- Thought-terminating cliché
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Le thought-terminating cliché (de l'anglais signifiant littéralement « poncif bloquant la réflexion ») est une notion qu'a proposée le psychiatre Robert Jay Lifton en 1961 dans son ouvrage consacré à la manipulation mentale, Thought Reform and the Psychology of Totalism: A Study of "Brainwashing" in China.
Il s'agit de phrases, d'aphorismes ou de notions aptes à empêcher une réflexion d'aboutir. C'est un procédé rhétorique de manipulation utilisé régulièrement pour souder une société, une communauté religieuse, etc.
Exemples
- La « pensée unique » : cette formule, bien que particulièrement vague, stigmatise le conformisme et chacun tente d'échapper à l'accusation de participer à la « pensée unique », au prix d'une ironique absence de réflexion personnelle. Par exemple, une personne jeune évoquant son opinion politique pourra être directement considérée comme "complétement endoctrinée".
- La référence au nazisme est fréquemment utilisée pour forcer un interlocuteur à déclarer forfait dans une discussion (ex. : « Les nazis voulaient que l'État s'engage à procurer à tous les citoyens des moyens d'existence »). Voir aussi : loi de Godwin.
- Réciproquement, la loi de Godwin peut faire l'objet d'usages abusifs pour s'interdire toute comparaison avec le nazisme.
- La stigmatisation éthico-esthétique : plus généralement, un procédé classique consiste à court-circuiter la discussion en introduisant une objection moralisatrice ou esthétisante prétendue dirimante par consensus, alors que le débat se situait sur un plan spéculatif : l'objection est thought-terminating puisqu'il ne s'agit plus alors de déterminer la vérité ou la fausseté intrinsèque d'une position, mais son caractère moral (bien/mal) ou esthétique (beau/laid). Les objecteurs prêtent dans ce cas le flanc à un reproche classique en logique, celui de la confusion des genres (confusion des prédicats vrai/faux, bien/mal, laid/beau...) ; pour exemple, la qualification d'une idée ou d'une déclaration par le terme « nauséabond » ou « répugnant » permet de la discréditer sans prendre la peine d'en contester le bien fondé par une argumentation structurée.
- Le procès d'intention : le sens de la position adverse est mis hors-jeu, la pensée de l'interlocuteur n'intéresse pas dans son expression objective, le débat est recentré sur l'intention qui sous-tend la matérialité de l'expression. Comme aucun élément concret ne permet de trancher dans un sens ou dans l'autre (puisque la matérialité de l'expression justement est ailleurs), le débat est court-circuité de facto (la référence au populisme relève pour exemple de ce mécanisme).
- La référence au « fake » en argumentant que le récit ou l'exemple donné par un interlocuteur (ou un membre du forum) est mensonger, sans toutefois pouvoir le démontrer, est une tentative de vider le message de son contenu et de discréditer son auteur.
- Certains groupes entraînent leurs membres à répéter une phrase quand ils ont une pensée qui s'éloigne de la doctrine du groupe. Par exemple un membre du groupe qui se met a questionner (même intérieurement) les enseignements du groupe devra se mettre à répéter : « Le boss a toujours raison ! » encore et encore. Cela focalise l'attention du sujet sur autre chose que le questionnement et l'empêche de mener son questionnement à terme.
- La phrase « Ta gueule, c'est magique ! », aussi connue sous le nom de « TGCM », est célèbre pour être souvent employée dans le milieu des jeux de rôles de thème heroic fantasy lorsqu'une personne fait remarquer une faille scénaristique ou un élément incroyable. Il ne s'agit pas d'un véritable "poncif bloquant la réflexion" car l'humour de la formule est assumé et son effet implique une connivence entre les participants au jeu.
- La phrase « Le risque zéro n'existe pas » qui permet de court-circuiter les objections face à un risque, mais qui — en l'absence de données chiffrées permettant d'évaluer ce risque — ne permet pas d'évaluer/quantifier celui-ci.
- La réference à la situation des pays du Tiers-Monde pour justifier l'absence de réflexion sur les failles du système occidental.
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