 1968. Robert Stoller, psychanalyste américain [1]. Exceptés des anomalies biologiques, il y a deux sexes biologiques, mâle et femelle à partir des conditions suivantes : chromosomiques, organiques (organes génitaux extérieurs et intérieurs : utérus, prostate, etc), gonadiques, hormonales principalement. Gender renvoie à des conditions psychologiques et culturelles. Les mots qui correspondent à ce concept sont masculin et féminin : c’est la somme de masculinité ou de féminité trouvé dans une personne, c’est la manière dont on se pense et se voit psychologiquement homme ou femme. - 1972. Ann Oakley, sociologue anglaise [2] - A partir de ces constats psychologiques et sociologiques, le mot genre indique désormais que, s’il y a bien deux sexes biologiques, il existe une pluralité de sexes sociologiques, culturellement construits et variables dans le temps et l’espace. On constate que l’être humain a, de fait, la possibilité de construire son genre et ses identités sexuelles, soit individuellement (hétéro, homo, bi, trans, queer, inter, etc), soit collectivement. Les sociétés humaines présentent ainsi des modèles variés fondant les relations entre les hommes et les femmes ou se construisant en dehors de cette différence des sexes. Ces modèles influencent voire déterminent à leur tour des comportements stéréotypés, culturels. Les personnes se conforment à ce que la société attend d’elles : « Le genre, cette attente collective, préexiste au sexe et le façonne »[3] . La société produit par le fait même des identités de genre.
Concept philosophique
- En second lieu, à partir de ces constats objectifs, les philosophies du genre prennent le relai. Imbriquées dans les gender studies elles relèvent néanmoins d’un autre champ conceptuel. Deux grandes positions se sont faites jour au long des années.
Droit de construire librement
Certaines philosophies posent que l’être humain doit revendiquer le droit de construire librement (au sens absolu, sartrien, du terme) son identité, cela en raison, semble-t-il, des fondements mêmes de la démocratie moderne qui posent que l’individu est roi et souverain. Cette thèse philosophique, qui peut nourrir une théorie philosophique du genre, s’enracine dans la recherche de l’égalité et de la parité par la lutte contre toute forme d’exclusion et de discrimination, de la liberté des orientations sexuelles choisies et de la libération d’une hétérosexualité fabriquée par les hommes pour mieux exercer leur domination masculine. Tous ces concepts font partie des discours actuels sur le genre, mêlant sans les distinguer considérations en sciences sociales et raisonnements philosophiques[4]. - C’est ainsi que la philosophe américaine Judith Butler[5], suivie en cela par d’autres penseurs en France[6] développe l’idée que le genre est indépendant du sexe et que celui-ci ne détermine en rien l’identité de la personne : il n’y a pas de réalité objective au masculin et au féminin, les identités peuvent être multiples, nomades et plurielles, au gré des désirs et des circonstances. - La méthodologie dominante en sciences sociales des études de genre , du moins en France, s’appuie sur ce donné philosophique en raison de son histoire issue des feminist studies ou women’s studies : « Un colloque intitulé "femmes, féminisme, recherche" qui rassembla en 1982 à Toulouse 800 participantes, marqua le début de l’institutionnalisation de la recherche sur les femmes et le genre »[7] . - Cette méthodologie[8] repose sur quatre critères plus philosophiques que strictement scientifique et qui font dire que nous sommes devant une théorie : « faire éclater les visions essentialistes »[9] , « prôner une approche relationnelle des sexes », « appréhender les relations sociales entre les sexes comme un rapport de pouvoir », « ne pas analyser les rapports de genre indépendamment des autres rapports de pouvoirs »[10] .
Maintien d’un donné irréductible
A partir des mêmes faits (l’identité sociale est construite), d’autres analyses orientent la réflexion, non vers une indifférenciation des genres par rapport aux sexes mais au maintien d’un donné irréductible (telle la sociologue Irène Théry)[11], voire d’une différence naturelle, c’est à dire au maintien d’un fondement non culturel, biologique et anthropologique, dont on ne peut se passer, et qui, s’il ne norme pas nécessairement sur le plan moral, indique le sens du masculin et du féminin et restaure le lien entre le biologique, le psychologique, le social et le politique. Il est ainsi possible de donner un autre sens philosophique au mot genre qui pourrait orienter différemment la méthodologie en sciences sociales, voire la renouveler dans le sens de mettre en lumière, outre les conditions sociales de constructions du genre, les aspects naturels de la différence des sexes fondatrices de la vie sociale quelles que soient les orientations sexuelles privées admises maintenant dans les sociétés démocratiques. C’est ainsi, par exemple, que penser tous les rapports sociaux en terme de rapports de pouvoirs risque de dénaturer le fondement des relations entre individus qui sont appelés à développer d’autres formes de rapports tout en respectant les identités inscrites dans le corps[12].
Polémique
En aout 2011 Richard Mallié et 80 députés ont envoyé un courrier à Luc Chatel afin qu'il retire les manuels scolaires de Sciences et Vie de la Terre de classe de 1ère qui présentent la « théorie du genre sexuel ». Les signataires de ce courrier reprochent à la théorie du genre de définir les personnes non plus comme hommes et femmes mais comme pratiquants de certaines formes de sexualités (homosexuels, hétérosexuels, bisexuels, transsexuels)[13].