- Thomas Jefferson et l’esclavage
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- Cet article est une extension de l'article Thomas Jefferson.
Comme bien d'autres personnalités du XVIIIe siècle, Thomas Jefferson avait des idées paradoxales sur la question de l'esclavage. Ses opinions et ses décisions ont évolué en fonction des événements et de son parcours personnel.Jefferson utilisait l'euphémisme « l'institution particulière » pour désigner l'esclavage. Il aurait écrit que « Maintenir l'esclavage c'est comme tenir un loup par les oreilles : on n'aime pas cela, mais on ne peut pas le lâcher ».
Lorsqu'il est député à l'assemblée de Virginie, Jefferson propose une loi interdisant l'importation d'esclaves[1]. Les historiens ont montré que Thomas Jefferson était bien le principal rédacteur de la Déclaration d'Indépendance du 4 juillet 1776. Son texte initial évoquait le problème de la traite des Noirs et de l’esclavage. Sous la pression des représentants des régions du Sud, le texte fut amendé et la question de l’esclavage fut enlevée. Le texte affirme que les Hommes sont égaux : pourtant les esclaves n'ont pas les mêmes droits que les Blancs. En 1778, Jefferson fait voter la suppression de la traite en Virginie[2]. En 1782, Jefferson fait passer une loi facilitant l’affranchissement personnel des esclaves en Virginie[3]. Il milite au Congrès des États-Unis en faveur de la suppression de l'esclavage[4]. En 1782, il fait voter une loi par l'assemblée de Virginie qui permet d'affranchir les esclaves individuellement par testament[4].
Le thème de l’esclavage revient souvent dans son abondante correspondance : il en discute avec Condorcet par exemple. Dans une lettre de 1796 adressée au quaker Robert Pleasants, il suggère que le gouvernement de Virginie fonde un système d'éducation publique pour les esclaves[5]. Comme pour les Amérindiens, le père de la Déclaration d’Indépendance pense que les Noirs doivent s’assimiler à la nation américaine.
Dans ses Notes sur la Virginie, Jefferson dénonce les effets néfastes de l'esclavage[6] tout en justifiant sa nécessité par des arguments économiques et racistes. Comme les autres planteurs du Sud, Jefferson a besoin d’une main d’œuvre servile pour cultiver les champs de tabac. D’autre part, il ne peut se permettre d’affranchir ses esclaves car il est fortement endetté. Jefferson estime en outre que les différences entre les Blancs et Noirs sont telles que la coexistence entre les deux peuples lui semble impossible. Il affirme même que les Noirs sont inférieurs aux Blancs en faisant appel au déterminisme naturel. Il écrit par exemple :
« I advance it, as a suscipion only, that the blacks whether originally distinct race, or made distinct by time and circumstances, are inferior to the vites in the endowments both of body and mind[7] »
(Je suis donc amené à penser, mais ce n’est là qu’un sentiment, que les noirs, qu’ils forment une race distincte ou qu’ils aient subi une séparation due au temps et aux circonstances, sont inférieurs aux blancs quant au corps et à l’esprit.)
Jefferson a été choqué par la révolte des esclaves de Saint-Domingue en 1790-1791 : il suggère de transporter les Noirs libres au Sierra Leone, en Afrique[8]. À cette époque, il est convaincu que les Noirs ne peuvent s’assimiler et que la question de l’esclavage menace la fragile unité du nouveau pays.
Jefferson avait lui-même des esclaves, dont le nombre évolua : 200 en 1784, 150 en 1794[9]. En 1791, Benjamin Banneker, un mathématicien et inventeur noir affranchi, envoya à Jefferson un exemplaire de son Almanac, afin de le convaincre sur les capacités intellectuelles des Noirs[5].
De récentes études font penser que Jefferson eut une maîtresse noire, Sally Hemings, qu'il n'a jamais émancipée de son vivant[6]. Les analyses ADN, menées par le docteur Eugene Foster sur les descendants connus de Jefferson et de Sally Hemings, semblent prouver qu'Eston Hemings était bien le fils de l'ancien président et de son esclave noire[10]. On sait d'autre part que Jefferson affranchit sept esclaves qui étaient tous de la famille de Sally Hemings[11].
La question des esclaves noirs révèle les contradictions de la pensée jeffersonienne ainsi que la part d'ombre de sa vie privée.
Sommaire
Voir aussi
Notes
- Imago Mundi - Thomas Jefferson
- C. Fohlen, Thomas Jefferson, 1992, p.34
- J.-M. Lacroix, Histoire des États-Unis, 2006, p.92
- ISBN 2-86480-211-2), p.172 Bernard Vincent, La Révolution américaine 1775-1783, Nancy, Presses Universitaires de Nancy, 1985, tome 2, (
- Creating a Virginia Republic - Thomas Jefferson (Library of Congress Exhibition)
- ‘A Decent Respect to the Opinions of Mankind’
- Encyclopædia Britannica, 1994, p.324 Article « Jefferson » dans
- J.-M. Lacroix, Histoire des États-Unis, 2006, p.158
- Encyclopædia Britannica, 1994, p.326 ; site web de Monticello ; Claude Fohlen, Thomas Jefferson, page 90 Article « Jefferson » dans
- le site de PBS ((en) 1998) qui fait le point sur la descendance de Jefferson ; plusieurs articles de la revue britannique Nature reviennent sur les analyses génétique des descendants de Sally Hemings : n°396 (5 novembre 1998) et n°397 (7 janvier 1999) Sur cette question, voir aussi
- Biography of Thomas Jefferson, Author of the Declaration of Independence and third President of the United States
Bibliographie
- Jean-Michel Lacroix, Histoire des États-Unis, Paris, P.U.F., 2006, (ISBN 2-13-055477-6) : pour le contexte
- Claude Fohlen, Thomas Jefferson, Nancy, Presses Universitaires de Nancy, 1992, (ISBN 2-86480-544-8)
Liens internes
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