Thomas Münzer

Thomas Münzer
Gravure de C. Van Sichem (XVIIIe siècle).

Thomas Münzer (souvent orthographié en français : Müntzer ou Muntzer, ou encore Munzer, ou en latin : Muncerus), né en 1489 (ou 1490), décédé le 15 mai 1525, est un prêtre itinérant et un des chefs religieux de la guerre des paysans en Allemagne au XVIe siècle. C’est un dirigeant révolutionnaire et l’un des grands protagonistes de la Réforme.

Sommaire

Biographie

Thomas Müntzer (billet de 5 marks d’Allemagne de l’Est).

Il est issu d'une famille bourgeoise. Thomas Münzer est d’abord un fidèle de Luther auquel il se rallie à Leipzig en 1519 et qui le nomme pasteur à Zwickau en Saxe en 1520. Une fois installé dans sa charge, Münzer développe des idées personnelles sur la nécessité d’une révolution sociale. Très vite, il veut atteindre la masse des analphabètes.

En 1521, il est donc dissident à trois niveaux :

  • vis-à-vis des autorités civiles puisqu’il a été exclu trois fois des villes où il prêchait[réf. nécessaire]
  • vis-à-vis des autorités romaines car il se rallia en 1519 à Leipzig,
  • vis-à-vis de Luther car dès 1521, il se différencie en critiquant la trop grande conciliance de Luther avec les autorités civiles et surtout les princes. C’est le manifeste de Prague qui montre la rupture entre les deux hommes.

À partir de fin 1523, Münzer s’en prend dans ses écrits à Luther. Il profite de la révolte des paysans pour répandre ses idées. En effet, l'agitation paysanne étant à son paroxysme en Saxe, il essaie de lever les classes laborieuses contre les princes régnants et les ecclésiastiques. Il affirme que la trop forte quantité de travail nuit au salut des paysans car aliénés par l'obligation de cultiver, ils ne peuvent pas se consacrer à la Parole. Il participe à la rédaction des Douze Articles et prêche pour un rétablissement de l'Église apostolique par la violence s'il le faut pour pouvoir préparer le plus vite possible le règne du Christ.

Finalement, après avoir été chassé de Zwickau, puis de Wittenberg, en enfin d’Allstadt, Thomas Münzer et son groupe prennent le pouvoir en février 1525 à Mülhausen en Thuringe, où ils instaurent une sorte de théocratie populaire et d’où ils participent, eux aussi, à la guerre des paysans, instaurant une violence spécifique, une violence « habitée »[réf. souhaitée].

Le 15 mai 1525, a lieu le choc décisif à Frankenhausen. Ce jour là, le soleil est providentiellement entouré d’une couronne inhabituelle. À cheval, Münzer proclame aux soldats paysans que c’est un arc-en-ciel, signe de victoire. En fait, la bataille tourne au massacre, tuant environ 7 000 paysans. Peu après, Münzer est capturé et torturé; après avoir avoué ses intentions subversives, il se rétracte et est exécuté.

Idéologie

Münzer est un millénariste qui croit que mille ans après la résurrection du Christ, celui-ci reviendra sur terre pour procéder au jugement dernier. Il s'agit de préparer ce règne en appelant à la guerre sainte. Il se considère choisi par Dieu comme prophète et est probablement anabaptiste.

Dans des prêches et des écrits passionnés, il dénonce son ancien mentor, Luther, qu’il traite volontiers de menteur (« Lügner » en allemand), l'accusant de collusion avec les princes. Il rêve d’un avenir radieux où les opprimés prendraient la place de leurs oppresseurs. Engels, Marx, Kautsky voient en lui le premier communiste. C’est un révolutionnaire social à l’ombre de la croix.

L'idéologie de Münzer peut se résumer en trois mots :

  • Mystique. Il insiste sur la rudesse de la croix, sur la révélation personnelle, intérieure, donnée par l’Esprit saint, directement, sans recourir à l’interprétation officielle de la Bible.
  • Apocalyptique. Il affirme, s’inspirant de la prophétie de Daniel, que la Fin des Temps est proche et que les élus doivent se séparer du monde et constituer des communautés de saints, où tout serait partagé et où l’on entrerait par un baptême d’adulte.
  • Révolutionnaire. Müntzer reprend à son compte cette pensée religieuse eschatologique, qui inspire très vite ses conceptions sociales : la pauvreté excessive, comme la trop grande richesse, constituent un obstacle à l’Évangile. Surtout, à cause de l’exploitation des princes et des riches, le peuple est trop pauvre et trop malheureux pour prier et pour lire la Bible. Il développe l’idée fondamentale qu’aucune réforme religieuse n’est possible sans une réforme sociale.

Violence

À Mülhausen, Thomas Münzer et ses disciples instaurent une sorte de théocratie populaire et participent, eux aussi, à la guerre des paysans, instaurant une violence spécifique, une violence « habitée »[non neutre]. La violence millénariste a en effet pour caractéristique d'être une violence de la négation de toute limite, fondée sur la conviction que toutes les forces de ceux qui sont possédés divinement doivent être vouées à l'édification, hic et nunc, ici et maintenant, de la Jérusalem céleste.

Cette violence repose sur un clivage entre les saints et les impurs et le devoir des saints est d'anticiper par la violence sur la violence de Dieu qui est à venir et qui éradiquera les impurs. Le sacrifice de soi est alors accepté et assumé, puisqu'il devient la marque même de l'élection, la confirmation de l'acceptation de Dieu.

C'est-à-dire que le millénariste, même s'il se veut l'édificateur de la Jérusalem nouvelle d'où seront exclus tous les infidèles et impurs, occulte toute différence entre le temps humain et le temps divin, entre la vie et la mort ; la mort devient la vie pour lui. Dans son univers de représentations, la mort importe peu ; il n'y a plus de frontière entre la vie et la mort, puisque le temps qui est en instance de débuter verra vivre les élus sous le règne du Christ.

Dans une lettre adressée en 1525 aux disciples de la petite ville d’Allstadt, Thomas Müntzer convia ces derniers à souffrir pour l’amour de Dieu, sous peine d’être « des martyrs du diable » ; et surtout il les incita ne plus vivre que pour frapper les « gredins », à ne plus éprouver de pitié afin qu’enfin un peuple libre ait pour unique seigneur Dieu. Dans le massacre des impies, dans la certitude que la puissance de Dieu est en œuvre dans chacun, une fraternité d’élus eschatologiques trouvera son unité, au service de Christ : « qu’ils seraient tous frères et s’aimeraient comme des frères ».

Müntzer définit en somme une sainteté révolutionnaire et messianique qui veut et doit, dans l’engagement sacrificiel le plus violent, préparer un règne de réconciliation évangélique, une sainteté de possession par l’Esprit ; une sainteté héroïque et sacrificielle qui nie la séparation des sphères.

Annexes

Sources

  • Encyclopaedia Universalis, tome 19, Édition de 1968, réédition de 1972.
  • Marianne Schaub, «Thomas Müntzer : la nouvelle image de Dieu et le problème de la fin de l’histoire», in Châtelet, François, Histoire de la Philosophie III, Histoire du nouveau monde., Hachette 1972, Pluriel 1999.

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Notes et références


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